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Message Publié : 24 Mai 2003 19:54 
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Eginhard
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Le Comte d'Artois, frère de Louis XVI et futur Charles X, a laissé dans les mémoires une image peu flateuse. On le décrit jeune, comme un prince écervelé, débauché, jouisseur, puis à l'age mur et comme roi comme un etre n'ayant rien appris et n'ayant rien oublié, réactionnaire et d'une intelligence limitée.

Peu de travaux ont été consacrés au comte d'Artois. Sa mémoire comporte comme une sorte de répulsion, ceci explique peut-etre cela !
Le dernier livre qui lui fut consacré, il y a déjà plus de 20 ans, a été publié sous le titre "Charles X, le dernier roi" par eric Le Nabour. Personnellement, je n'aime pas le Charles X de andré Castelot car il n'apporte rien de nouveau au dossier charles X.

Le Comte d'Artois, sous l'ancien régime, avait mauvaise réputation : mauvais mari, mauvais père, mauvais prince ! Plus tard, en tant que l'un des chefs de l'emigration en exil, il fut considéré comme un traitre par les royalistes de France, notamment lors de l'expédition ratée de Quiberon.

J'ai soumis un nouveau sujet sur le dernier roi de France de droit divin (n'est-ce pas le dernier roi à s'etre fait sacrer en 1825). Si certains peuvent apporter de nouvelles lumières sur ce frère de Louis XVI et de Louis XVIII, je serai ravi.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 22 Jan 2004 20:49 
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Eginhard
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Je voudrais relancer le thème du comte d'Artois, frère de Louis XVI. Mais attention, je voudrais surtout parler ici de la premiere partie de sa vie, de sa naissance en 1757 jusqu'à son départ en exil en 1789.

Un autre thème existe dans la rubrique Restauration lorsque le comte d'Artois est devenu Charles X en 1824, mais ce thème est axé sur son règne jusqu'à son abdication en 1830.

Pourquoi persister pour vouloir relancer la discussion sur le comte d'Artois dans sa jeunesse (par ailleurs cette discussion n'a eu aucun succès puisque c'est moi qui l'a proposé en son temps sans avoir aucun commentaire en retour) ?
Parce que je pense que l'on sait à la fois beaucoup de choses et peu de choses sur le personnage...Je m'explique. Le fait est que l'on pense que le futur Charles X était un etre borné et peu intelligent. Peu de ses biographes ont chanté des louanges pour lui. Une ancienne biographie signée par l'Abbé Vedrenne en 3 volumes rend une conclusion positive pour lui, mais elle n'est pas trés objective, car l'auteur en question est semble-t-il monarchiste. La plus récente étude consacrée au comte d'Artois de Eric Le Nabour donne un point de vue plus interessant : le frère cadet de Louis XVI a été élevé comme les princes de sa famille dans une idée absolutiste de la monarchie. De plus son caractère peu appliqué n'a pas été discipliné ce qui l'a conduit à faire pas mal de bétises dans sa jeunesse quant au comportement. Mais des frasques de prince se remarquent plus que le commun des mortels n'est-ce pas ?

A la reflexion, je me trouve un peu sévère dans mon précédent message car je le cite comme mauvais père, mauvais mari et mauvais prince. Certes, il n'est pas dans ma discussion pour passer sous silence ses faiblesses (mais ce sont plus des faiblesses inhérentes à la recherche des plaisirs) mais pour mieux comprendre ce prince dans la lumière de son temps. Car je continue à penser que l'Histoire est indéchiffrable si on ne replace pas les hommes dans le contexte de leur milieu et de leur époque.

Je fais une pause, je reviens....

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Dominique Poulin


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Message Publié : 22 Jan 2004 21:19 
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Eginhard
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Me revoici... Je serais peut-etre le seul commentateur sur ce thème, tant pis car il me plait, mais je ne desespère pas de recevoir des réactions de Louis-Auguste et de Roy-Henri par exemple.

Je présente d'abord "l'état-civil" du comte d'Artois : notre prince est né en 1757, fils du dauphin Louis-Ferdinand lui-meme fils de Louis XV et de la dauphine Marie-Josèphe de Saxe. Artois reçoit les prénoms de Charles-Philippe, c'est le dernier garçon d'une suite de frères et soeurs, dans l'ordre, le duc de Bourgogne, né en 1761, le duc de Berry, né en 1754, le comte de Provence, né en 1754. Viendront plus tard les princesses Clotilde et Elisabeth.

