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Message Publié : 06 Août 2016 15:44 
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Marc Bloch
Marc Bloch

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Localisation : Versailles
J'ai beaucoup de mal à comprendre la société anglaise du XVIIIe siècle et voudrais bénéficier des éclairages du forum si ce n'est pas trop demandé !

Je pars de l'idée, peut être simpliste mais assez facile à comprendre, que les réformes et révolutions politique économique et sociale de la période 1750-1850 (dates très approximatives) reflètent pour une part au moins l'impatience et la frustration de la bourgeoisie montante face à une noblesse archaïque et déclinante, dans la foulée de l'interprétation donnée par Guizot puis Marx et bien d'autres.

Or en observant la société anglaise je vois mal cette dialectique entre nobles et bourgeois surtout au XVIIIe siècle. D'abord la noblesse est divisée entre lords et gentry qui n'ont rien, ou pas grand chose, en commun. Ensuite la gentry, plutôt rurale, ne me semble pas en lutte conte la bourgeoisie, plutôt urbaine.enfin il existe de nombreuses passerelles entre gentry et bourgeoisie. Je crois par exemple que les nobles pouvaient travailler sans déroger, que les anoblissements étaient nombreux, que les fils cadets des nobles n'étaient pas nobles, seul l'aine héritant du titre. enfin il n'existait pas de barrière statutaire protégeant la noblesse : pas de privilèges fiscaux, pas d'emplois réservés sauf la chambre des Lords !

Faut il en déduire que l'Angleterre du XVIIIe siècle est devenue un siècle avant la France une société bourgeoise, les nobles étant devenus des bourgeois sans le savoir ? J'en doute car tout de même gentry et lords conserveront une influence politique et sociale, voire économique, considérable bien au delà de ce siècle, et probablement jusqu'en 1945, faisant et l'Angleterre du XXe siècle une société parmi les plus archaïques !

La société anglaise était elle une société de classe sans lutte des classes ? Ou connaissait elle une lutte de classes qui se résolvait autrement que par la révolution, après la terrible expérience de la guerre civile ?


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Message Publié : 06 Août 2016 17:35 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Plus que partout,en Angleterre,le maître mot était l'argent......très tôt le pouvoir royal a été limité depuis la magna carta.d'autre part le clergé n'a qu'une pâle ressemblance avec la France et en particulier il n'y a plus de moines,de religieuses d'abbayes depuis Henry VIII tout a disparu.....


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Message Publié : 07 Août 2016 23:22 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Jerôme a écrit :
Faut il en déduire que l'Angleterre du XVIIIe siècle est devenue un siècle avant la France une société bourgeoise, les nobles étant devenus des bourgeois sans le savoir ?
C'est à peu près ainsi que Montesquieu voit l'Angleterre.


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Message Publié : 14 Août 2016 14:46 
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Localisation : Région Parisienne
Contrairement à la France, le noble qui fait du commerce, qui investit dans des manufactures ne déroge pas. Le noble commerçant est impossible en France, le noble artisan aussi, sauf pour quelques métiers, la verrerie, les forges et les mines. Déroger revenait à redevenir roturier avec les inconvénients fiscaux que cela entraînait. Les nobles anglais ont pu concurrencer les bourgeois sans perdre leur noblesse.

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 14 Août 2016 15:15 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Je connais cette théorie. Mais en pratique que signifiait elle ? Quel était le nombre de nobles commerçants ? Dans quels commerces ? J'imagine mal un lord tenir une boulangerie ! J'imagine plutôt qu'on devait trouver des nobles parmi certaines professions prestigieuses et rémunératrices : banques, assurances, fret maritime, négoce colonial, etc ...mais étaient ils majoritaires dans ces métiers (même en se limitant aux dirigeants) ? Et la majorité des nobles travaillaient ils ?

Où trouver des précisions sur çes points ?


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Message Publié : 14 Août 2016 22:09 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Artisan boulanger, non, mais ils pouvaient être industriels ou propriétaires d'une maison de commerce. En France être armateur, maître de forge ou maître verrier ne faisait pas déroger quoiqu'en fait ces industries fussent implantées sur le domaine de sorte qu'exploitation industrielle et exploitation agricole formaient un tout. De plus, le propriétaire déléguait bien souvent la direction de ces activités à des régisseurs et maîtres d'atelier. Quant au commerce maritime, il était une tradition locale et, à l'époque, présentait un aspect militaire : tous les navires étaient armés et l'on passait assez vite du transport maritime à la guerre de course ou inversement. Enfin, il n'était pas rare que des nobles investissent dans des affaires commerciales.


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Message Publié : 15 Août 2016 14:19 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Où trouver des statistiques sur le travail des nobles anglais au XVIIIe ?


