La païva "qui paye y va"
est pourtant bien connu des chroniqueurs mondains du second empire...
Une courte biographie [ et un "portrait" dessiné ] sur :
http://www.aei.ca/~anbou/lapaiva.html
sa baignoire
:
et une biographie plus longue :
sur
http://site.ifrance.com/mission/propo71.htm
LA PAIVA ET SES TROIS MARIS... En 1836, Thérèse Lachmann, fille d'un pauvre tisseur juif polonais, vivait à Moscou dans une affreuse misère. Elle avait seize ans, une sensuelle et dangereuse beauté. Elle se vendait par nécessité, mais repoussait les hommes vieux et mal bâtis: toujours, elle affirmait que la beauté et la santé sont contagieuses! François Villoing, tailleur établi à Moscou à la sortie du ghetto, l'épouse. Mais la vie mesquine qu'il pouvait lui offrir rebutait la jeune femme. Elle s'enfuit, un an après son mariage, lui laissant son enfant, et gagna la France, dévorée d'ambition.
À Paris, elle jeta son dévolu sur Henri Hertz, pianiste de talent, riche, charmant, rêveur et prodigue. Chez lui, elle connut tous les artistes et écrivains du temps, et acheva de devenir une "mondaine" accomplie. Elle continuait d'ailleurs à être infidèle, par plaisir ou par intérêt. Son mari accourut de Russie pour la prendre. Il se vit repousser avec dédain et mourut peu après, désespéré. Libre, Thérèse se sentit invincible. Jeune, belle, avertie et sensuelle, prête à tout, rien ne pouvait lui résister. Elle disait crûment: "Si les alouettes ne tombent pas toutes rôties, les pigeons tous plumés tombent dans mon lit."
Mais, en 1848, ruiné, Hertz partit faire une tournée aux ÉtatsUnis, et Thérèse, sans le sou, tomba très malade, dans un pauvre hôtel. Elle appela Théophile Gauthier, et c'est alors qu'elle lui dit avec une volonté farouche: "Si j'en reviens, je veux avoir aux Champs-Élysées, le plus bel hôtel de Paris. Rappelle-toi de ça," Guérie, "Mannequin" mondain d'une couturière perspicace qui lui ouvrit un large crédit (sûre de son avenir), elle séduisit à Londres l'opulent Lord Stanley; à Paris, le duc de Guiche, le duc de Gramont, etc. Et enfin, le marquis Aranjo de Paiva, noble Portugais. Il était fou d'amour...
Elle avait besoin d'un nom: Paiva sonnait bien. Elle sut si habilement attiser son désir, l'affoler sans le satisfaire, qu'elle l'amena à l'épouser pour l'avoir à lui. Mais elle lui déclare après la nuit de noces: "Vous m'avez voulue, vous m'avez eue. Je voulais un nom, je l'ai, nous sommes quittes." Et elle lui signifia son congé. Il y eut
séparation de corps et de biens; le marquis retourna au Portugal, puis revint à Paris, toujours aussi joueur et viveur. On le disait toujours riche : il était totalement ruiné. Si bien qu'il finit par se suicider d'un coup de revolver dans la bouche.
Thérèse, veuve, gravit encore un échelon. Le destin mit alors sur sa route le comte, puis duc de Hencket de Donnersmark, richissime noble Silésien. Avec lui aussi, envoûté dès le premier regard, elle joua le tout pour le tout, le repoussa d'abord, le laissa quitter la France, mais le rejoignit à Berlin, y reprit son jeu de coquetterie implacable et céda enfin quand il lui eut promit deux millions par an!... Elle était déjà mûre, lui plus jeune qu'elle de plusieurs années et fort bel homme. Elle avait un passé terrible, mais elle avait pour lui un charme qui le retint enchanté jusqu'à sa mort.
Il l'épousa, lui acheta le château de Pontchartrain, un hôtel rue St-Georges, pendant qu'elle faisait enfin bâtir aux Champs-Élysées celui dont elle rêvait. D'une richesse folle, d'un goût incertain, il coûta trois à quatre millions-or. Tous les artistes de l'époque y travaillèrent. L'escalier était d'onyx, le lit lui coûta cent mille francs-or. "Je veux un lit propre" avait-elle déclaré. La comtesse Hencket reçut là tous les hommes célèbres d'alors: Arsène Houssaye, Théophile Gauthier, Paul de Saint-Victor, Eugène Delacroix, E. de Girardin, etc... Mais aucune vraie grande dame ne consentit à franchir son seuil...
Les réunions, à sa table magnifique, étaient brillantes. Sous les serres chaudes de Pontchartrain, il y avait en toutes saisons des fruits mûrs. Artistes et gens de lettres se régalaient et faisaient assaut d'esprit. Parfois, Mme de Hencket évoquait les étranges souvenirs de sa vie, orgueilleuse de sa fabuleuse ascension. Devenue cousine du prince de Bismarck, elle servait et renseignait celui-ci de son mieux, car on approchait de 1870 et il s'agissait d'endormir la vigilance du gouvernement français. Rentrée en Allemagne durant la guerre, elle revint si tôt après la défaite et rouvrit son hôtel...
Mais elle ne trouva plus sa vogue de naguère. Bismarck rêvait d'une entente avec la France et désirait une entrevue avec Gambetta. La comtesse (qui, maintenant, nourrissait des ambitions politiques) tâcha de convaincre le tribun, usa de tous ses charmes. Il promit, puis décommanda le voyage à Berlin. Et le gouvernement, moins séduit que le naïf Gambetta, pria la dame de repasser la frontière, car ses agissements inquiétaient. Le roman de Thérèse Lachmann, devenue princesse, alliée à la famille impériale allemande, s'acheva sans bruit dans un château de Silésie, en 1884... Et son mari l'aima au-delà de la mort.