Son père, le Dauphin est un homme ombrageux et taciturne : il condamne la conduite privée de son père Louis XV, deteste la Pompadour qu'il a affublé du sobriquet de "Maman Putain" et vit le plus qu'il peu en retrait de la Cour dans ses appartements privés. Mais c'est un prince dévot et sévère pour ses enfants : curieusement son fils cadet le comte d'Artois semble avoir échappé à sa férule qui s'est plutot exerçée sur ses fils ainés Bourgogne et Berry. Il est vrai qu'Artois n'est pas destiné au trone, ce qui a sans doute relaché sa surveillance. Quoique qu'il en soit Charles perd son perd en 1765, il a 8 ans.

Enfant Charles se révèle un enfant enjoué, primesautier, toujours pret à faire des farces. Il parait clair que l'étude ne l'interesse pas, mais sans aucun doute il ne sera pas plus tard aussi inculte comme on a voulu le faire croire ! Sa mère, la dauphine Marie-Joséphe meurt en 1767, notre prince est donc doublement orphelin dés l'age de 10 ans.

On peut donc penser qu'il fut livré trés tot à ses penchants et ses faiblesses, il me parait clair que cette situation a pesé lourd dans la vie du comte d'Artois. Son caractère aggrava ses travers et de ce fait il ne connut quelques années plus tard plus aucune borne pour se livrer à la débauche, à la boisson et à des excès de langage qui le firent detester de la population avant qu'il n'est atteint 25 ans.

Suite de sa biographie de jeunesse pour plus tard.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 25 Jan 2004 9:42 
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Plutarque
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Bonjour!

Je ne sais pas si l'on peut dire qu'Artois ait été victime de la mort de ses parents. En effet ceux ci n'étaient pas éxtrèmement présents, mais il est vrai que son père l'aurait peut être stoppé dans ses actions. Ce que je veux dire c'est que d'un point de vue affectif il ne semble pas avoir été bouleversé. Je pense qu'il a plutôt souffert du mal des Enfants de France, c'est à dire de grandir en ayant des notions du bien et du mal dans l'absolu mais pas dans le concret puisqu'on a beaucoup de problèmes pour le retenir. Je cite une anecdote tirée des Mémoires d'un marquis dont je n'ai pas le nom en tête (ils viennent de paraître chez Mercure de France) et qui est véridique car des pièces d'archives adressée directement aux protagonistes la mentionnent. Berry et Artois sont à la chasse à la poursuite d'un cerf qui vient de chuter. Artois veut pendre le cerf haut et court (oui l'expression est de moi :lol:), mais il faut passer par un champ cultivé, et Berry l'arrête en lui demandant avec quel argent il comptait indemniser le paysan dont il allait détruire les cultures.

Il en ressort qu'Artois est complètement à l'ouest, pardonnez moi l'expression, c'est à dire qu'à mon sens il n'a même pas l'impression que ce que lui, Charles-Philippe fait, c'est mal, parce que si Berry ne l'avait pas arrêté tous les cavaliers y seraient allés franco. Il n'a personne pour lui dire non pas "ne fais pas telle chose" mais "ne fais pas telle chose parce que cela va nuire à untel et que tu n'as pas le droit de nuire aux gens". C'est grosso modo la différence entre le fouet et le précépteur. :twisted: Et il est de bonne foi quand il croit que ce qu'il fait n'est pas mal et surtout qu'il a le droit de le faire. Marie-Antoinette a les mêmes idées et je crois qu'il y aura entre les deux une espèce d'émulation dont Bagatelle est l'apogée.

Voilà, c'était mon avis et je le partage, mais je suis toute prête à en changer!

Maialen


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Message Publié : 26 Jan 2004 22:25 
Chere Maialen,

Cette anecdote est aussi rapportée par les Girault de Coursac (donc a priori a mon avis vrai ;O))

Du reste, tu as raison. Le comte d'Artois ne doit pas avoir beaucoup souffert de la mort de ses parents, etant en tres petit age, mais n'essaya non plus a privilegier de la presence de Louis XV (qui etait un second pere pour Louis XVI). Il n'a pas montre des signes de chagrin a la mort du Roi (Provence non plus).