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Message Publié : 16 Août 2016 15:28 
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Inscription : 27 Avr 2004 17:38
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Localisation : Région Parisienne
Ce n'est pas tant la quantité de nobles anglais qui ont une activité dérogeante qui est importante, c'est le fait que l'Anglais qui accède à la noblesse continue ses activités alors que le Français doit la cesser. Ce qui entraîne une plus grande porosité entre les classes qui limite les frictions.

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Message Publié : 16 Août 2016 22:31 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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Jerôme a écrit :
Où trouver des statistiques sur le travail des nobles anglais au XVIIIe ?

Jerôme, ce sont plutôt des statistiques du XVII siècle, mais je pense que si la coutume était déja si dévelopée dans ce siècle il sera d'autant plus au...
Je suis un peu en hâte parce que le weekend à Paris, mais j'ai néanmoins introduit la question sur le petit forum anglais Res Historica pour l'élargir peut-être après sur le forum américain Historum...
Si vous comprenez l'anglais...?
http://reshistorica.historyboard.net/t1 ... french-one

"https://goo.gl/lHO4cN
On page 27 of that book: "The emergence of International Business 1200-1800: Enterprise and empire."
"Investors in companies according to social class"
"1,177 gentry and nobility represents approximatively one in every 50 of their class, who lived in England between 1575 and 1630. And the entire group of investors 6,336 would represent one in every 700 men in the nation. token as the basis for calculation the estimate that England's male population in the two generations was roughly 4,500,000. Such a large proportion bespeaks the intensity of the enthusiasm that was generated during these years""
Page 27 de ce livre: " l'émergence de la commerce internationale 1200-1800: Entreprise et empire"
"Investiseurs dans les compagnies accordant à la classe sociale"
"1.177 "gentry" et noblesse représentent à peu près un sur chaque 50 de leure classe, qui vivait en Angleterre entre 1575 et 1630. Et de la groupe entière d'investisseurs 6.336 representerait un pour chaque 700 hommes dans la nation, pourvu que la base pour le calcul serait l'estimation que la population mâle de l'Angleterre dans les deux générations était approximativement 4.500.000. Une si large proportion indique l'intensité de l'enthousiasme qui était générée pendant ces années"

Assez pour ce soir. Demain plus de commentaires.

Cordialement, Paul.


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Message Publié : 17 Août 2016 22:14 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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Localisation : Belgique
Jerôme,
c'est concernant la noblesse commercante dans le 18e siècle en contrepart des anglais...
https://books.google.be/books?id=lCRFnF ... es&f=false
Par exemple page 77.
"French debate on commercial nobility in 1756"
C'est trop long pour le traduire, mais j'ai en vain cherché un corollaire en français en cherchant sur Google avec "debat en 1756 livre abbé gabriel François coyer"
Mais j'ai quand même trouvé l'original :wink:
https://books.google.be/books?id=VTBWAA ... er&f=false
Si vous ou quelqu'un d'autre peut fournir des textes et livres en français...

Bonsoir et cordialement, Paul.


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Message Publié : 20 Août 2016 8:13 
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Marc Bloch
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Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
En remerciant Paul de ces informations, je crois comprendre ceci.

Seuls 2% des nobles travaillaient. Mais ces 2% constituaient 15% des investisseurs étudies.
Autrement dit, un très petit nombre de nobles travaillaient mais ils constituaient une part substantielle du nombre des entrepreneurs.

En circulant sur le net, j'ai trouvé d'autres informations qui vont dans le même sens : la plupart des nobles anglais ne travailla pas mais vivaient sur leurs terres. Certains faisaient carrière dans l'armée ou dans la marine. La justice n'offrait pas de carrières comparables à la robe française.il n'y avait pas de conseil du Roi non plus. Quand les nobles travaillaient en fait ils plaçaient leurs capitaux dans des entreprises de négoce international.

Les particularités françaises sont les suivantes : beaucoup d'anoblissements (gave à la vénalité des charges) une énorme noblesse de robe, une armée nombreuse offrant des carrières . La dérogeance est un concept assez tardif (XVIIe siècle : il y avait de larges tolérances avant ) et encore pas général (ne s'appliquait pas en Bretagne par exemple). À noter que les bizarreries fiscales de l'ancien régime faisaient que les bourgeois étaient peu fiscalisés (ils ne payaient pas la taille semble t il).

Les particularités anglaises auraient en fait été les suivantes : la chambre des lords qui offrait une participation automatique de la haute noblesse à la vie politique, les communes qui offraient une participation éventuelle des petits nobles à cette même vie politique.
Plus que le travail, la vraie spécificité anglaise aurait été constituée par l'interpénétration entre la gentry et la bourgeoisie notamment en raison du fait que les fils cadets des nobles perdaient leur noblesse et que les mariages entre nobles et bourgeois étaient fréquents.
Peut on dire que la gentry aurait finalement été une sorte de bourgeoisie rurale à égale distance entre lords et bourgeois urbains ?


