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Message Publié : 02 Août 2012 8:48 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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J'ai mentionné plus haut que l'émancipation d'une esclave n'était pas une décision qu'un homme prenait simplement parce qu'il avait des rapports sexuels occasionnels avec elle.
Plus généralement, que l'émancipation d'un esclave n'était pas une décision simple et facile qu'on prenait à la légère.
La principale raison en était le coût d'un esclave et la perte financière que représentait son émancipation.
Peu avant la guerre de Sécession, le coût d'un esclave allait de 275 $ pour un enfant à 1 800 $ pour un esclave "à talents" (possédant un savoir-faire professionnel particulier), ou une très belle femme.
A titre de point de comparaison, un ouvrier sans spécialisation gagnait alors 20/25 $ par mois.
En dollars d'aujourd'hui, un esclave valant alors 1 000 $ environ vaudrait à peu près 42 000/45 000 $; le coût moyen d'un esclave était donc celui d'une voiture de grand luxe.
Peu d'hommes de nos jours sont disposés à faire cadeau d'une telle somme à une femme avec qui ils ont des rapports sexuels. A fortiori les propriétaires d'esclaves qui considéraient les femmes noires comme un cheptel à mi chemin entre humain et animal.
Jefferson a eu pour concubine pendant des années une jeune esclave métisse nommée Sally Hemmings. Il en a eu 6 enfants, et une analyse d'ADN a établi que ces enfants étaient bien les siens, et non comme le prétendaient les enfants de son mariage légitime, les enfants d'un de ses neveux. Il n'a pas pour autant émancipé Sally Hemmings.
En plus de la considération financière, pourquoi l'aurait il fait? S'il voulait garder Sally Hemmings près de lui et à sa complète disposition, mieux valait la garder comme esclave, l'émanciper aurait pu lui donner des vélléités d'indépendance.
De plus, vers le début du XIXème siècle, des Codes noirs ont prescrit que tout esclave émancipé devait quitter leterritoire de l'état où il était esclave dans un délai de quelques mois. Si un maître voulait garder une de ses esclaves comme partenaire sexuelle, il ne pouvait donc pas l'émanciper.
Car avant que les états du Sud interdisent aux propriétaires d'esclaves de les émanciper, ils avaient commencé par restreindre sévèrement les conditions d'émancipation: il était interdit d'émanciper un esclave trop vieux ou trop jeune (cette clause n'était pas toujours respectée pour les trop vieux), en considération du fait qu'un esclave émancipé devait être en âge d'assurer sa propre subsistance.
De toute façon, on demandait au propriétaire voulant émanciper un esclave de verser une provision de plusieurs centaines de dollars au gouvernement de l'état, au cas où l'esclave tomberait à la charge financière de la communauté.
Donc l'émancipation représentait une double perte financière pour le maître.


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Message Publié : 02 Août 2012 17:59 
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Jean Mabillon
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Une autre anomalie de la société esclavagiste américaine, une autre question:
dans les autres sociétés esclavagistes occidentales modernes, Antilles, Cuba, Brésil, l'abolition de l'esclavage a été certes difficile et troublée: aucune classe dominante n'abandonne sans résistance sa position privilégiée et les avantages qui vont avec.
Des résistances à l'abolition de l'esclavage se sont donc manifestées dans ces sociétés esclavagistes et ont été plus ou moins vives, plus ou moins violentes.
Néanmoins, aucune d'entre elles n'est allée jusqu'à la guerre civile pour préserver l'esclavage, comme l'ont fait les états de la Confédération.
Même l'abolition du servage en Russie s'est faite sans guerre civile.
Pourquoi ce jusqu'au-boutisme confédéré suicidaire pour assurer la survie de la "pecular institution"?


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Message Publié : 03 Août 2012 17:40 
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Salluste
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Regardez par exemple ce cas célèbre d'Elithzabeth Key qui était le fruit d'une esclave et d'un blanc libre ; "libre car la fille d'un père libre est libre".
http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_virgin ... 'esclavage

Toute cette législation prouve bien que les enfants de père-maitre et esclave-mère étaient légion.

