Citer :
Je pense que nos fameux Pères étaient à la fois pragmatiques et idéalistes. Pour glisser de l'autonomie (ce dont il était question au départ) à la rupture de la déclaration d'indépendance, il y a eut une maturation des idées. Il a fallu se justifier. La rencontre entre ce désir d'autonomie et l'esprit des Lumières (Locke, par exemple, ou plus tardivement Thomas Paine, dont le Sens commun à été lu par des centaines de milliers d'Américains), a bien donné naissance à un État original - et fondé sur le droit des gens. Séparation des pouvoirs, deux chambres, président élu, liberté d'expression, liberté de la presse, liberté de commercer, droit des neutres, etc.
Je suis d'accord sur le "pragmatique et idéaliste", de toute façon c'est une caractéristique de la culture américaine de toujours faire coincider au mieux intérêts et grands principes
Cela dit, ce sont bien des raisons pragmatiques qui sont au
tout début de la Révolution: résistance des commerçants et hommes d'affaires américains mercantilistes au mercantilisme déchainé du gouvernement anglais, révolte fiscale--on retrouve ce thème très américain de la révolte fiscale actuellement dans le mouvement du Tea Party.
Les idées, les principes ne sont intervenus qu'après, par une réflexion théorique/idéologique sur la situation nouvelle à laquelle les colons étaient confrontés examinée à la lumière par exemple de "grilles de décodage" comme Locke, ou Montesquieu.
Vous avez donné aussi un argument en faveur de "révolution" dans la dispute avec"révolte coloniale" en soulignant que dans une guerre d'indépendance anticoloniale stricto sensu, on se révolte contre des gens d'un autre peuple, des envahisseurs étrangers.
Bien sûr, comme vous le soulignez, même si le pouvoir monarchique n'est pas renversé, la révolution américaine est une affaire entre Anglais, mais d'une part, les colons avaient acquis une identité culturelle légèrement différente de la britannique pur jus suite à leur vie en Amérique et d'autre part, les troupes anglaises et administrateurs anglais étaient bel et bien vus comme des envahisseurs, ou au moins comme des oppresseurs-sauf par les loyalistes .
A ce sujet, c'est amusant de souligner que Martin van Buren, est le premier président né citoyen américain dans la série présidentielle inaugurée par Washington: tous ses prédécesseurs étaient nés citoyens anglais. Van Buren est aussi le premier président d'origine non anglaise.
Pour récapituler, la Révolution américaine est une manifestation politique mixte, "amphibie":
- révolution par certains aspects (invention d'un nouveau système politique même si inspiré des libertés anglaises), dimension inter-anglaise de l'affaire (qu'on ne peut pas vraiment qualifier cependant de guerre civile, vu l'absence presque complète de violences civiles graves d'une part, et vu que le conflit a opposé civils coloniaux anglais et soldats métropolitains anglais d'autre part).
- guerre d'indépendance par d'autres: pas de changement des élites politiques/économiques en place, pas de changement social, pas de redistribution de la propriété comme dans les révolutions typiques.
Comparez par exemple avec la Révolution haitienne: guerre anticoloniale certes, mais révolution indiscutable, vu le renversement et l'expropriation des élites coloniales et la prise du pouvoir par la catégorie dominée.