Le bonapartiste a écrit :
La création de Saint-Petersbourg (qui sera la nouvelle capitale) par Pierre le grand ne fût-il pas le signe le plus éclatant de cette russie européenne, en délaissant la vieille Moscou (toute la cour se déplacera à Saint-Peterbourg) autour de laquelle s'est basée l'expansion russe, comme le fût Paris pour la France.
Il est dit que "... Saint-Peterbourg a besoin de la Russie et la Russie a besoin de Moscou...". Je ne pense pas que Pierre Le Grand ait créé Saint-Petersbourg dans la seule optique "d'européaniser la Russie". Il s'ouvre sur l'Occident, c'est tout. Ses réformes intérieures seront d'une autre ampleur.
Pierma a écrit :
Pour revenir au sujet, difficile de prétendre qu'à l'époque napoléonienne la Russie n'est pas une grande nation européenne. D'ailleurs on parle volontiers français à St-Petersbourg aussi bien qu'à Vienne ou Berlin.
Ceci serait un révélateur de la hauteur de la civilisation russe ?
Le français est utilisé à la Cour de Catherine II. On peut connaître l'impact des Lumières dans le programme établi par Catherine II -et le choix du précepteur- pour ses petits-fils Alexandre et Constantin. Le français est une langue à connaître autant que l'anglais mais garde est mise, le russe d'abord. [
... composa un plan d'éducation pour ses petits fils comme elle avait composé une instruction pour la législation de ses peuples. Ce plan composé de Locke et de Rousseau comme cette instruction l'avait été de Montesquieu, de Mably et de Beccaria...] (Philibert Masson). Des leçons d'allemand, français et anglais sont données aux enfants dès l'âge de 7 ans. A la Grande Cour, la mode est l'habillement à la "française" (à Gatchina où se languit le tsarévitch Paul Petrovitch, à "l'allemande"). Concernant l'éducation des grands ducs Alexandre et Constantin "... il faut qu'avant tout ils n'oublient point la langue de leur pays natal : il faut donc lire et parler avec eux le russe, et avoir soin qu'ils se rendent parfaitement maîtres de leur langue maternelle..." Les enfants se doivent de connaître la Russie (cartes géographiques, géologiques, territoires, ressources, cours d'eau, population etc.)
Catherine II inscrit son action dans le sillage de Pierre le Grand : extérieur des frontières, activité diplomatique et militaire intenses ; intérieur : réformes et modernisation. Panine est placé en 1763 à la tête du Collège des Affaires étrangères (diplomatie russe). Avec le soutien de Pitt, Panine met en oeuvre "Le système du Nord" (union de la Russie, la Prusse, l'Angleterre, le Danemark contre celle des Bourbons constitués par les états catholiques : France, Espagne, Autriche). Ceci sert les visées expansionnistes (désir d'étendre les frontières méridionales jusqu'à la mer Noire) au détriment de l'Empire ottoman allié de la France. Cette force se solde en gains territoriaux (pied sur les rives septentrionales de la mer Noire, annexion du port de Kertch, une partie de la Crimée se voit indépendante, libre circulation en mer Noire, droit de regard sur le sort réservé aux Chrétiens de la Sublime Porte). Côté européen : réappropriation des terres anciennement de la Russie kievienne, partage de la Pologne. Tout ceci n'est pas aisé car la Russie a été confrontée à des traumatismes successifs : joug mongol, terreur du règne d'Ivan IV, schisme religieux (1660), la Russie est restée à l'écart des grands courants de pensée (Renaissance, Humanisme, Réforme). Les structures de la société russe présentent de profonds archaïsmes. La noblesse de service est docile et peu encline à prendre des initiatives. Le clergé, souvent illettré, incapable de jouer le rôle de relais culturel qu'il remplit en Europe, la masse paysanne asservie et analphabète. Tout ceci contribue à faire de la société russe du milieu du XVIIIème, une société réfractaire à toute évolution.
Catherine II pour promouvoir une modernisation profonde et globale va employer des mesures moins coercitives qu'incitatives. Un oukase lève en 1762 les monopoles qui portaient sur les activités industrielles et commerciales. Tout individu, à l'exception des habitants de Moscou et Saint-Petersbourg peu désormais devenir "entrepreneur". Des milliers de paysans d'Etat se lancent dans la production artisanale de textiles, de cuirs, de poteries. Le savoir faire européen est attiré en Russie et largement rémunéré. L'Etat facilite aussi une immigration massive de paysans libres venus d'Europe centrale. Attirés par des conditions fiscales, financières et juridiques avantageuses, plusieurs milliers d'Allemand viennent coloniser le bassin de la Volga.
1764 : vaste réforme de la législation. Catherine II publie une Instruction pour la Commission législative (encadrement de la future Commission des lois). L'impératrice s'inspire de "L'Esprit des Lois" et du "Traité des délits et des peines".
1664-1675 : réforme de l'administration provinciale.
1785 : Charte de la Noblesse.
Pour la diffusion rapide des idées :
1768 : création d'un fonds spécial chargé de la traduction en russe d'ouvrages littéraires et scientifiques.
Des personnes telles Quarenghi, Falconer ou Cameron sont chargés de familiariser la Russie avec un art européen d'inspiration néo-classique. L'impératrice elle-même se met à écrire ses "Mémoires" et tente des "essais historiques" et des pièces de théâtre. Si Catherine II témoigne de l'ouverture sincère à l'Europe des Lumières, ceci vise aussi à faire la démonstration de l'européanité de la Russie, de donner l'image d'un monarque ouvert et cultivé en rupture totale avec l'héritage des XVIème et XVIIème siècle. Mais le régime reste autocratique et aucune parcelle de pouvoir est concédée. L'influence politique des Lumières reste très limitée. Les fondements autocratiques de l'Etat nullement remis en cause. Des explosions de mécontentement populaire sont systématiquement et brutalement réprimées.
1770-71 : épidémie de peste (130 000 morts à Moscou). Orlov ramène l'ordre par la force. La réflexion sur le servage s'est heurtée à l'hostilité farouche de la noblesse à toute évolution de la condition des serfs. La société russe n'est pas encore mûre pour une réforme de cette envergure