Nous sommes actuellement le 28 Mars 2024 12:23

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 13 message(s) ] 
Auteur Message
 Sujet du message : Agronomie et agromanie
Message Publié : 30 Août 2004 20:28 
Bonjour,
l'histoire rurale n'attire guère les discussions mais j'aimerais savoir si certains d'entre vous seraient intéressés par les progrès agricoles effectués durant ce siècle "lumineux"? Je parle d'élevage, de médecine vétérinaire, de techniques agricoles, de l'exploitation forestière, des sociétés d'agriculture... :D sujet vaste mais passionnant !! :wink:


Haut
  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 30 Août 2004 22:22 
Hors-ligne
Jules Michelet
Jules Michelet
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 29 Déc 2003 23:28
Message(s) : 3091
Le XVIIIè siècle est un siècle qui a connu de grands changements dans l'agriculture, bien qu'on ne puisse pas encore parler de "révolution", qui sera le fait du siècle suivant. Les effets de l'agronomie sur ces bouleversements ne paraissent pas encore très importants. Il s'agit plus de changements liés à des progrès lents, ou liés à des innovations faites par des agriculteurs de manière empirique, qui ne sont pas liés à des recherches scientifiques. L'agronomie devient certes une mode chez les élites du XVIIIè siècle, mais ceci s'apparente plus à de "l'agromanie", puisqu'ils ne trouvent pas grand-chose d'utile, et échouent généralement.
Mais on accomplit quand même certains progrès : introduction de plantes fourragères (progrès venu d'Angleterre), qui permet l'élaboration de l'assolement quadriennal (à l'exemple du cycle mis au point dans la région de Norfolk) ; introduction du maïs dans le sud-ouest de la France (à partir de l'Espagne), ce qui permet d'adopter un assolement triennal dans cette région ; dans la médecine, l'anglais Jenner met au point le premier vaccin à la fin du XVIIIè siècle, celui contre la variole, en rapprochant cette maladie de la vaccine, maladie qui touche les vaches comme son nom l'indique (et qui donnera le mot "vaccin").
Pour le reste, l'organisation de l'agriculture, les outils restent encore archaïques en France. Au Royaume-Uni en revanche, le mouvement des enclosures arrive à son aboutissement, et l'agriculture est dominée par de riches Landlords. C'est là qu'on accomplit la plupart des innovations.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 31 Août 2004 9:22 
Hors-ligne
Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
Message(s) : 5364
On peut ajouter que c'est fin XVIIIe - début XIXe qu'apparaît en France le bocage.

Citer :
introduction du maïs dans le sud-ouest de la France (à partir de l'Espagne), ce qui permet d'adopter un assolement triennal dans cette région


Ironie de l'histoire, ce même maïs, dans cette même région, fait désormais l'objet d'une triste monoculture... enfin.
Au passage, est-ce à cette époque que l'on introduit également cette culture dans la Bresse, faisant désigner comme "ventres jaunes" ces habitants vivant de "la gaude" ?


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 15 Oct 2006 7:08 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 13 Mars 2006 10:38
Message(s) : 2476
Localisation : Lorraine
Je remonte ce sujet qui mériterait de plus amples développements, pour vous présenter une planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui est très intéressante pour notre propos, car elle suggère dans sa composition même un aspect des progrès techniques réalisés au XVIIIème siècle dans le labour et les semailles, voire aussi (en s’avançant un peu ? A vous de juger) un message politique.

(Pardon pour la largeur du document qui crée un défilement horizontal, mais le réduire le rendrait illisible)

Image

Au second plan, sur une terre déjà labourée, un homme sème à la volée « sur une terre préparée par différents labours », comme l’indique la légende, puis un autre passe une herse « pour couvrir la semence ». Ces semailles manuelles et cette herse ne sont guère différentes de ce que montre la miniature « Octobre » des Très riches heures du duc de Berry au début du XVème siècle. La dernière opération consiste à passer le rouleau brise-mottes.
Remarquez la position de ces personnages, l’un va dans un sens, l’autre en sens inverse, les tâches semblent peu coordonnées et on suggère l’importance de la main-d’oeuvre et la lourdeur des opérations («différents labours »). Au-dessus de cette scène agricole ancestrale, le village avec le moulin, mais aussi l’église et surtout dominant l’ensemble, le château seigneurial, dont on se demande d’ailleurs (on distingue mal, mais peut-être est-ce voulu ?) s’il n’est pas plus ou moins en ruines. L'association du symbole d'un ordre ancien avec des techniques anciennes n'est selon moi nullement fortuite...

Au premier plan, nettement séparée du second par une haie et une barrière, puis un petit fossé, la scène est toute différente : le semoir et la charrue « ordinaire » se suivent de façon rationnelle, comme veut encore le souligner de façon très didactique la ligne pointillée imaginaire superposé au sillon, de même que la rectitude et le parallélisme très géométrique des sillons déjà recouverts; car on veut insister sur la rapidité du travail (un seul passage en deux temps) par deux personnes seulement, dont l’une est une femme, pour démontrer la facilité d’utilisation du semoir qui ne nécessite pas de force physique particulière. En tout cas, confrontées à la routine et à l’empirisme, il est clairement démontré que ces nouvelles méthodes participent d’une rigueur toute mathématique. Nous sommes maintenant dans un autre monde.