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Message Publié : 20 Août 2016 15:27 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Inscription : 23 Mars 2005 10:34
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Localisation : Nanterre
Jerôme a écrit :
Les particularités françaises sont les suivantes : beaucoup d'anoblissements (grâce à la vénalité des charges) une énorme noblesse de robe, une armée nombreuse offrant des carrières . La dérogeance est un concept assez tardif (XVIIe siècle : il y avait de larges tolérances avant ) et encore pas général (ne s'appliquait pas en Bretagne par exemple). À noter que les bizarreries fiscales de l'ancien régime faisaient que les bourgeois étaient peu fiscalisés (ils ne payaient pas la taille semble t il).
Êtes-vous sûr pour les bourgeois et la taille ? Ce devait être des exceptions. Un des principaux privilèges de la noblesse française, et qui la distingue fondamentalement de la noblesse anglaise, est qu'elle jouit d'importantes exemptions fiscales, et entre autres, elle ne paie pas le principal impôt : la taille. Même si la dérogeance est temporaire, comme en Bretagne, son principal effet est d'assujettir le noble à la payer. On trouve dans les rôles la mention de "gentilhomme payant taille". De là, être inscrit sur les rôles de la taille est quasiment une marque de roture.
Dans certaines provinces où la taille est attachée au terrain et non à la personne, les nobles tentent par tous les moyens de faire évoluer la législation pour ne plus payer. Dans les procès, un des arguments évoqués pour justifier qu'une terre est exempte de taille est précisément qu'on n'y paie plus la taille depuis des années lol Un mauvais payeur peut donc s'attendre à gagner à terme.

La noblesse anglaise a semble-t-il peu de privilèges fiscaux. On pourrait se demander si cela n'a pas engendré une appétence pour l'augmentation de ses revenus qui a manqué à la noblesse française ?

Un autre point à vérifier : quelle était la proportion de nobles dans les populations anglaises et françaises ? J'ai l'impression que la noblesse française compte pour 2% de la population, et la noblesse anglaise beaucoup moins. Avez-vous des informations là-dessus ?

_________________
Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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Message Publié : 20 Août 2016 15:56 
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Jerôme a écrit :
À noter que les bizarreries fiscales de l'ancien régime faisaient que les bourgeois étaient peu fiscalisés (ils ne payaient pas la taille semble t il)


Sauf erreur de ma part, les Conseils de certaines villes avaient obtenu à la fin du Moyen-Age "des privilèges". Il s'agissait souvent du droit de payer l'impôt de manière globale. Le Conseil de la ville répartissait l'impôt selon divers critères et donnaient une somme globale au roi. Moins d'intermédiaires et plus d'argent dans les caisses royales. Mais, des exemptions pour ceux qui passaient une partie de leur temps à gérer les affaires municipales ... J'ignore si ce système s'est beaucoup développé en France et s'il a perduré jusqu'à l'époque qui nous concerne.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 21 Août 2016 10:47 
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Marc Bloch
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Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Je confirme ce qu'écrit Narduccio. Je crois que plusieurs villes ont "racheté" leurs impôts. Par exemple Melun en 1788 a obtenu un privilège d'exemption perpétuelle en payant d'un coup trente ans d'impôts ...privilège aboli un an plus tard et sans indemnités !

Pour répondre à Nebuchadnezar :la taille fait l'objet d'un bon petit article de Wikipedia

"En France, sous l'Ancien Régime, la taille est un impôt direct, très impopulaire dû au fait que les bourgeois des grandes villes, le clergé et la noblesse en sont affranchis. Cet impôt peut peser sur les individus (taille personnelle) ou sur la terre (taille réelle) suivant les régions."

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Taille_(impôt)


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Message Publié : 22 Août 2016 10:03 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Certaines villes ont obtenu des privilèges lors de leur rattachement à la couronne. Il en est ainsi de Dunkerque : 27 000 habitants en 1789. Louis XIV avait reconnu, lors du rachat de la ville aux Anglais en 1662, les anciens privilèges des États Bourguignons : port franc donc aucun droit sur les marchandises et pour ceux qui n'y commercent pas : aucune taille ni gabelle ni droit d'aubaine....... Il n'y existe pratiquement aucune noblesse d'origine locale, seulement une bourgeoisie et des classes populaires dont certaines comme les inscrits maritimes, ont des devoirs à rendre à la monarchie, essentiellement servir dans la marine du roi pendant 8 ans. Cette obligation se trouve équilibrée par des privilèges particuliers : droit de chasse, de pêche et d'établissement sur la bande côtière sans payer une quelconque redevance, droit à pension et aux"invalides"......


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