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Message Publié : 13 Mars 2014 23:20 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Je n'ai pas l'intention de poursuivre une polémique stérile et accuser comme je l'ai fait Turgot d'avoir transformer une disette en famine est en effet excessif.

Ne nous attardons pas non plus sur la largeur du périphérique puisque nous sommes d'accord. Ce que je voulais dire est très simple. En matière de production agricole, l'objectif ne peut pas être d'atteindre dans les pires années, dans l'esprit d'appliquer une sorte de principe de précaution aberrante, le niveau de production correspondant aux besoins, ce serait, à supposer que ce soit matériellement possible, s'astreindre en années moyennes à une production double ou triple de ce qui est nécessaire. Il faut trouver d'autres solutions, parmi lesquelles une plus grande diversification des produits.

Les problèmes structurels sous les règnes de Louis XV et Louis XVI ne manquaient pas et ils avaient bien entendu une cause. Turgot s'y est attaqué. Mais la situation était particulièrement grave parce qu'il y avait urgence. Faciliter les échanges de grains d'une province à une autre et mettre en place des capacités de stockage étaient bien sûr des nécessités et c'était dans son programme. Supprimer toute régulation des prix sur un produit de première nécessité était en revanche beaucoup plus discutable et Necker ne s'est pas privé d'exprimer son désaccord. Quoiqu'il en soit, commencer par cela, en temps de crise qui plus est, était tout à fait inadapté.

Le système en usage sous Louis XIV était l'obligation de vendre sur les marchés. Comme il n'y avait qu'un seul type de marché, cela interdisait le commerce de gros et donc une distribution rationnelle des grains. Il avait tout de même le mérite d'interdire les achats spéculatifs (dans le but d'accentuer artificiellement une situation de rareté) et en certaines situations exceptionnelles des distributions à perte hors marchés pouvaient être organisées au profit des nécessiteux.

Avant l'arrivée de Turgot les lieutenants de police auraient taxé le prix du blé, ce qu'ils ont d'ailleurs fini par faire en contrevenant aux ordres parce qu'ils ne pouvaient faire autrement sous la pression des émeutiers. Cela aurait atténué l'ampleur des désordres et évité quelques pillages. Dans leurs causes les troubles de 1775 n'étaient pas différents des précédents. Ils ne s'en distinguent que par la façon dont ils ont été traités.

Les manufactures crées par Colbert ainsi que les arsenaux ont diminué notablement les sorties de numéraire. De plus se sont des foyers industriels où se sont développés des savoir-faire qu'on était obligé auparavant d'aller chercher à l'étranger. Elles ont permis de combler ce que nous appelons aujourd'hui un retard industriel.


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Message Publié : 15 Mars 2014 10:00 
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Ne nous attardons pas non plus sur la largeur du périphérique puisque nous sommes d'accord. Ce que je voulais dire est très simple. En matière de production agricole, l'objectif ne peut pas être d'atteindre dans les pires années, dans l'esprit d'appliquer une sorte de principe de précaution aberrante, le niveau de production correspondant aux besoins, ce serait, à supposer que ce soit matériellement possible, s'astreindre en années moyennes à une production double ou triple de ce qui est nécessaire. Il faut trouver d'autres solutions, parmi lesquelles une plus grande diversification des produits.


Je me rend compte que je me suis emmêlé les pinceaux. C'est bien sûr la consommation qui doit être stable (l'agrégation production+importation+stock toujours égale mais les variables individuellement peuvent changer). On juge donc un système par rapport aux taux bas de consommation.

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Le système en usage sous Louis XIV était l'obligation de vendre sur les marchés. Comme il n'y avait qu'un seul type de marché, cela interdisait le commerce de gros et donc une distribution rationnelle des grains. Il avait tout de même le mérite d'interdire les achats spéculatifs (dans le but d'accentuer artificiellement une situation de rareté) et en certaines situations exceptionnelles des distributions à perte hors marchés pouvaient être organisées au profit des nécessiteux.