Amicalement
Georgia


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Message Publié : 04 Fév 2004 16:55 
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Eginhard
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Je n'ai pas dit que le comte d'Artois a été victime de la mort de ses parents, de toute façon ces derniers sont morts de la tuberculose. J'ai simplement voulu dire que la disparition du dauphin Louis-Ferdinand a en partie influé sur sa vie, mais en partie seulement. C'est le cas, vous en conviendrez de millions de jeunes orphelins, et pas seulement les princes bien entendu !

Je rejoins votre opinion quand vous dites que le comte d'Artois n'a semble-t-il pas été éprouvé par la mort de ses parents. Mais cela est du je crois au fait qu'il les voyait peu, car les enfants à l'époque menaient une vie trés indépendante vis-à-vis des adultes, ils étaient considérés comme "quantité négligeable" tant qu'ils n'avaient pas atteints l'age d'homme. De plus Louis-Ferdinand de France et Marie-Josèphe de Saxe étaient des princes sérieux, peu enclins à des gestes d'affection : le futur Louis XVI en a beaucoup souffert, bien qu'ayant un grand respect pour ses parents.

L'anecdote que vous rapportez me semble vraisemblable : Charles-Philippe n'avait retenu que les privilèges et honneurs attachés à sa naissance et pas les devoirs ! C'est encore une des failles de son éducation et je continue à penser que sans la mort prématurée de ses parents, son caractère léger aurait été davantage dompté. Mais lorsque le comte d'Artois perd ses parents, il n'a que 10 ans, et son grand-père Louis XV qui normalement doit lui servir de nouveau père s'attache surtout à l'ainé de ses petit-enfants, le nouveau dauphin futur Louis XVI.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 04 Fév 2004 17:43 
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Eginhard
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Concernant la biographie de jeunesse du comte d'Artois, me m'etais arreté à la fin des années 1760 lorsque notre prince atteint une dizaine d'années et qu'il a déja perdu ses parents.

Comme ses autres frères, il est encadré par le duc de la Vauguyon, son gouverneur et par une cohorte de professeurs. Le comte d'Artois n'est pas un élève brillant : il ne fait pas les choses forcément mal mais il n'aime pas l'effort et n'est pas perséverant dans l'étude au contraire du dauphin et du comte de Provence. Il semble que son caractère ne se pretait pas au type de pédagogie qu'on lui enseignait : lui présenter les matières à enmaganiser sous une forme plus ludique et récréative lui aurait certainement mieux convenu.

Quelques anecdotes font état du gout du comte d'Artois pour la chose militaire alors qu'il était tout jeune. Ce penchant fut contrarié par un ministre qui lui conseilla plutot de s'amuser franchement et de faire des dettes ! La version de cette histoire est peut-etre inexacte, mais elle ne me semble pas totalement fausse, car elle correspond tout à fait à la mauvaise pente que suivra Charles-Philippe.

Toujours est-il qu'aprés le mariage de ses frères ainés le dauphin et le comte de Provence en 1770 et 1771, Louis XV songe sérieusement à le marier. Ce sera chose faite en 1773. Le roi marie son petit-fils à une princesse de Savoie, la soeur qui est aussi la femme du comte de Provence. La jeune fille en question s'appelle Marie-Thérèse de Savoie. Célébrées en novembre 1773, les noces du comte d'Artois agé de 16 ans seront à peine moins somptueuses que celles de ses ainés. Bien sur les mariés n'ont pas leur mot à dire dans ces épousailles dynastiques, les mariages des princes sont avant tout politiques ! Toutefois, la femme de Charles-Philippe rencontre peu de sympathie à la cour de France. Louis XV s'en déclare satisfait dans une de ses lettres, mais la cour la juge mal. Il est vrai que Marie-Thérèse ne navigue pas comme un poisson dans l'eau à Versailles, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle manque de naturel, on la trouve provinciale et effarouchée. La vérité est que la nouvelle comtesse d'Artois est paralysée de timidité ce qui lui enlève toute spontaneité. Elle fera peu de progrès dans ce domaine.