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La poésie peut être plus vrai que l'histoire. Aristote


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Message Publié : 03 Août 2012 19:05 
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Jean Mabillon
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Toute cette législation prouve bien que les enfants de père-maitre et esclave-mère étaient légion.


D'accord avec ça.
Mais par contre, il est très rare et exceptionnel que l'enfant de père libre né d'une esclave ait été reconnu libre par décision de justice; les législations pouvaient être légèrement différentes selon les états, et elles ont évolué, mais très rapidement, la règle adoptée fut : "tout enfant né de mère esclave est esclave".

Lisez à ce sujet l'ouvrage de référence de Peter Wallenstein "Tell the Court I love my Wife: Race, Marriage and Law in American History"; de plus, s'il arrivait --ce qui était rare--qu'une femme blanche ait un enfant avec un noir, l'enfant de père esclave était aussi esclave, mais en plus la femme blanche elle même pouvait le devenir.
Les relations sexuelles des hommes blancs avec des femmes noires étaient fréquentes et tolérées,mais l'accès sexuel des noirs, esclaves ou libres, aux femmes blanches était proscrit et très sévérement puni, tant pour l'homme que pour la femme.


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Message Publié : 03 Août 2012 20:04 
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Grégoire de Tours
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mais en plus la femme blanche elle même pouvait le devenir.
Intéressant. Est-ce que à votre connaissance, il existe des cas documentés de femmes blanches ayant été asservies à cause de cela ?

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"I do not know with what weapons World War III will be fought, but World War IV will be fought with sticks and stones."

Albert Einstein


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Message Publié : 03 Août 2012 20:16 
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Jean Mabillon
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Oui tout à fait, gardant présent à l'esprit que les relations sexuelles d'un homme noir et d'une femme blanche étant considérées comme totalement inacceptables dans la société sudiste, il y a peu de femmes qui étaient prêtes à prendre ce risque.
Mais il y en avait quelques unes néanmoins. Je donnerai des cas précis dès que j'aurais un moment.


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Message Publié : 05 Août 2012 19:39 
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Jean Mabillon
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Voici ce que stipule la loi du Maryland de 1664, conçue pour "deterring such freeborne women from such shameful matches" (pour empêcher les femmes nées libres de contracter des mariages honteux): "toute personne née libre qui épouse un esclave servira le maître de cet esclave pendant toute la vie de son mari".
Si son mari meurt après elle, elle passera donc le reste de sa vie en esclavage. Si il meurt avant elle, elle récupérera théoriquement sa qualité de femme libre, mais en fait, cela n'était nullement garanti. Et bien sûr, tous les enfants nés de cette union, et leurs enfants et petits enfants, étaient esclaves.
C'est arrivé par exemple à une femme nommée "Irish Nell", une servante amenée d'Angleterre aux Amériques par lord Baltimore. Cette "Irish Nell" épousa en 1681 un esclave noir nommé "Negro Charles" , une église catholique du Maryland accepta de bénir leur union.
Mais l'assemblée législative du Maryland non seulement refusa de la reconnaître, mais la loi ci-dessus lui fut appliquée, à elle et à sa progéniture. Comme son mari vécut longtemps--il était encore vivant en 1730--elle resta esclave toute sa vie.
De fait, si une femme blanche épousait un esclave, elle perdait son identité de blanche et était assimilée légalement et socialement à une noire.
A cause de cette loi, des femmes blanches, et leurs descendance, devinrent socialement et légalement "noires".


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Message Publié : 06 Août 2012 13:12 
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Grégoire de Tours
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Merci Tonnerre pour votre réponse.

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Message Publié : 07 Août 2012 14:48 
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Jean Mabillon
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Détail peu connu à propos de la situation des Africains-Américains aux EU: à partir de 1820/1830, les états suivants: New Hampshire, Massachusetts, Rhode Island, New York, Pennsylvanie et étrangement, North Carolina, autorisent le vote des noirs libres et payant des impôts. Le suffrage était censitaire pour tous après la Révolution et les mêmes restrictions du suffrage liées à l'impôt s'appliquaient alors aux blancs.
Le nombre des noirs dans ces états du Nord n'avait rien à voir avec celui des noirs dans les états du Sud, mais il y en avait un nombre non négligeable dans les grandes villes, en particulier New York (environ 15% de la population au début du XIXème), Boston, Philadelphie. Ils occupaient des emplois de service, étaient artisans, bateliers, cochers etc--ce qui leur valait dans certains cas d'être mal vus par les blancs avec lesquels ils entraient professionnellement en compétition.

