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 Sujet du message : Rousseau et l'abandon d'enfants
Message Publié : 25 Avr 2012 14:24 
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Polybe
Polybe
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Bonjour,
Les deux auteurs d'Histoire des enfants trouvés paru en 1840 rapportent cette anecdote :
ll [Rousseau] envoyait exposer ses enfants devant la porte d’un hospice. Il en eut cinq, qui tous furent abandonnés de la même manière, sans hésitation d’abord, mais non, plus tard, sans les remords les plus vifs.
puis :
c’est en vain que Rousseau en donna une description lorsqu’il fit réclamer, dans les bureaux de l’hospice de Paris, les nouveaux-nés qu’il avait fait exposer. Toutes les recherches furent inutiles, on ne put rendre à l’auteur de l’Emile aucun de ses enfants.

Avez d'autres informations sur cette anecdote et est-elle pour vous crédible ?


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Message Publié : 25 Avr 2012 15:15 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Que Rousseau, auteur d'un traité sur l'éducation des enfants, ait abandonné les cinq que lui a donnés sa compagne Marie Thérèse Le Vasseur, est ce que j'ai entendu d'une des spécialistes les plus connues de Rousseau dont j'ai suivi les cours en fac, et il n'y a pas de doute sur la réalité de ces faits , d'ailleurs reconnus par Rousseau lui-même;
il a justifié ces abandons d'abord par son manque d'argent, qui le lui permettait pas de les élever, puis par la crainte qu'il avait que ces enfants subissent l'influence de sa belle-famille, avec laquelle il ne s'entendait pas .
Mais --autre contradiction-- Rousseau le philanthrope, ne s'entendait pas avec beaucoup de gens.


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Message Publié : 25 Avr 2012 16:32 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 22 Sep 2005 18:53
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Bonjour

c'est une "anecdote" très connue.

C'est le moteur de ma conception : toujours séparer l'homme réel de son oeuvre artistique (ou autre) -> c'est deux choses différentes.


Bien à vous.

_________________
Hugues de Hador.


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Message Publié : 25 Avr 2012 16:58 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Citer :
C'est le moteur de ma conception : toujours séparer l'homme réel de son oeuvre artistique (ou autre) -> c'est deux choses différentes.


Euh, jusqu'à un certain point.
Parce que écrire un livre sur l'éducation des enfants, alors qu'on a été incapable d'éduquer les siens, ça décrédibilise un brin.

Il n'y a pas de cloison étanche entre homme privé et homme public, entre vie et oeuvre--contrairement à ce que veulent le faire croire certains écrivains qui ont des choses à cacher :mrgreen: .
Les correspondances et transférences entre les deux sont multiples mais elles sont codées.
Dans le cas de Rousseau, on peut dire que c'est quelqu'un qui a fréquemment vécu dans une contradiction extrême entre ses thèses et ses comportements personnels.


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Message Publié : 25 Avr 2012 17:14 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Rousseau en parle dans ses Confessions, et s'en explique :
Rousseau, dans les Confessions, livre VIII a écrit :
Tandis que je philosophais sur les devoirs de l'homme, un événement vint me faire mieux réfléchir sur les miens. Thérèse devint grosse pour la troisième fois. Trop sincère avec moi, trop fier en dedans pour vouloir démentir mes principes par mes oeuvres, je me mis à examiner la destination de mes enfants, et mes liaisons avec leur mère, sur les lois de la nature, de la justice et de la raison, et sur celle de cette religion pure, sainte, éternelle comme son auteur, que les hommes ont souillée en feignant de vouloir la purifier, et dont ils n'ont plus fait, par leurs formules, qu'une religion de mots, vu qu'il en coûte peu de prescrire l'impossible quand on se dispense de le pratiquer.
Si je me trompai dans mes résultats, rien n'est plus étonnants que la sécurité d'âme avec laquelle je m'y livrai. Si j'étais de ces hommes mal nés, sourds à la douce voix de la nature, au-dedans desquels aucun vrai sentiment de justice et d'humanité ne germa jamais, cet endurcissement serait tout simple. Mais cette chaleur de coeur, cette sensibilité si vive, cette facilité à former des attachements, cette force avec laquelle ils me subjuguent, ces déchirements cruels quand il les faut rompre, cette bienveillance innée pour mes semblables, cet amour ardent du grand, du vrai, du beau, du juste, cette horreur du mal en tout genre, cette impossibilité de haïr, de nuire, et même de le vouloir, cet attendrissement, cette vive et douce émotion que je sens à l'aspect de tout ce qui est vertueux, généreux, aimable: tout cela peut-il jamais s'accorder dans la même âme, avec la dépravation qui fait fouler aux pieds, sans scrupule, le plus doux des devoirs? Non, je le sens, et le dis hautement, cela n'est pas possible. Jamais un seul instant de sa vie Jean-Jacques n'a pu être un homme sans sentiment, sans entrailles, un père dénaturé. J'ai pu me tromper, mais non m'endurcir. Si je disais mes raisons, j'en dirais trop. Puisqu'elles ont pu me séduire, elles en séduiraient bien d'autres: je ne veux pas exposer les jeunes gens qui pourraient me lire à se laisser abuser par la même erreur. Je me contenterai de dire qu'elle fut telle, qu'en livrant mes enfants à l'éducation publique, faute de pouvoir les élever moi-même, en les destinant à devenir ouvriers et paysans, plutôt qu'aventuriers et coureurs de fortunes, je crus faire un acte de citoyen et de père; et je me regardai comme un membre de la république de Platon. Plus d'une fois, depuis lors, les regrets de mon coeur m'ont appris que je m'étais trompé; mais, loin que ma raison m'ait donné le même avertissement, j'ai souvent béni le ciel de les avoir garantis par là du sort de leur père, et de celui qui les menaçait quand j'aurais été forcé de les abandonner. Si je les avais laissés à Mme d'Epinay ou à Mme de Luxembourg, qui, soit par amitié, soit par générosité, soit par quelque autre motif, ont voulu s'en charger dans la suite, auraient-ils été plus heureux, auraient-ils été élevés du moins en honnêtes gens? Je l'ignore; mais je suis sûr qu'on les aurait portés à haïr, peut-être à trahir leurs parents: il vaut mieux cent fois qu'ils ne les aient point connus.
Mon troisième enfant fut donc mis aux Enfants-Trouvés, ainsi que les premiers, et il en fut de même des deux suivants; car j'en ai eu cinq en tout. Cet arrangement me parut si bon, si sensé, si légitime, que si je ne m'en vantais pas ouvertement, ce fut uniquement par égard pour la mère; mais je le dis à tous ceux à qui j'avais déclaré nos liaisons; je le dis à Diderot, à Grimm; je l'appris dans la suite à Mme d'Epinay, et dans la suite encore à Mme de Luxembourg, et cela librement, franchement, sans aucune espèce de nécessité, et pouvant aisément le cacher à tout le monde; car la Gouin était une honnête femme, très discrète, et sur laquelle je comptais parfaitement. Le seul de mes amis à qui j'eus quelque intérêt de m'ouvrir fut le médecin Thierry, qui soigna ma pauvre tante dans une de ses couches où elle se trouva fort mal. En un mot, je ne mis aucun mystère à ma conduite, non seulement parce que je n'ai jamais rien su cacher à mes amis, mais parce qu'en effet je n'y voyais aucun mal. Tout pesé, je choisis pour mes enfants le mieux, ou ce que je crus l'être. J'aurais voulu, je voudrais encore avoir été élevé et nourri comme ils l'ont été.


L'Émile est un exemple de la conception antique, régulièrement réactualisée, qu'il n'est aucun besoin de pratiquer une activité pour en parler en maître, du moment qu'on est éclairé par la Raison ;)

_________________
Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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Message Publié : 25 Avr 2012 17:19 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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Oui, c'est la problématique permanente des deux écueils, de laisser les spécialistes s'emparer de leur sujet au risque d'en faire une terrifiante chasse gardée (d'ou la fameuse réflexion de Clémenceau sur la guerre, chose trop sérieuse pour la laisser aux militaires) ou effectivement de considérer que le fait d'être éclairé par la raison permet d'évoquer puissamment un sujet dont on ignore a priori à peu près tout !

Autant les "spécialistes" peuvent rapidement transformer la question en un club privé réservé aux membres, autant l'on peut se poser la question de qui décide qui est ou non éclairé par la raison ...

:P

_________________
"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

Yves Modéran


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Message Publié : 25 Avr 2012 17:48 
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Jean Mabillon
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Tout pesé, je choisis pour mes enfants le mieux, ou ce que je crus l'être. J'aurais voulu, je voudrais encore avoir été élevé et nourri comme ils l'ont été.