Trés vite Charles-Philippe se détache de son épouse : certes il n'a aucun mal à en faire sa femme dans le lit conjugal dés les premiers jours au contraire de Louis-Auguste et du comte de Provence qui en dit bien plus qu'il n'en fait ! Mais Charles ne supporte pas le comportement de sa femme qui visiblement a peur des usages et moeurs de Versailles. Dans l'ensemble ils ne se rejoigneront pour que de brèves etreintes à but dynastique et dans les cérémonies protocolaires.

Une fois que le comte d'Artois est marié, notre prince s'offre une belle vie! A lui la liberté ! Et une liberté presque sans frein à 16 ans ! Pour son mariage, on lui a constitué un apanage et une Maison trés importante de plusieurs centaines de personnes : il est en quelque sorte considéré comme majeur et émancipé. A cette époque, une lettre du comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur d'Autriche en France évoque le comportement du prince : il parle mal aux ministres, il n'a de respect pour personne, il s'adonne à la boisson, il commence à jouer beaucoup à des jeux de hasard et extremement couteux... A ce train de conduite, Louis XV se déclare mécontent de son dernier petit-fils.

Mai 1774 : le roi se meurt de la variole, Louis XV n'est plus. Alors que toute la Cour s'est précipitée vers le nouveau roi Louis XVI et Marie-Antoinette, le comte d'Artois a genoux sanglote au pied du lit mortuaire...

Suite au prochain épisode.

DomInique Poulin

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Dominique Poulin


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Message Publié : 04 Fév 2004 17:51 
Pour revenir aux propos de Madame Royale, il est vrai que les caractères du comte d'Artois et de Marie-Antoinette étaient assez proches. Ils avaient surtout en commun le gout des plaisirs faciles. Mais lorsque la reine se rendra compte un peu tard que le comportement de son beau-frère lui faisait du tort, elle s'en détachera. De plus, de mauvais bruits diront que leurs relations iront bien au dela d'une franche amitié, c'est sans doute archi-faux ! De son coté, Charles-Philippe avait toutes les satisfactions sexuelles qu'il voulait avec des danseuses d'Opéra et des actrices, pas de soucis de ce coté là.


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Message Publié : 05 Fév 2004 15:54 
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Hérodote
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Le Comte d'Artois a en effet une image double: celle d'un prince de bonne allure, plein de convictions...mais à la fois peu habile en politique surtout en raison de son ultra-royalisme qui tranchera avec la politique de ses frères.

Ainsi, Jean Pierre Chaline énonce bien ce fait:

"D'autant que le nouveau souverain n'est pas dépourvu d'atouts. Mince, élégant, fringant cavalier, il tranche agréablement avec l'impotente silhouette de son prédécesseur. Guère de tête politique il est vrai, mais des qualités de coeur qui le rendent attachant. Et faute d'une claire conscience que certains changements sont irréversibles, une bonne volonté plus grande qu'on ne l'a dit, à côté d'entêtements qui contribueront à sa perte.
[...]
Enfin celui en qui ils plaçaient leurs espoirs, qui partage leurs idées et qui pour eux incarne le rêve moyenâgeux d'un prince chevaleresque et pieux."


Chateaubriand souligne d'ailleurs que Charles X était "pieux comme Saint Louis, compatissant comme Louis XII, courtois comme François Ier, franc comme Henri IV". Bien evidemment cette description est à prendre "avec des pincettes" dans la mesure où Chateaubriand était un fervent partisan de Charles X.

Reste que le Comte d'Artois n'avait pas été formé à la politique (comme Louis XVIII d'ailleurs) mais que son refus devant les concessions mènera les Bourbons à leur perte.
Peut-être aurait-il du poursuivre la politique de Louis XVIII, tout en se montrant plus ambitieux et moins nonchalant que son grand frère.