Le droit de vote reconnu aux noirs libres dans ces états l'était sans considération du fait qu'ils sachent lire, ou soient illettrés--ce qui était le cas pour la majorité d'entre eux.
Les femmes, par contre, y compris de la classe supérieure, riches et instruites, ne votaient pas au XIXème siècle aux EU.
Un seul état, le New Jersey, a autorisé les femmes à voter de 1790 à 1807 (après quoi ce droit fut aboli) , à condition qu'elles soient veuves, propriétaires et payant des impôts.
Curieusement, les noirs ex-esclaves ont donc eu le droit de vote dans plusieurs états américains près d'un siècle avant les femmes.

Autre détail intéressant sur les raisons de l'importation d'esclaves africains aux EU comme force de travail, plutôt que des blancs "indentured servants": le fait souligné par différents planteurs et trafiquants que l'on pouvait mettre des femmes noires pour exécuter pratiquement tous les travaux des champs, alors que c'était impossible pour les femmes blanches.


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Message Publié : 07 Août 2012 15:31 
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Tonnerre a écrit :
Détail peu connu à propos de la situation des Africains-Américains aux EU: à partir de 1820/1830, les états suivants: New Hampshire, Massachusetts, Rhode Island, New York, Pennsylvanie et étrangement, North Carolina, autorisent le vote des noirs libres et payant des impôts. Le suffrage était censitaire pour tous après la Révolution et les mêmes restrictions du suffrage liées à l'impôt s'appliquaient alors aux blancs.


Quand le suffrage a-t-il cessé d'être censitaire ? A New York en tout cas il ne l'était plus en 1860 pour les Blancs, mais les Noirs devaient prouver qu'ils possédaient pour 250 $ de biens. Un amendement a été proposé pour supprimer cette règle, ce qui a permis aux adversaires des Républicains d'utiliser contre eux la crainte de l'égalité avec les Noirs ; d'ailleurs aux élections de 1860, le même jour Lincoln obtient 54 % des voix mais l'amendement élargissant le vote des Noirs n'obtient que 37 % de votes favorables (J. McPherson, la Guerre de Sécession).


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Message Publié : 07 Août 2012 16:41 
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Jean Mabillon
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Citer :
Quand le suffrage a-t-il cessé d'être censitaire ? A New York en tout cas il ne l'était plus en 1860 pour les Blancs, mais les Noirs devaient prouver qu'ils possédaient pour 250 $ de biens


L'élargissement du droit de vote à tous les citoyens blancs de sexe masculin était un des éléments essentiels du programme politique du président Jackson, 7ème président des EU de 1829 à 1837, et des jacksoniens membres et sympathisants du parti démocrate-républicain qui le soutenaient.
En fait, ces idées de "democracy for the Common man" étaient déjà dans l'air avant l'accession de Jackson à la présidence, puisque dès les années 1820, le suffrage masculin censitaire était devenu minoritaire parmi les états américains, Jackson et les jacksoniens n'ont fait que les reprendre; et le suffrage universel masculin blanc est vraiment devenu universel dans tous les états dans les années 1850.
Cette transition semble s'être faite plutôt pacifiquement, sans grande résistance, les anciens états ayant abandonné ces limitations l'un après l'autre, et les nouveaux états ne les ayant pas adoptées lors de leur adhésion à l'Union.