C'est un superbe exemple de ce que les psychothérapeuthes appellent une rationalisation: invoquer des raisons morales pour justifier des comportements qui ne le sont pas, même aux normes de l'époque.
Le sort des enfants abandonnés au XVIIIème siècle, recueuillis par des institutions religieuses , était loin d'être enviable, et l'enfance qu'a eue Rousseau, pour instable qu'elle ait pu être, était de beaucoup préférable.
De même que le sort de ses enfants eut été meilleur s'ils avaient été confiés aux bons soins de nobles et riches protectrices qui voulaient bien s'en charger--mais Rousseau a préféré la solution qui lui compliquait le moins la vie .
D'ailleurs la culpabilité sous-jacente de Rousseau transparait aux efforts laborieux qu'il fait pour se disculper, et au flot de protestations qu'il juge bon de déverser sur son amour inné du bien et de la vertu, son incapacité à faire le mal etc.
Le fait qu'on soit bon et vertueux, ça ne se prouve pas par les paroles mais par les actes.
:mrgreen: .


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Message Publié : 25 Avr 2012 19:47 
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Polybe
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Pardonnez-moi je n'ai pas été assez précis. Ma question porte sur le point où l'on refuse à Rousseau de lui rendre ses enfants, c'est cela qui m'interpelle. J'aimerais avoir d'autres sources sur cela; Je sais que l'abandon de ses enfants n'est, lui, pas à mettre en doute. Merci au passage pour la copie du paragraphe des Confessions.

En effet la situation des enfants abandonnés dans les hospices est absolument déplorable. Toutes les statistiques montrent que leur chance d'atteindre les dix ans dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle est, au mieux, de une sur cinq. Rousseau fait preuve d'un aveuglement extrêmement surprenant en croyant que ses enfants seront bien nourris et bien élevés.


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Message Publié : 25 Avr 2012 20:35 
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Jean Mabillon
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Sur Rousseau cherchant à récupérer en vain ses enfants, je n'ai rien lu, ça me parait plutôt douteux.
En effet, comme une telle tentative serait à son avantage moralement, il est probable que s'il l'avait faite, il en aurait parlé dans les Confessions.Or, ce n'est pas le cas.


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Message Publié : 05 Juin 2012 11:08 
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Hérodote
Hérodote

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Entre Rousseau qui abandonne ses enfants et Voltaire qui écrit des horreurs sur les Juifs et détient des parts dans le commerce des esclaves, il y a vraiment un fossé. Pourtant, Voltaire a plus la cote aujourd'hui. Il n'y a qu'à regarder le plan de Paris, une rue minuscule pour Rousseau et un boulevard pour Voltaire.


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Message Publié : 05 Juin 2012 11:37 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Tout d'abord, d'après ce que j'ai lu, l'histoire de la lettre selon laquelle Voltaire aurait eu des parts dans une société pratiquant le trafic des esclaves serait fausse; extrait d'une bio de Voltaire parue sur le site suivant:

"Voltaire et l’esclavage

On a souvent prétendu que Voltaire s‘était enrichi en ayant participé à la traite des noirs. On invoque à l’appui de cette thèse une lettre qu’il aurait écrite à un négrier de Nantes pour le remercier de lui avoir fait gagner 600 000 livres par ce biais mais cette lettre est apocryphe. En réalité, Voltaire a fermement condamné l’esclavagisme. Le texte le plus célèbre est la dénonciation des mutilations de l’esclave de Surinam dans Candide [3] mais son corpus comporte plusieurs autres passages intéressants. Dans le « Commentaire sur l’Esprit des lois » (1777), il félicite Montesquieu d’avoir jeté l’opprobre sur cette odieuse pratique.
Il s’est également enthousiasmé pour la libération de leurs esclaves par les Quakers de Pennsylvanie en 1769.
En compagnie de son avocat et ami Christin, il a lutté lors des dernières années de sa vie pour la libération des « esclaves » du Jura qui constituaient les derniers serfs présents en France et qui, en vertu du privilège de la main-morte, étaient soumis aux moines du chapitre de Saint-Claude (Jura). C’est un des rares combats politiques qu’il ait perdu ; les serfs ne furent affranchis que lors de la Révolution française, dont Voltaire inspira certains des principes."