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Message Publié : 06 Fév 2004 17:07 
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Eginhard
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Tes propos sont fort interessants Philchow mais ils cadrent plus avec l'image du comte d'Artois puis du roi Charles X sous la Restauration. Nous avons ici un sujet spécifique à ce sujet sous le titre "Charles X, un roi réactionnaire ? ".
Mon thème "Le Comte d'Artois, frère de Louis XVI, futur Charles X" concerne une période spécifique de sa vie, de sa naissance de 1757 jusqu'à son retour en France en 1814 après les épisodes de la Révolution et de l'Empire. Cependant, pour ma part je me cantonnerai à la période de 1757 jusqu'à 1789, c'est à dire jusqu'à son départ en exil au lendemain de la prise de la Bastille, car c'est l'époque de sa vie qui m'interesse le plus.
Pourquoi cette tranche particuliere de son existence ? je pense qu'elle explique ce que deviendra plus tard le comte d'Artois de l'émigration puis de la Restauration, enfin le roi. Car, ne l'oublions pas notre personnage mis un temps considérable à devenir un adulte responsable. Les scandales successifs qui ont émaillés sa vie sous le règne de Louis XVI expliquent son éducation manquée aggravée par son caractère assez frivole. Enfin, je suis davantage porté sur la fin de l'Ancien Régime qu'au régime de la Restauration bien que ne manquant pas d'arguments pour cette époque.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 06 Fév 2004 18:31 
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A partir de 1774, date de l'avènement de Louis XVI, la vie du comte d'Artois se déroule jusqu'en 1789 fans une ambiance d'auguste majesté ponctée de quelques coups d'éclats retentissants. Charles partage son existence entre Versailles et ses résidences personnelles de Bagatelle à Paris, de Saint-Germain et de Maisons.

Le jeu, la chasse, les courses de chevaux,bals et fetes et les plaisirs d'Eros constituent l'essentiel du temps du frère du roi. Peu porté sur l'effort intellectuel, le comte d'Artois n'est occupé à aucune affaire sérieuse et comme le comte de Provence n'a pas accès au Conseil. C'est une époque ou Louis XVI est jaloux de son pouvoir, mais s'il souçonne de la déloyauté chez Provence, il ne fait aucune confiance à d'Artois car ce dernier ne s'interesse nullement aux affaires politique et il n'a pas encore 20 ans.

Il noue une amitié un peu superficielle avec Marie-Antoinette. Dans leur immaturité, ils recherchent les plaisirs, tout leur est bon pour secouer le joug de la vieille cour. Place à la jeunesse et tant pis pour les mécontents !Jeu dangereux. A l'évidence, ils s'amusent franchement, mais leurs relations à mon avis n'ont pas dépassé le stade de l'amitié. Une compagnie d'ailleurs assez courte car la reine conviendra que son beau-frère en fait trop, trop d'écarts de conduite pour un prince de sang royal.

Rapidement, le comte d'Artois s'impose comme l'espoir de la dynastie : il se révèle le seul prince à faire des enfants à son épouse imposée, la fade Marie-Thérèse de Savoie. Coup sur coup, deux princes s'imposent dans le ménage, le duc d'Angoulème en 1775, puis le duc de Berry en 1778. C'est un fait important dans les annales de la monarchie des années 1770 : Louis XVI a visiblement des problèmes conjugaux avec sa femme et le comte de Provence, malgré ses fanfaronnades n'est pas porté sur les plaisirs de la chair. Charles a t-il tiré inconsciemment de cette précoce paternité une gloire éphèmère ? C'est possible.

Sourd aux remontrances de Louis XVI, la vie du comte d'Artois de 1773 à 1785-86 ressemble à un tourbillon incohérent de plaisirs frivoles. Dans ses gouts, le prince laisse éclater son tempérament. Un tempérament qui déroute.
Par exemple, il introduit les courses de chevaux en France. C'est une mode qui vient d'Angleterre et qui fait maintenant fureur sur notre sol. Ainsi, lorsque ses chevaux concourent, il se livre à des atitudes pitoyables entremélées d'effusions désordonnées quand ses coursiers sont vainqueurs. Mais en cas d'échec, il est capable de jurer comme un charretier au grand scandale des assistants. Le jeu et les plaisirs de l'amour occupent aussi beaucoup de son temps : il adore vivre la nuit et court à Paris pour hanter les mauvais lieux de débauche, les maisons de prostitution de luxe. A ce titre, d'Artois ressemble a beaucoup de grands seigneurs de son temps, le libertinage est de mise, la fidélité conjugale est risible, mais le frère du roi oublie d'y mettre de la mesure et de la discrétion. Lorsque l'on est placé si haut, tout se sait !