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Message Publié : 08 Août 2012 10:44 
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Jean Mabillon
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Je repose de nouveau une question que j'ai posée plus haut, parce que je n'ai pas trouvé de réponse entièrement satisfaisante dans ma bibliothèque sur l'esclavage aux EU:

"dans les autres sociétés esclavagistes occidentales modernes, Antilles, Cuba, Brésil, l'abolition de l'esclavage a été difficile et troublée: aucune classe dominante n'abandonne sans résistance sa position privilégiée et les avantages qui vont avec.
Des résistances à l'abolition de l'esclavage se sont donc manifestées dans ces sociétés esclavagistes et ont été plus ou moins vives, plus ou moins violentes.
Néanmoins, aucune d'entre elles n'est allée jusqu'à la guerre civile pour préserver l'esclavage, comme l'ont fait les états de la Confédération.
Même l'abolition du servage en Russie s'est faite sans guerre civile.
Pourquoi ce jusqu'au-boutisme confédéré suicidaire pour assurer la survie de la "pecular institution"?

En l'absence d'explication satisfaisante, on peut toujours admettre que la guerre de Sécession n'a été qu'un accident provoqué par des malentendus, des peurs injustifiées et des fantasmes absurdes dans les deux camps, et par l'influence prise par les jusqu'au boutistes et va t'en guerre des deux côtés, mais l'explication du "malheureux dérapage" ne me satisfait pas non plus.
Qu'est ce qui était en jeu pour les Sudistes et qui valait la peine qu'on se batte pour ça, qui n'était pas en jeu pour les planteurs antillais, brésiliens, et les grands propriétaires russes?

Merci de vos suggestions.


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Message Publié : 08 Août 2012 13:43 
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Je me hasarde à une hypothèse qui peut contenir un bout de réponse : les planteurs du Sud faisaient partie des Etats-Unis, une république démocratique, qui plus est une république construite en résistance à une oppression et dont le développement s'est largement fait autour de cette fierté d'être LA nation de la liberté.

Dans ce contexte l'esclavage était mis par le Sud au même rang que les autres acquis de la Révolution et de l'indépendance, et était un élément de leur liberté durement acquise, et non un élément d'oppression (le Sud n'a jamais revendiqué l'esclavage comme une tyrannie mais bien comme une liberté - celle des Blancs uniquement, mais une liberté quand même). De fait, lors de la Sécession le Sud se voit comme le réel héritier de l'Amérique des origines, contre un Nord qui a dénaturé la république et la liberté.

Cela a pu renforcer l'idée d'être dans le "bon camp" et donc d'être légitime à ne rien céder, quitte à aller jusqu'à la guerre.


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Message Publié : 08 Août 2012 15:00 
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Dernièrement, à la radio, je suis tombé sur un débat entre un écrivain américain et ??? (plus l'animateur) et à un moment, il fut question des valeurs américaines et de l'esclavage.

Les 3 personnes qui discutaient étaient d'accord : fondamentalement, l'esclavage est par essence opposé au "rêve américain". C'est quoi le "rêve américain" : n'importe qui, par son travaille peut améliorer son sort, mais aussi celui de sa descendance. Dans l'Europe des XVIIIème et XIXème siècle, les gens avaient souvent comme perspective de vivre, peu ou prou, la vie de leurs parents. Je sais, il y a de nombreux contre-exemples, mais c'était un sentiment assez général. Le rêve américain, c'était qu'on pouvait s'installer, défricher un coin de forêt, travailler et qu'ensuite, grâce au fruit du travail, voir ses enfants aller à l'université, devenir docteur ou avocat et puis devenir quelqu'un. Pour certains, un peu plus ambitieux, ils pouvaient eux-même réaliser ce rêve : devenir quelqu'un grâce à leurs qualités propres et à leur travail. Ce rêve touchait aussi des fils cadets de familles nobles ou bourgeoises qui n'avaient d'autre espoir que les ordres ou l'armée en Europe.

Mais, les esclaves étaient totalement exclus de ce schéma. Un esclave devait l'être de père en fils et quelque soit son travail, cela ne lui garantissait pas un avenir meilleur. Or, cette dualité allait à l'encontre du mythe fondateur des États-Unis. Le "rêve américain" est l'un des fondements de la nation américaine. Une nation a du mal à vivre quand elle nie en partie l'un de ses mythes fondateurs.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 08 Août 2012 15:49 
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Jean Mabillon
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Merci Deadplayer et Narduccio pour vos réponses ingénieuses.

Pour la réponse de Deadplayer, on retombe plus ou moins sur la notion des "state rights": les états Sudistes auraient fait sécession parce qu'ils se voyaient comme victimes d'un pouvoir central fédéral tyrannique, et abusivement interventionniste dans leurs affaires.
Cet interventionnisme abusif consistant surtout à vouloir abolir l'esclavage chez eux, ou à vouloir empêcher son extension aux nouveaux états.

Rappelons d'abord une nouvelle fois que la notion du gouvernement fédéral voulant abolir l'esclavage relève du fantasme et/ou d'une déformation propagandiste délibérée de la position officielle du gouvernement fédéral sur la question: l'administration Lincoln ne voulait en aucun cas l'abolition.
Notons aussi que les états du Sud qui revendiquaient leur droit à pratiquer l'esclavage comme un droit fondamental des états refusaient aux états du Nord ce droit fondamental des états à régler les affaires concernant leur propre territoire lorsqu'ils critiquaient vertement le refus de certains de ces états de capturer les esclaves en fuite et de les renvoyer dans le Sud.
En fait, les droits des états avancés par les états du Sud sont un leurre, un écran de fumée mis en avant pour camoufler la vraie motivation des Sudistes: car ce droit des états , si souvent invoqué, n'a pratiquement jamais eu d'autre contenu que le droit de pratiquer l'esclavage, et plus tard d'appliquer la Ségrégation.

Cet argument du droit des états a été mis en avant par Andrew Johnson, successeur de Lincoln pour justifier son opposition à toutes mesures type "droits civils " pour les "Freedmen" (ex-esclaves) du Sud lors de la Reconstruction.
Mais Andrew Johnson a donné lui-même les vraies raisons de son opposition au "Civil Rights Act" lorsqu'il a dit: "This is a country for white men and by God, as long as I am President, it shall be a government for white men" (c'est un pays pour les hommes blancs et par Dieu, tant que je serai Président, cela restera un gouvernement pour les hommes blancs).
Au XXème siècle, l'administration de FDR a multiplié les programmes gouvernementaux fédéraux interventionnistes qui représentaient une atteinte manifeste aux droits des états.
Aucune protestation démocrate dans le Sud pourtant: FDR n'a pas touché aux droits civils et à la ségrégation au sud de la ligne Mason-Dixon, donc pas de revendication de droits des états en réponse aux interventions fédérales.
Plus tard, Harry Truman a été le premier président démocrate à se préoccuper des droits civils, et à esquisser un début de rupture de l'alliance parti démocrate/sécéssionisme/ségrégationnisme.
Dès que cette orientation légèrement anti-ségrégationniste s'est manifestée au gouvernement et dans le parti, aussitôt on voit réapparaître le thème des "state rights": une faction se détache du parti, avec la tendance menée par Strom Thurmond, gouverneur de Caroline du Sud, candidat démocrate à la présidentielle contre Truman, et partisan des deux sociétés blanches et noires supposées rester "separate but equals" (separate plus qu'equal d'ailleurs).
Et bien sûr, Strom Thurmond nomme sa dissidence démocrate "State Rights Party" --mouvement dont le but officiel et présentable est de défendre les états du Sud contre les empiètements de Washington, mais dont l'objectif réel est (je cite Thurmond): "defend the racial integrity and purity of the white and negro race" (défendre la pureté raciale de la race blanche et noire).
Tout cela baignant dans une profonde hypocrisie, puisque j'ai mentionné ailleurs que Thurmond, si égalitairement soucieux de défendre la pureté raciale des races blanche ET noire, avait fait un enfant à une de ses domestiques noires.
L'argument des "state rights" est un alibi, une feuille de vigne pour ainsi dire :mrgreen: , qui camoufle de façon morale et présentable le véritable enjeu de la guerre de Sécession, sa motivation première , qui est la défense de l'esclavage (même si ce n'est pas la seule).
Voici un petit article intéressant du Washington Post sur les principaux mythes de la guerre de Sécession, qui aborde celui des "state rights":


http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/co ... 06547.html


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