Là c'est vous qui vous emmêlez les pinceaux. Il y avait bien sur du commerce de gros sous LXIV (à Paris, à Rouen, à Marseille)... mais c'est pas important, ce qui importe c'est d'observer dans quelle mesure la spéculation dont vous parlez pouvait influer sur les cours.

Il y a eu bien sûr des gens sur de petits marchés en situation de quasi-monopole qui ont essayé de faire évoluer les prix en leur faveur. Mais sur les grands marché, je ne pense pas que la manœuvre était possible. Le marché du blé parisien c'est LT100.000 par jour et des centaines d'acteurs prêts à exploiter la moindre chance d'arbitrage. Manipuler un tel marché demanderais des fortunes, il est très peu probable que qui que ce soit s'y soit risqué.

Il existe en revanche des preuves de sur-stockage dans les monastères, ces bons moines emmagasinant 3 ans de récoltes, au cas où. Mais ce n'était pas pour le vendre donc pas vraiment de la spéculation.

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Avant l'arrivée de Turgot les lieutenants de police auraient taxé le prix du blé, ce qu'ils ont d'ailleurs fini par faire en contrevenant aux ordres parce qu'ils ne pouvaient faire autrement sous la pression des émeutiers. Cela aurait atténué l'ampleur des désordres et évité quelques pillages. Dans leurs causes les troubles de 1775 n'étaient pas différents des précédents. Ils ne s'en distinguent que par la façon dont ils ont été traités.


D'accord, les questions annonaires ont un volet ordre public, et il est possible que Turgot l'ai oublié, mais c'est sans effet sur le système économique.

Citer :
Les manufactures crées par Colbert ainsi que les arsenaux ont diminué notablement les sorties de numéraire. De plus se sont des foyers industriels où se sont développés des savoir-faire qu'on était obligé auparavant d'aller chercher à l'étranger. Elles ont permis de combler ce que nous appelons aujourd'hui un retard industriel.

Vous devez être quelqu'un d'optimiste.
1. Il n'y a aucune évidence que l'analyse colbertienne de la balance des change ait été un problème pour l'économie française, la théorie monnétaire indiquerait plutôt l'inverse, en raison du crédit papier et des pièces de faible valeur les risques de déflation à mon avis n'étaient même pas très importants.
2. II est très improbable que les politiques de substitution des importation de Colbert aient eu un impact quelqu'il soit et encore moins positif. Il faut faire attention de ne pas confondre quelques succès industriels avec la réalité macro-économique.
3. Le retard industriel français se porte très bien au XVIIIeme siècle merci pour lui. Les différences de productivité entre la France et l'Europe du Nord sont clairement souligné par le fait que grosso modo les ouvriers de chez nous sont payés deux ou trois fois moins que les Belge/Hollandais/Anglais.

Voilà souvenez-vous de "l'Etat c'est moi", on aurait pu ajouter... "oui, et pas grand monde d'autre, maintenant passe ton chemin galopin, et rend cette perruque à ta mère"

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Labore Fideque


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Message Publié : 15 Mars 2014 12:03 
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Georges Duby
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En économie ce qui permet de juger de l' application d'une théorie comme celle des physiocrates (développement de la production et des revenus), ce n'est pas des mécomptes de sa première application, du type de la guerre des farines, mais l'effet à moyen et long terme d'une nouvelle politique économique pour libérer la production des nombreux règlements et comportements malthusiens qui l'entravaient.
On enfume à vouloir concentrer l'attention sur le court terme, les difficultés.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 21 Mars 2014 9:16 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Alain.g a écrit :
On enfume à vouloir concentrer l'attention sur le court terme, les difficultés.
Ce qu'on demande à l'homme d'Etat n'est pas d'appliquer des théories mais de résoudre les crises. Turgot n'a pas su résoudre la crise de 1775 et ses successeurs n'ont pas su résoudre la crise de 1789.


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Message Publié : 21 Mars 2014 11:39 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Turgot a surtout été empéché de mettre à exécution son programme de suppression des privilèges, à cause de l'opposition de la noblesse. Il a été remercié par le roi.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 23 Juin 2014 8:48 
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Polybe
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Inscription : 30 Oct 2009 11:28
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Bonjour et merci pour cet échange très intéressant. J'aurais une question de néophyte sans rapport avec les impacts de la libéralisation de Turgot mais plutôt sur celui de la monarchie : J'ai bien compris que Louis XVI a soutenu les vues de Turgot en partant du principe que celui ci allait "booster" le commerce et donc les caisses de l'état, tout en garantissant le pain quotidien du peuple aussi bien voire mieux que le contrôle de la police des grains. Cependant, quelle est sa réaction au fur et à mesure des émeutes ? La fonction "nourricière" du roi en est un très important attribut, n'a t'il point senti une menace sur celle ci ?

Si je me demande ça, c'est parce que entre ça et son rétablissement du parlement, il donne l'impression d'être un roi "libéral" qui veut s'éloigner de la monarchie absolue "traditionnelle" pour se tourner vers une monarchie "reformée" ? En bref, est ce conscient et délibéré puis a reculé ensuite en modifiant son opinion,ou considérant que le peuple n'était pas prêt ? S'est il laissé guidé par un entourage diffusant les idées des lumières et s'émancipe t'il en partie de celle ci ? A t'il était un vrai réformateur sincére ayant reculé quelque peu ou un monarque quelque peu manipulé s'affranchissant de son entourage ?


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Message Publié : 23 Juin 2014 10:15 
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Polybe
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Inscription : 12 Mars 2014 18:44
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Localisation : France
Encore des remises en cause des acquis de la Révolution Française ?!!! Je suppose que cette dame prend ses cinq semaines de congés payés ! lol


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Message Publié : 23 Juin 2014 10:42 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Néophyte comme vous, je recommande l'ouvrage publié par Edgard Faure chez Gallimard en 1961 : La disgrâce de Turgot.

Certes :
- Cela date de cinquante ans.
- Edgard est un homme politique agrégé en droit romain et non un historien.
- C'est un ouvrage destiné à un large public.

Mais :
- Un ouvrage sérieux reste lisible cinquante ans après.
- Quand on est néophyte, on commence par ce genre d'ouvrage avant d'écumer les bibliothèques universitaires auxquelles du reste on peut ne pas avoir accès.
- Il y a en a quand même pour environ 680 pages de texte intelligemment rédigé avec l'aide de documentalistes (ou nègres ?), donc pas mal de grain à moudre tout de même.
- Si je connaissais quelque chose de plus récent, aussi complet et facilement accessible, je ne manquerais pas de le recommander.

Le titre est un peu trompeur. L'ouvrage traite de toute la période de la nomination de Turgot à son renvoi.

Libéral est un terme d'acception très large. Dans le domaine de l'expression des idées, les règnes de Louis ont été relativement libéraux. Dans le domaine social et politique, beaucoup moins. C'est une période crispée qui va déboucher sur la révolution faute de réformes en profondeur entreprises à temps. Libéral ou non, ce qu'on peut dire de Louis XVI est qu'il n'a pas été à la hauteur. Le retour du parlement n'est pas une mesure libérale, c'est une reculade sous les pressions rétrogrades. Louis XVI n'a jamais eu l'intention de démocratiser la monarchie. Le modèle reste celui de la monarchie absolue, ce qui ne l'empêche pas d'être éclairée. Mais le despotisme éclairé a ses limites.


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Message Publié : 01 Nov 2014 14:35 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 29 Oct 2014 20:52
Message(s) : 1
Je me permets de remonter le topic pour poser une question qui, elle aussi, est une question de néophyte. J'ai écouté plusieurs interventions de Sigaut sur le sujet et elle semble faire le rapprochement entre les Lumières et Turgot. De ce que j'ai pu lire, Turgot s'est lié d'amitié avec Voltaire notamment. Est-ce à dire que Voltaire et les Lumières dans leur ensemble ont une influence sur Turgot ? Sinon, quelle a été leur influence concrète ?


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