Notre jeune homme en fait trop, trop de bétises ! Peu réflechi, il s'emporte facilement. Imbu de sa naissance, ses ordres doivent etre exécutés comme ceux d'un roi. C'est encore possible à Versailles, mais ça ne l'est plus à Paris. Un jour qu'il voulait jouer à la paume dans la fameuse salle qui sera si célèbre plus tard, il demande sur le champ une évacuation pure et simple. Ces gestes ne s'oublient pas et les Parisiens ne l'oublieront pas... Un autre jour, il prend violemment à partie sa cousine, la duchesse de Bourbon, au bal de l'Opéra et lui arrache son masque. Scandale. Ce dernier fait peu paraitre peu de choses, mais au XVIIIe ça ne l'était pas.

Sa réputation de prince jouisseur, désiquilibré et prodigue à l'excès contribura beaucoup à son impopularité. Comme tous les grands privilégiés de cette période, Charles dépense bien au-delà de ses revenus, des revenus qui sont pourtant infiniment considérables mais mal gérés et gaspillés. Paul et Pierrette Girault de Coursac, auteurs de "Provence et Artois, les deux frères de Louis XVI" n'hésitent pas à écrire que le comte d'Artois était débiteur de 21 millions de livres de dettes en 1781 (cette somme est au moins à multiplier par 6 pour avoir une idée de la somme en francs). Devant l'outrance d'une telle dette, les conseillers du comte d'Artois décident d'en référer au roi . Louis XVI mettra en place un mémorandum, en clair un échéancier de paiement qui se perdra dans les orages de la Révolution. Sans doute bien des créanciers ne furent jamais payés. Il parait clair que le comte d'Artois n'avait aucune notion de l'argent ou qu'il faissait aveuglément confiance à la générosité du trésor royal pour éponger ses dettes !

Eric Le Nabour, dernier grand biographe du comte d'Artois parle de "cassure psychologique" et "d'attittude volontairement scandaleuse et infantile" pendant la jeunesse du prince. je me sens proche de cette opinion, car tout démontre que Charles de 1773 à 1785-86 mène une vie desaxée, sans but. A l'évidence, et toujours lors de la période pré-citée, il ne s'est jamais vraiment senti aimé. J'ai déja parlé plus haut des relations complexes avec ses parents, pas de spontaneité car protocole oblige. Il semblerait que les effusions avec ses parents ont été trés rares. De plus petit-fils de roi, fils d'un dauphin et frère de roi, il ne pouvait etre entouré sauf à de trés rares exceptions que par des courtisans serviles et interessés. Le manque de discernement du comte d'Artois entre des amitiés trompeuses et des dévouements cachés a contribué à un enchainement terrible de foucades scandaleuses et d'activités futiles à répétition. Le mot-clé de cette vie déréglée est peut-etre l'oisiveté. Quand un homme se sent et se sait condamné à l'inutilité, il entre dans une impasse et cherche desespérement des émotions pour se sentir vivre. Et ma foi, lorsque l'on est prince de Fance au XVIIIe siècle, on peut se permettre bien des écarts. De plus, Louis XVI échoue pour remettre son frère dans le droit chemin. Un bref arret d'exil en province aurait peut-etre amendé le prince, juste pour lui faire sentir que certaines bornes ne doivent pas etre franchies et que la vie d'un prince est aussi faite de devoirs.

Ce n'est qu'aux alentours de la trentaine qu'Artois met un coup d'arret à sa vie dissipée. Je viens de raconter brièvement l'une des pages les plus contestables de la vie du futur Charles X.
Le prochain et dernier acte de 1786 à 1789 donnera une nouvelle image du comte d'Artois dans sa vie privée et publique. Face aux grondements sourds de la Révolution qui approche , Charles de France va entrer dans la vie politique.

Suite au prochain épisode.

Dominique Poulin

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Message Publié : 06 Fév 2004 18:39 
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Eginhard
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Philchow, tu parles de Jean-Pierre Chaline, cet auteur a-t-il consacré une biographie sur le comte d'Artois, futur Charles X ? Je ne connais pas cet historien. Merci de m'éclairer sur cette question si tu veux bien.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 06 Fév 2004 20:23 
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Eginhard
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Pour ceux qui ont du mal à se retrouver dans la filiation du Comte d'artois, futur Charles X, je fais un petit rappel généalogique :

- Le grand-père et la grand-mère paternels du Comte d'Artois sont le roi Louis XV et la reine Marie Leczinska

- Le père et la mère du Comte d'Artois sont le dauphin Louis-Ferdinand et la dauphine Marie-Josèphe de Saxe .
ces derniers ont eu une dizaine d'enfants dont Louis XVI, Louis XVIII et le Comte d'Artois, futur charles X.

