Sur un site, un exposé plus qu' intéressant explique l'influence des Lumières sur Louis XVI et ses limites, Louis est partagé après son adhésion aux idées des Lumières. Quelques extraits:
" Après avoir choisi un Mentor, Louis XVI choisit ses ministres.
Beaucoup d’entre eux sont des hommes des Lumières. Il appelle Turgot, pendant l’été, d’abord à la Marine, puis au Contrôle Général des Finances ; Turgot, l’Intendant de Limoges, est le candidat des encyclopédistes. Et Turgot, Contrôleur Général des Finances, fait entrer au Contrôle Général, à de hautes fonctions, le marquis de Condorcet, Dupont de Nemours et l’Abbé Morellet. Les encyclopédistes et leurs amis investissent le gouvernement pendant l’été 1774. Turgot est bientôt rejoint par Saint-Germain, nommé Secrétaire d’État à la Guerre; c’est un soldat, un officier, qui a servi au Danemark, en Prusse ; un grand admirateur de Frédéric II de Prusse et des méthodes prussiennes. Malesherbes est nommé ministre de la Maison du Roi en mai 1775. Malesherbes, en quelque sorte, pour reprendre une vieille expression médiévale, fait « pont et planche » entre l’opposition des parlementaires, très traditionnels, et les idées nouvelles. N’oubliez pas que Malesherbes, quand il était directeur de la Librairie, c’est-à-dire chargé de la censure, est l’homme qui, étant chargé de saisir les planches de l’Encyclopédie, a fait envoyer un petit message à Diderot pour lui annoncer qu’il viendrait perquisitionner chez lui le lendemain et saisir les planches de l’Encyclopédie ; et lui conseiller, de porter les planches chez lui, parce que là les services de la Librairie ne songeraient jamais à aller fouiller. Louis XVI fait appel à des hommes très imprégnés par les Lumières. Les salons sont très contents de ces nominations, très contents du nouveau règne qui commence et qui tranche avec l’ancien. Finalement, au sein du Conseil, il n’y a que deux représentants des conceptions traditionnelles : Vergennes, nommé aux Affaires étrangères, et le bon M. Bertin, un fidèle ami de Louis XV ....
Le ministère Maurepas-Turgot manifeste pour la première fois
l’arrivée au pouvoir de l’idéologie des Lumières. Les idéologues des Lumières au pouvoir entendent imposer leurs idées coûte que coûte, des idées qu’ils croient bonnes et infaillibles, qui vont permettre de « faire le bien ». Ces idées sont le bien. Dès lors si cela ne marche pas, ce ne peut pas être la faute des idées, mais forcément la faute des malfaisants qui ont comploté pour que cela ne marche pas. Et puis, si le peuple ne comprend pas, il faudra faire le bonheur de ce peuple malgré lui. Nous avons là des idées que nous retrouverons en 1789.
Le ministère Maurepas-Turgot fut le premier laboratoire des Lumières. Il entend mettre en application la liberté illimitée du commerce, la liberté du commerce des grains. Jusque là, la France était dotée en la matière d’un système qui était un petit peu compliqué mais qui assurait une liberté contrôlée et permettait au gouvernement d’intervenir en cas de mauvaise récolte en ouvrant des greniers remplis les bonnes années ; l’un dans l’autre, les cours du grain s’en trouvaient lissés. Turgot instaure la liberté complète. Résultat: en avril 1775, cela se passe très mal: des émeutes à Paris, tout autour de Paris. ...
L’échec de l’expérience Turgot conduit Louis XVI à s’éloigner de la philosophie des Lumières, même s’il reste tributaire de quelques-unes des idées nouvelles. Ainsi, Louis XVI est très sensible à l’opinion publique. Il est soucieux de savoir ce que pense l’opinion publique.
L’ennui, c’est que l’opinion publique, dans les années 1774-1789, c’est la cour et la ville, c’est l’Académie française et les académies de province, les salons, les chambres de lecture, les loges maçonniques, ce qu’Augustin Cochin appellera « les sociétés de pensée », c’est-à-dire des gens qui sont complètement imprégnés par la philosophie des Lumières et qui ne représentent finalement que la haute noblesse, la haute bourgeoisie, une partie de la moyenne noblesse et de la moyenne bourgeoisie, quelques éléments militants de la petite bourgeoisie, c’est-à-dire très peu de monde. Ce sont des salons que se réunissent, qui se piquent de disserter de tout, dans lesquels tout le monde prétend avoir une opinion sur tout, y compris, et surtout dans les domaines qui échappent complètement à leur compétence. Des négociants se piquent de parler de stratégie militaire, des militaires se piquent de parler d’agriculture ou de commerce. Tout le monde dit tout et n’importe quoi. " ...
" On peut relever plusieurs étapes. Il y a eu une étape où un certain nombre d’idées naissent, se développent dans des cercles très restreints, dès le XVIIe siècle. Descartes est l’ancêtre des Lumières. Bossuet dans les années 1690 annonce qu’on s’avance vers une grande bataille intellectuelle. Et le grand problème, d’ailleurs, de l’Église, c’est de ne plus avoir eu Bossuet au XVIIIe siècle pour mener cette bataille. Ensuite, ces idées-là, ce libertinage intellectuel, se développent petit à petit dans quelques salons dans la première moitié du XVIIIe siècle. Mais cela reste limité à quelques cercles très réduits. Les premières loges s’installent en France dans les années 1730; elles commencent à essaimer en province dans les années 1740.
A partir des années 1750, l’Encyclopédie donne aux idées nouvelles un rayonnement croissant. Le Grand Orient s’organise, les cabinets de lecture se diffusent un petit peu partout, et essaiment la philosophie des Lumières dans la société. On voit les idées nouvelles gagner les provinces, gagner la classe moyenne, et gagner l’armée dans les années 1780. En 1774, la situation est très préoccupante, mais ce n’est pas encore perdu, en 1785, c’est complètement perdu, et en 1788-1789, cette idéologie va pouvoir arriver au pouvoir à l’occasion des élections aux Etats Généraux. En fait, d’une certaine manière, on peut dire qu’une crise était inévitable; la seule chose, c’est que Louis XVI, en convoquant les Etats Généraux, a précipité cette crise alors que la sagesse exigeait de gagner du temps. "
http://www.icrsp.org/CONFERENCES/Conferencse-louis-XVI-Pichot.htm