http://www.histoiredumonde.net/Voltaire.html

Mais surtout, même si Voltaire avait détenu des parts dans une société trafiquant des esclaves, je ne vois pas au nom de quel code moral orienté et anachronique on poserait qu'engendrer 5 enfants (alors qu'il existait alors des façons rudimentaires mais relativement efficaces de ne pas en avoir) puis les abandonner aux Enfants trouvés, ce qui leur garantissait à peu près certainement une enfance maltraitée et une vie misérable, serait moins grave que trafiquer des esclaves.
D'abord, l'esclavage n'était pas considéré comme immoral à l'époque, ni en Europe, ni en Afrique ni au Moyen-Orient; cette pratique existait dans toutes ces régions , et peu de gens y trouvaient à redire.
Par contre, même d'après les critères moraux de l'époque en France, l'abandon d'enfants était considéré comme peu honorable, surtout si l'on avait à peu près les moyens de les élever. Les revenus de Rousseau étaient certainement modestes et plus ou moins irréguliers, ils ne l'étaient pourtant pas plus que ceux des paysans ou artisans ordinaires qui, eux, n'abandonnaient pas leurs enfants pour autant.
Enfin, un trafiquant d'esclaves maltraite des humains qui lui sont inconnus; un individu comme Rousseau qui prêche la philanthropie et les Droits de l'homme tout en abandonnant et en condamnant ainsi à un sort misérable ses propres enfants n'est pas meilleur, voire pire.
Le problème chez Rousseau est que son comportement privé est en contradiction constante avec les principes qu'il défend dans ses oeuvres.
Qu'il s'agisse de son comportement de totale irresponsabilité paternelle, de son attitude de parasite ingrat et parfois obséquieux envers ses généreux bienfaiteurs, de sa misogynie dépassant significativement celle de la moyenne culturelle de l'époque, de son caractère haineux et paranoiaque, de son puritanisme délirant (Rousseau jugeait le théâtre immoral et était pour son interdiction) coexistant avec une sexualité sado-masochiste, toute sa vie est une illustration achevée de la maxime "faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais".


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Message Publié : 06 Juin 2012 1:56 
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Jean Froissart
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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Euh ... Voltaire certes a condamné l'esclavage. Il a condamné pas mal d'autres choses, et avec le plus grand talent. Il reste encore aujourd'hui, avec Chateaubriand, le plus grand littérateur de langue française.

Quand j'ai envie de me ressourcer et de reprendre une leçon de français, je lis quelques pages de son "siècle de Louis XIV".

Moyennant quoi il méprisait Rousseau, "ce gueux qui voudrait voler les riches pour tout donner à la canaille". Voltaire avait la plume affûtée et l'esprit asséré.

Il a assassiné de la plus belle manière les gens qu'il n'aimait pas, comme Rousseau, et ceux qui l'ennuyait, comme Maupertuis à qui il répondit à l'envoi qui lui en avait été fait de l'ouvrage sur le calcul du méridien de Paris : "cher Monsieur de Maupertuis, je lirais volontiers votre livre si j'en avais le talent ..."

Pour en revenir au propos initial, Voltaire a aussi condamné dans ses romans philosophiques les guerres de son époque. J'ignore s'il avait des parts dans les compagnies bordelaises opérant le trafic triangulaire, mais ses liens financiers avec les fournisseurs aux armées royales ne sont, ni cachées, ni à l'époque scandaleuses.

Il faudra attendre Carnot puis Napoléon pour que l'on se demande pourquoi les fantassins doivent être vêtus à l'économie ...

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Yves Modéran


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Message Publié : 06 Juin 2012 6:35 
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Jean Mabillon
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Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Localisation : Centre
Voltaire méprisait Rousseau--qu'il considérait comme un hypocrite et un illuminé malfaisant--Rousseau haissait Voltaire, à cause de sa réussite sociale et matérielle, de son athéisme et de son opposition antireligieuse et parce qu'il mettait en évidence ses contradictions morales et son hypocrisie; extrait d'une lettre de Rousseau à M. Moltou (29 janvier 1760) :
« Vous me parlez de ce Voltaire ! Pourquoi le nom de ce baladin souille-t-il vos lettres ? Le malheureux a perdu ma patrie ; je le haïrais davantage si je le méprisais moins. Je ne vois dans ses grands talents qu'un opprobre de plus qui le déshonore par l'indigne usage qu'il en fait. Ses talents ne lui servent, ainsi que ses richesses, qu'à nourrir la dépravation de son coeur […] Ce fanfaron d'impiété, ce beau génie et cette âme basse, cet homme si grand par ses talents, et si vil par leur usage, nous laissera de longs et cruels souvenirs de son séjour parmi nous. La ruine des mœurs, la perte de la liberté, qui en est la suite inévitable, seront chez nos neveux les monuments de sa gloire et de sa reconnaissance. S'il reste dans leur coeur quelque amour pour la patrie, ils détesteront sa mémoire, et il en sera plus souvent maudit qu'admiré. »

Accuser Voltaire de la ruine morale et de la "perte de la liberté" de la Suisse, c'est un tantinet exagéré. Mais Rousseau, égaré par sa paranoia et son complexe de persécution, est souvent excessif.