Le père du Comte d'Artois, Louis-Ferdinand de France, dauphin, est né en 1729 et mort en 1765. Il est donc mort avant la mort de son père Louis XV (+1774).

-dans les veines du Comte d'Artois, futur charles X coulent du sang polonais, saxon, italien, bavarois... en fait peu de sang français et beaucoup de sang allemand et slave.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 06 Fév 2004 21:03 
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J'ai parlé des dettes du Comte d'Artois. Elles ne sont pas imaginaires, loin de là, elles sont meme énormes et considérées comme telles à l'époque.
Dans un précédent message, je dis qu'elles se seraient montées à 21 millions de livres en 1781, une somme astronomique à l'époque.

Ou est passé tout cet argent ? J'ignore le montant de la pension mensuelle qui était octroyée au comte d'Artois sur le trésor Royal. A titre de comparaison, le montant de la pension mensuelle de Marie-Antoinette était au moins de 250 000 livres par mois.
Le comte d'Artois devait au moins bénéficier de 150 000 livres par mois. De plus, le montant des dépenses de sa Maison civile était entierement pris en charge par l'Etat. Donc, le frère du roi était entierement défrayé des dépenses de sa Maison, mais il a fort bien pu s'endetter pour soutenir son train de vie, car le Controle Général des finances reconnaissait que l'entretien des Maisons des comtes de Provence et d'Artois étaient un gouffre pour l'Etat. Cet entretien se montaient à plusieurs millions de livres par an.

Trés tot, le Comte d'Artois s'est endetté. Les pertes au jeu, l'entretien de son écurie de chevaux de course, ses maitresses entretenues avec tout ce que cela peut supposer, les constructions et aménagements de ses résidences personnelles (Bagatelle en particulier, mais aussi les chateaux de saint-Germain et de Maisons) représentent une partie de ses dettes. Mais ce n'est peut-etre qu'une partie de l'iceberg.

A plusieurs reprises, Louis XVI secours son frère en lui donnant plusieurs millions de livres, mais rien n'y fait, le comte d'Artois continue à faire des dettes. C'est certain, le comte d'Artois n'avait aucun respect pour la gestion des finances publiques mais il est plus que probable qu'il ignorait le déficit croissant de la France car lorqu'il eut connaissance de la dette publique du royaume en 1787 (lors de l'assemblée des Notables) il fut un des premiers à reformer les dépenses de sa Maison.

Sur le fond, Louis XVI devait connaitre depuis longtemps les emprunts successifs du Trésor pour soutenir tant bien que mal les dépenses publiques, mais ses ministres et en particulier Calonne de 1783 à 1786 le convainquirent que la "croissance" relative de la France mettrait fin à cet état de fait. Calonne, en fait avait la confiance des banquiers et des gens d'affaires, ce qui prolongea de quelques années le climat de relative confiance économique et financière de la France de 1783 à 1786. Mais à la fin de 1786, le montant de la dette publique est tel que les banquiers refusent d'avancer encore de l'argent...
Je dis ceci, pour simplement faire comprendre que le comte d'Artois n'a pas voulu profiter inconsidérement des finances publiques, mais qu'il en fut un des principaux bénéficiaires, n'ayant aucune idée de l'endettement chronique de la France dans les années 1780.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 16 Fév 2004 18:16 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Je peux vous répondre à la place de Pilchow si vuos le permettez: je le connais un peu puisque j'ai eu l'occasion de l'avoir en cours, et de bailler abondamment par la même occasion...
Jean-Pierre Chaline est un professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris IV-Sorbonne, et accessoirement directeur de l'UFR d'histoire... Ce qui m'étonne c'est qu'il n'est pas particulièrement spécialiste de l'histoire moderne, mais bon on ne sait jamais...
Par contre son fils Olivier Chaline (qui est aussi à Paris IV, et oui l'administration fait bien les choses :wink:) est lui spécialiste en histoire moderne européenne, avec une passion particulière pour les questions militaires... aussi ennuyeux que le père! Ne m'en veuillez pas de cet avis tout personnel...

Keikoz

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Cicéron, De officiis


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