La suite.
Au sujet de la séparation des individus par rapport à l'Eglise et donc de la liberté de conscience, l'homme n'a que Dieu pour témoin et pour juge, c'est la règle d'une religion naturelle que va retrouver Rousseau dans le Contrat social et l'Emile. En outre, l'Encyclopédie de Diderot traduit elle-même ce refus du despotisme spirituel et de l'esprit d'orthodoxie. (De l'Eglise)
Pour Rousseau et Voltaire, une religion plus naturelle permet la coexistence de la croyance et de la raison et donc la croyance et la raison permettent de se libérer de dogmes religieux. Dans les Lettres philosophiques de Voltaire, sept sont consacrées à la religion où se sont exprimées sa croyance dans le bienfait du pluralisme religieux avec la nécessité d'un christianisme épuré. Jusqu'à sa mort en 1778, Voltaire va combattre ce qu'il y'a d'institutionnel, de dogmatique, d'intolérant dans la religion dominante via notamment des pamphlets et des contes satiriques.
Le déisme de Voltaire est un déisme du refus: refus du Dieu de la prédestination, refus du pessimisme, refus de l'incarnation... Le Dieu de Voltaire est un Dieu bon, aux antipodes du Dieu biblique, un Dieu libéré des mystères et des rites. Sa force est enracinée dans la tradition de l'humanité tout entière, l'universalité d'une vérité, celle de l'existence partout reconnue d'un Dieu. La vraie religion est la religion naturelle, celle de l'humanité. Voltaire y voit les principes de la morale commune du genre humain.
Après 1750, le déisme de Voltaire se définit comme un théisme par l'obligation de rendre un culte à la divinité. La Profession de foi des théistes, datant de 1768 est une réplique à celle du Vicaire savoyard ainsi qu'une réponse à la montée mondaine de l'athéisme. Elle présente le théisme comme la religion des adorateurs de Dieu, ami des hommes, comme la religion des religions. La tentative de Voltaire se situe ainsi dans une double perspective: elle procède d'un renversement des rapports de la philosophie et de la théologie, elle aspire à la démystification du christianisme.
Pour en revenir à Rousseau, sa quête n'est pas en ce domaine si éloignée de celle de Voltaire. Pour lui, chrétien convaincu, la religion est affaire de vertu sans hypocrisie et de morale. Rousseau apparaît comme le défenseur d'une théologie sentimentale, compromis entre l'appel du coeur et les droits de la raison. Le Second discours, datant de 1754, la Lettre à Voltaire sur le désastre de Lisbonne, datant de 1756, la Lettre à d'Alembert, datant de 1758, la Nouvelle Héloise, datant de 1761, l'Emile, datant de 1762 sont autant de preuves de cet état de fait.
La Profession de foi du Vicaire savoyard, contenue dans l'Emile, précise pour Rousseau les principes essentiels de la foi rousseauiste. La théologie du vicaire peut se réduire à deux propositions principales: l'existence d'un Dieu créateur est attestée par l'ordre de la nature; le mal, imputable à l'histoire et à l'homme, postule l'idée d'un Dieu réparateur. Ce qui la distingue du théisme de Voltaire, c'est le rôle de la sensibilité et du coeur. C'est là que se situe la faille qui sépare Rousseau des religions révélées, car Dieu ne s'est pas dévoilé autrement qu'à travers la nature et par la raison, c'est-à-dire une fois pour toutes et pour tous les hommes. C'est pourquoi la seconde partie de la Profession de foi est consacrée à la réfutation des dogmes et de la révélation.
L'expression religieuse rousseauiste ne s'arrête pas à la profession de foi, elle est également l'expression d'une aspiration personnelle à l'union intime avec Dieu. Rousseau s'identifie à Dieu au sein de la nature. il affirme une théologie totalement libérale et de ce fait insupportable à tous les orthodoxes et à toutes les Eglises. Les Lettres à M. de Malesherbes y sont une preuve de cette théologie toute particulière.
Pour Rousseau, à travers le dernier chapitre du Contrat social, il s'agit de fonder définitivement le citoyen et ainsi de considérer la religion par rapport à la société, d'établir le rapport de l'Etat au sacré sur une vraie religion civile.
_________________ ''L'histoire, je le crains, ne nous permet guère de prévoir, mais, associée à l'indépendance d'esprit, elle peut nous aider à mieux voir.'' Paul Valéry
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