S'entendre avec les Anglais n'est pas un problème : ils ne demandent évidemment que ça : qu'on les laisse écraser les "insurgents".
C'est davantage un problème de politique intérieure : l'aventure de Lafayette a eu un retentissement considérable dans l'opinion publique, il a été reçu et fêté à Versailles, et chacun prend fait et cause pour cette nation américaine qui veut se débarrasser de la tutelle des Anglais, notre ennemi héréditaire.
Il y a beau temps que Vergennes - ancien du service secret de Louis XV - leur fait envoyer clandestinement des armes par l'entremise d'une société montée par Beaumarchais - et l'équipée de Lafayette n'aurait pas eu lieu sans un coup de pouce de sa part, lui qui surveille son petit monde de près. (Lire : Le secret du roi, de Gilles Perrault, tome 3 : "la revanche américaine".)
Bref, du dernier des gazetiers jusqu'aux ministres, tout pousse en ce sens. Sans parler du roi lui-même, qui entrevoit un succès militaire contre l'Angleterre, et le prestige associé, après les décullotées du règne de Louis XV.
Politiquement - aller soutenir la création d'une république, quand on est monarque absolu et de droit divin...
- et financièrement c'est un suicide. Rien n'empêche Louis XVI de mettre en avant les raisons financières, le risque d'un nouveau traité de Paris, et son autorité royale pour éviter l'aventure.
Ou alors, il aurait pu utiliser la guerre comme prétexte à une réforme fiscale de grande ampleur, ce qui aurait été finement joué. (Vous voulez la guerre ? Très bien, mais il va falloir la financer...) Un an de budget ce n'est rien par rapport à ce que peut produire un impôt universel dans la France de l'époque.
L'intervention française nous met également dans une position d'allié des Etats-Unis, ou d'amitié, et on n'aura pas à s'en plaindre au moment de la Grande Guerre, et en d'autres occasions, pendant les guerres de l'Empire, notamment.