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Message Publié : 06 Juin 2012 9:25 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Rousseau est un personnage plein de contradictions, on lui pardonnerait volontiers s'il ne pratiquait une auto-justification commode, suspecte et sur laquelle on ne saurait fonder une société.
Sur la base de la raison, en ignorant la morale civique à défaut de religieuse, on peut justifier les pires excès et même le meutre. Voler, tuer, escroquer, devient un acte de justice dans la morale des délinquants. Quelle société peut reposer sur de telles bases.
Exemple de contradiction chez Rousseau, dénonçant l'injustice et la richesse dans une société qui corrompt, le philosophe a été hébergé et nourri une grande partie de sa vie par de riches aristocrates honorés de secourir un homme aussi célèbre, débarrassé ainsi de tous soucis. Il est mort chez un marquis.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 06 Juin 2012 11:22 
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Jean Mabillon
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Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Localisation : Centre
Rousseau est en effet mort chez le marquis de Girardin, dans sa propriété d'Ermenonville.
Ce gentilhomme n'était que le dernier dans une longue série de généreux bienfaiteurs plus ou moins jobards qui ont offert l'hospitalité à Rousseau. Et qui se sont ultérieurement repenti de leurs bontés, ayant du subir ses éclats et la paranoia aigue de l'écrivain qui lui faisaient voir des complots contre lui partout--mais surtout chez ceux qui lui voulaient du bien .
Le séjour de Rousseau se terminait habituellement par une brouille, parfois il partait de son propre chef et se répandait ensuite en propos malveillants sur son ex-bienfaiteur, parfois il était mis à la porte, comme ce fut le cas pour Mme d'Epinay, Rousseau n'ayant rien trouvé de mieux que de mettre à profit son séjour chez elle pour faire la cour à Mme d'Houdetot, maîtresse de son ami Saint-Lambert, en l'absence de celui-ci.
Mme de Warens lui paye généreusement des cours de musique auprès d'un maître de chapelle, nommé Le Maître, Rousseau ayant exprimé des vélléités de faire de la musique son métier. Le Maître le prend sous son aile et lui enseigne les secrets de son art; il est victime d'une crise d'épilepsie en présence de son élève, celui-ci s'enfuit et l'abandonne lâchement en pleine rue.
Constamment, Rousseau se brouille avec tous ses amis et bienfaiteurs successifs: Voltaire, Grimm, Diderot, Hume qui l'a accueilli chez lui en Angleterre alors que Rousseau devait fuir les persécutions que lui valaient ses écrits sur le Continent, Richard Davenport;
il a été hébergé également par le prince de Conti, au château de Trie dans l'Oise, (qui sera plus tard acheté par Gobineau) et par le maréchal de Luxembourg dans sa propriété de Montmorency.
Il s'est fait entretenir par différentes femmes plus âgées que lui, ses maîtresses, ayant commencé sa carrière d'homme entretenu dès l'adolescence avec Mme de Warens, avec qui il vivra en ménage à trois avec les autres amants de celle-ci, Claude Anet et Jean Wintzenried.
Il se fait également entretenir par une autre de ses maîtresses, Mme de Larnage, de 20 ans plus âgée que lui.
Mme Dupin (des Dupin de Francueil, famille de l'ascendance de George Sand) le prendra en pitié et lui confiera le tutorat de ses enfants, dont il s'acquittera fort mal: l'auteur du traité d'éducation l' "Emile", qui révolutionnera les conceptions éducatives de l'époque, n'aime pas s'occuper d'éduquer des enfants.
Ayant été engagé comme secrétaire par Pierre-François de Montaigu, ambassadeur de France à Venise, l'importance de ses nouvelles fonctions lui monte à la tête, et il se montre si arrogant et impoli que Montaigu doit le congédier au bout d'un an.
Auteur de pièces de théâtre, il dénoncera le théâtre comme immoral et se déclarera pour son interdiction.

Ayant mené une vie assez peu exemplaire, cela ne l'empêche pas de s'ériger en professeur de morale, condamnant en dépit (ou à cause) de son immoralité personnelle la moralité des amis dont il a accepté l'aide et l'hospitalité, qu'il désigne à l'opprobre de ses lecteurs comme faux, méchants et corrompus. Lui seul est pur et innocent comme l'agneau qui vient de naître: on connaît son apostrophe mégalomane:"Qu'un seul dise, s'il l'ose: je fus meilleur que cet homme là" (lui).
A la fin de sa vie, sa manie d'auto-justification devient si forte que , n'ayant pu trouver d'éditeur pour son manuscrit "Rousseau juge de Jean-Jacques", il essaiera de le déposer sur l'autel de la cathédrale Notre-Dame, et n'y arrivant pas, en distribuera des pages aux passants ; un demi-fou donc--explication sinon excuse de ses incohérences.
Il aurait été une des lectures favorites de Robespierre.


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