Le semoir n’existait pas avant le XVIIIème siècle ; il a été inventé par Jethro Tull (non, pas le groupe rock, :lol: l’agronome anglais 1674-1741). Celui qui est présenté ici est le semoir à bras de Languedoc de l’Abbé Soumille, qui date de 1762, mais qui est moins perfectionné que celui de Tull, pourtant antérieur, présenté dans l’autre planche, et qui permettait de semer sur 3 rangs.
Il a aussi perfectionné la charrue « ordinaire », comme le montre les figures 2 et 3, en multipliant le nombre de coutres pour accélérer le labour (« la charrue est plus expéditive », voir ci-dessous le texte de l’article correspondant de L’Encyclopédie) tout en permettant un labour plus profond donc plus efficace.

"L'objet qu'on se propose en labourant les terres est de détruire les mauvaises herbes, & de réduire la terre en molécules. La bêche rempliroit à merveille ces deux conditions; mais le travail à la béche est long, pénible, & coûteux. On ne bêche que les jardins. La charrue plus expéditive est pour les champs. M. de Tull, dont M. Duhamel a mis l'ouvrage utile en notre langue, ayant remarqué que la charrue ordinaire ne remuoit pas la terre à une assez grande profondeur, & brisoit mal les mottes, le coutre coupant le gason, le soc qui suit l'ouvrant, & l'oreille ou le versoir le renversant tour d'une piece, a songé à perfectionner cette machine, en y adaptant quatre coutres, placés de maniere qu'ils coupent la terre qui doit être ouverte par le soc, en bandes de deux pouces de largeur; d'où il s'ensuit que, le soc ouvrant un sillon de sept à huit pouces de largeur, le versoir retourne une terre bien divisée, & que la terre est meuble dès le second labour. M. de Tull prétend encore qu'il peut avec sa charrue sillonner jusqu'à 10, 12, & 14 pouces de profondeur. Pour qu'on en puisse juger, nous allons donner la description de la charrue commune, & de la charrue de M. de Tull. "

Cette gravure de l’Encyclopédie est donc un document technique, mais pas seulement, car en utilisant de façon habile les mêmes procédés de composition que la peinture par exemple, elle parvient à suggérer non seulement une évolution dans les pratiques culturales, mais aussi un message bien plus polémique ; n’oublions pas que l’édition était alors soumise au privilège royal. Il était incontestablement plus innocent de le faire par une scène figurée « subliminale » que par les mots. Trop subliminal ? Les lecteurs de l’Encyclopédie, personnes éclairées, étaient probablement capables de comprendre l’intention...

_________________
Tous les désespoirs sont permis


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 15 Oct 2006 8:03 
Hors-ligne
Marc Bloch
Marc Bloch
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 09 Août 2006 6:30
Message(s) : 4160
Localisation : Allemagne
N'ya-t-il pas un lien avec l'école des physiocrates ?

Par ailleurs ,le maïs est cultivé relativement tôt ,aprè la découverte de l'Amérique au Pays Basque et en Béarn.Il y a une source écrite dès 1523.
Cela peut s'expliquer par le climat chaud et humide de la région.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 15 Oct 2006 8:11 
Hors-ligne
Salluste
Salluste
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 15 Sep 2006 13:16
Message(s) : 263
Localisation : TOULOUSE
Cuchlainn a écrit :
On peut ajouter que c'est fin XVIIIe - début XIXe qu'apparaît en France le bocage.

Citer :
introduction du maïs dans le sud-ouest de la France (à partir de l'Espagne), ce qui permet d'adopter un assolement triennal dans cette région


Ironie de l'histoire, ce même maïs, dans cette même région, fait désormais l'objet d'une triste monoculture... enfin.



C'est vrai. Mais Cette pratique extensive de la culture du maïs est entrain d' évoluer à la baisse. Depuis la sècheresse de 2003, (juin à septembre ici), les agriculteurs ont pris conscience de l'inconvénient majeur du maïs : sa grande consommation d'eau !
Depuis peu, la culture se diversifie, notament au prift du tournesol, moins gourmand en eau, et du blé.


Sinon, il ne faut pas oublier qu' au XIè siècle, de grands progrès dans les techniques agricoles, d'attelages et également du matériel, permirent une amélioration des rendements agricoles !


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 15 Oct 2006 10:27 
Hors-ligne
Tite-Live
Tite-Live

Inscription : 09 Mai 2006 18:17
Message(s) : 387
Localisation : Metz
Cuchlainn a écrit :
On peut ajouter que c'est fin XVIIIe - début XIXe qu'apparaît en France le bocage.

Ne serait-ce pas à partir de la fin du Moyen Âge que le bocage se met progressivement en place ? Dans son Histoire du paysage français, Jean-Robert Pitte cite le cas de la Thiérache "qui devient bocagère à partir du XIVe siècle".

PJ


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 17 Oct 2006 9:45 
Hors-ligne
Salluste
Salluste
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 16 Mai 2006 13:04
Message(s) : 214
Puisque vous évoquiez l'influence climatique, je vous propose aussi la lecture de cet article, qui évoque le rôle du climat dans l'échec des réformes de libéralisation du marché du blé à la fin du XVIIIè : http://www.lefigaro.fr/litteraire/20061 ... toire.html

_________________
Ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux...Avec délices!


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 15 Nov 2006 14:55 
Hors-ligne
Thucydide
Thucydide
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 21 Jan 2006 15:17
Message(s) : 57
Localisation : Paris
Les physiocrates n'ont eu une réelle influence que lorsqu'ils furent au pouvoir : Bertin y a beaucoup contribué, et citons surtout Turgot. Leur action a été plutôt libérale dans le sens où ils ont cherché tantôt avec succès, tantôt en vain, à promouvoir l'exploitation individuelle et son développement technique. Le partage des communaux symbolise une partie de l'influence physiocratique auprès des intendants. Tous n'y furent pas acquis, et certains rencontrèrent aussi une farouche résistance des communautés rurales. Les physiocrates ont un bilan assez mitigé : la crise de l'agriculture française dans les années 1780, étudiée par Labrousse, est en grande part un contre-coup de la libéralisation des échanges des grains. Le partage des communaux, lorsqu'il a eu lieu, a apporté plus de frustrations sociales que de réelles avancées pour l'agriculture. Mais la physiocratie a toutefois préparé l'agriculture française au formidable décollage qu'elle connaît au XIXe siècle. Son action doit donc aussi se mesurer dans le long terme.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 15 Nov 2006 16:28 
Hors-ligne
Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
Message(s) : 5364
PJ57 a écrit :
Cuchlainn a écrit :
On peut ajouter que c'est fin XVIIIe - début XIXe qu'apparaît en France le bocage.

Ne serait-ce pas à partir de la fin du Moyen Âge que le bocage se met progressivement en place ? Dans son Histoire du paysage français, Jean-Robert Pitte cite le cas de la Thiérache "qui devient bocagère à partir du XIVe siècle".

PJ


En fait, j'ai été trop hâtif; cela dépend des régions. Il y a cependant une grande vague à la fin du XVIIIe, dans le Bourbonnais, le Centre-Ouest, la Bretagne, si je me rappelle bien de mes cours d'école agri.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Agronomie et agromanie
Message Publié : 30 Jan 2014 0:23 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote

Inscription : 30 Jan 2014 0:02
Message(s) : 2
Bonsoir à tous !

Ayant travaillé sur la question agronomique au XVIIIe siècle, et ayant rédigé un article sur une machine à sécher les grains inventé par un "touche-à-tout" toscan, Bartolomeo Intieri en 1728, je suis assez d'accord pour dire que beaucoup s'accordent sur cette fameuse "Révolution verte" au XVIIIe siècle mais que les travaux des historiens sur cette question restent peu connus.

Je pense que ce qu'il y a de plus formidable avec ses inventions, c'est la réelle créativité, qui selon moi, conduit doucement mais sûrement aux machines du siècle suivant et peu ou prou à la Révolution industrielle. Pour ma part donc, j'ai étudié une machine à sécher les grains, bien utile dans cette économie de subsistance de l'Ancien Régime où chertés et disettes sont plus que fréquentes. En effet, une fois séché, le grain était stocké dans des caisses hermétiques et entreposés, permettant ainsi d'en avoir en cas de crise, ou mieux d'en vendre à prix renchéri. La circulation accrue des idées au XVIIIe siècle est particulièrement saisissante ici, car elle se double d'une sorte de compétition internationale. En effet, les plans de la machine transmises à un ingénieur militaire français, Jacques Philippe Mareschal (1689-1778), arrivent en France où Duhamel-Monceau s'empresse d'étudier (et de s'attribuer la paternité). Elle intéresse particulièrement l'armée française, et en particulier un financier, chargé de l'approvisionnement de l'armée, le célèbre Joseph Pâris Duverney (1684-1770), qui dans l'Ecole militaire de Paris qu'il créa, installa l'étuve à grains. Par la suite, on retrouve la machine installée à Bordeaux, grand port colonial et débouché des farines d'Aquitaine, et même sur l'isle Bourbon (Réunion).

Cette découverte que j'ai faite au cours de recherches sur les intellectuels et savants au service de la papauté, et surtout de la famille Corsini, permet également de réinsérer la péninsule italienne dans les circulations savantes comme pôle émetteur actif, et non pas seulement comme un espace attentiste et fermé à la modernité des Lumières.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 13 message(s) ] 

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 7 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB