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Message Publié : 28 Nov 2012 18:08 
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Hérodote
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Bonjour à tous, voilà ma première question :)
Je voulais donc savoir, est-ce que les philosophes des Lumières ont eu une influence particulière dans l'évolution de la condition noire américaine, pour l'abolition de l'esclavage par exemple ?
Je vous remercie tous d'avance et compte sur vous ! :wink:


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Message Publié : 28 Nov 2012 20:00 
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Jean Mabillon
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Indirectement, un peu sans doute: les principes des Lumières--le principe de droits naturels inaliénables reconnus à tout être humain--s'oppose apparemment au principe de l'esclavage, qui est une négation de ces droits.
Encore fallut il qu'on reconnut l'esclave noir comme être humain de plein droit et égal des blancs.
Or ce n'était pas le cas au XIXème siècle aux EU, le racisme était la norme, Lincoln lui même ne considérait pas les noirs comme égaux aux blancs, les abolitionnistes non plus.
Le racisme étant une théorie permettant de justifier que les individus non blancs vivant dans une démocratie soient néanmoins exclus des droits démocratiques.
Les femmes étant également exclues de ces droits pseudo-universels.
D'ailleurs, les penseurs des Lumières étaient loin d'être abolitionnistes.
De même que la citoyenneté , dans la démocratie athénienne, ne concernait qu'une élite en nombre relativement restreint, la citoyenneté , dans la pensée des Lumières, y compris chez les plus "à gauche" (si l'on peut dire) comme Rousseau, ne concerne qu'une minorité d'individus.
La constitution américaine de 1787 reconnait l'esclavage, autorise l'importation d'esclaves (article 1, section 9), et déclare légale l'importation (internationale) d'esclaves jusqu'en 1808.


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Message Publié : 29 Nov 2012 0:31 
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Tonnerre a écrit :
D'ailleurs, les penseurs des Lumières étaient loin d'être abolitionnistes.


L'exemple le plus criant étant Voltaire. Quand on lui reprochait ses positions anti-abolitionnistes, il répondait d'un sec "J'aime mon café bien sucré !é, allusion au rôle des esclaves dans la culture de la canne à sucre. Mais il était bourré de contradictions ! Il n'aimait pas les protestants, dont il avait le modèle sous les yeux, ces "Messieurs de Genève" qui, chose impardonnable, "n'aimaient pas le théâtre" :wink: Ce qui ne l'a pas empêché de déclencher "L'affaire Calas".

Pour moi, les véritables libérateurs des noirs d'Amérique du nord ont été les sectes chrétiennes telles les quakers, qui allaient chercher leurs convictions dans la bible et non dans les Lumières.

Maintenant, en étant un peu hors période, l'origine de la lutte contre la discrimination raciale, datent probablement de la Première Guerre Mondiale où les quelques noirs américains qui sont arrivés en France, et qui blessés, se sont retrouvés dans des hopitaux Français, se sont vus traités avec beaucoup plus de considération, qu'ils ne l'étaient dans leur propre pays.

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C'est l'ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté officier d'artillerie, il serait encore sur le trône.

Mr Prudhomme


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Message Publié : 29 Nov 2012 9:43 
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Jean Mabillon
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Pour moi, les véritables libérateurs des noirs d'Amérique du nord ont été les sectes chrétiennes telles les quakers, qui allaient chercher leurs convictions dans la bible et non dans les Lumières.


En effet, les quakers ont été les fers de lance du mouvement abolitionniste, mais n'oubliez pas non plus les anabaptistes, moins connus, qui refusaient systématiquement d'avoir des esclaves. Et les méthodistes--John Wesley, fondateur de l'église méthodiste , dénonça l'esclavage comme un abominable péché. Même de nombreux Presbytériens s'y opposaient: Harriett Beecher Stowe, auteur du best seller anti-esclavagiste 'La Case de l'oncle Tom", était presbytérienne.
L'abolitionnisme en GB et aux EU est donc beaucoup plus inspiré par les principes chrétiens que par l'idéologie des Lumières.


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Message Publié : 29 Nov 2012 10:32 
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Tonnerre a écrit :
Citer :
Pour moi, les véritables libérateurs des noirs d'Amérique du nord ont été les sectes chrétiennes telles les quakers, qui allaient chercher leurs convictions dans la bible et non dans les Lumières.


En effet, les quakers ont été les fers de lance du mouvement abolitionniste, mais n'oubliez pas non plus les anabaptistes, moins connus, qui refusaient systématiquement d'avoir des esclaves. Et les méthodistes--John Wesley, fondateur de l'église méthodiste , dénonça l'esclavage comme un abominable péché. Même de nombreux Presbytériens s'y opposaient: Harriett Beecher Stowe, auteur du best seller anti-esclavagiste 'La Case de l'oncle Tom", était presbytérienne.
L'abolitionnisme en GB et aux EU est donc beaucoup plus inspiré par les principes chrétiens que par l'idéologie des Lumières.


J'ai parlé de sectes (ou religions) chrétiennes ! Les quakers en sont une, mais ce n'est pas exhaustif ! Loin de là ! et évidemment toutes celles que vous avez cités cont dans ce cas ! A contrario, d'autres justifiaient l'esclavage, aux états Unis, certes, mais également chez les Boers en Afrique du Sud, mais là on s'écarte du sujet B)

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Message Publié : 29 Nov 2012 11:53 
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Georges Duby
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Je ne suis pas si sur que les LUmières aient été aussi hostiles à l'abolition de l'esclavage aux EU qu'on ne le dit, dans les idées toutefois.
En effet quand Jefferson rédige la déclaration d'indépendance, qui prévoit l'égalité des hommes nés libres et égaux, il prévoit la condamnation de la traite mais au Congrès les Sudistes ont supprimé ce passage du texte.
Ce qui explique que le thème disparaisse pour des raisons politiques. Il ne sera plus évoqué notamment dans la Constitution.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 29 Nov 2012 13:14 
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Alain.g a écrit :
Je ne suis pas si sur que les LUmières aient été aussi hostiles à l'abolition de l'esclavage aux EU qu'on ne le dit, dans les idées toutefois.
En effet quand Jefferson rédige la déclaration d'indépendance, qui prévoit l'égalité des hommes nés libres et égaux, il prévoit la condamnation de la traite mais au Congrès les Sudistes ont supprimé ce passage du texte.


C'est possible, mais je crois que les Lumières n'en faisaient pas leur cheval de bataille ! Sauf ce "pisse-Froid" de Rousseau, les lumières en général s'adressaient plutôt aux élites et parfois aux têtes couronnées. Les principales étant Frédéric II et Catherine II de Russie. or si ces deux souverains pratiquaient les Lumières en théorie, ni l'un , ni l'autre n'ont, en politique, fait la preuve d'humanisme. Catherine II a même fortement augmenté le nombre des serfs en Russie et aggravé leur situation

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Message Publié : 29 Nov 2012 13:41 
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Jean Mabillon
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Je ne suis pas si sur que les LUmières aient été aussi hostiles à l'abolition de l'esclavage aux EU qu'on ne le dit, dans les idées toutefois.
En effet quand Jefferson rédige la déclaration d'indépendance, qui prévoit l'égalité des hommes nés libres et égaux, il prévoit la condamnation de la traite.


Comme beaucoup de gens en France, vous confondez:
- condamnation de la traite et condamnation de l'esclavage: un assez grand nombre de citoyens américains éclairés rejetaient le principe de l'esclavage pour des raisons morales au moment de la Révolution mais cette condamnation, vague et théorique, est loin de l'abolition effective.
Tout au plus envisageaient-ils l'extinction "naturelle" et très progressive de l'esclavage avec le temps. Sans qu'aucune action concrète ne soit mise en oeuvre pour amener cette disparition, qui devait mystérieusement se produire d'elle même.
Et surtout l'abolition de la traite n'entraîne pas nécessairement l'abolition de l'esclavage, l'un pouvant fort bien subsister sans l'autre, vu la réussite démographique des esclaves africains aux UE.
- et ne pas confondre abolitionnisme et antiracisme: la quasi-totalité des abolitionnistes étaient persuadés de l'infériorité naturelle des noirs.
- enfin, de nombreux abolitionnistes voulaient que les noirs libérés soient renvoyés en Afrique.

Sur l'esclavage, Jefferson est un noeud de contradictions.
Il était convaincu que les noirs étaient inférieurs aux autres "races", et le contraire aurait été étonnant, vu qu'il est né dans une famille de planteurs, milieu d'où provenait également sa femme.
Très jeune, il s'est trouvé ainsi à la tête de vastes terres et d'un "cheptel' d'environ 200 esclaves. Il n'en a libéré aucun, sauf les enfants qu'il a eus de la métisse Sally Hemmings, (qui était la fille du père de sa femme), et encore certaines de ces libérations ont eu lieu après sa mort, car figurant dans ses dispositions testamentaires.
En 1769, alors qu'il siégeait à la législature de Virginie, il a proposé une loi interdisant aux noirs émancipés de rester dans l'état.
Cette proposition de loi justifiée par le fait que Jefferson pensait que les noirs étaient incapables d'assurer leur subsistance eux mêmes et qu'ils ne pouvaient vivre que de mendicité et de chapardages une fois libérés--et être ainsi d'une façon ou d'une autre à la charge des citoyens de l'état de Virginie.
Il considérait également que les noirs émancipés, ex-esclaves, représentaient un danger pour leurs anciens maîtres, dont ils pourraient vouloir se venger par des émeutes, sabotages et agressions.
iL voulait donc renvoyer tous les noirs émancipés en Afrique, continent dont il anticipait la colonisation progressive par des "freedmen".
Il a également proposé une loi condamnant à l'exil toute femme blanche ayant eu des relations sexuelles avec un noir. Ces lois , considérées comme trop strictes, n'ont pas été passées.

Une fois au Congrès des EU, il a refusé de soutenir un plan d'émancipation graduelle des esclaves et même une loi permettant aux propriétaires d'émanciper leurs esclaves par simple décision individuelle.
Plus tard, il a un peu évolué et soutenu une proposition d'émancipation--il est vrai très restrictive: émanciper seulement les esclaves éduqués (comment? Les Codes noirs interdisaient d'apprendre à lire et écrire aux esclaves) et âgés de 45 ans, c'est à dire vieux (pour l'époque et leurs conditions de vie) et devenus sans grande utilité pour les maîtres comme force de travail. Evidemment, seuls les esclaves devenus peu rentables pour leur maître étaient concernés par cette loi.
Et dans cette proposition, tous les esclaves libérés devaient être renvoyés en Afrique.
Après son retour de Paris, il ne s'exprime plus sur l'esclavage ("un immense silence" écrit l'historien américain David Brion Davis)--jusqu'à son accession à la présidence.

Et en effet, dans sa version de la Déclaration d'indépendance, il propose bien l'interdiction de la traite. Mais comme je le répète, l'abolition de la traite n'entraîne en aucun cas l'abolition de l'esclavage. En fait, l'abolition de la traite visait surtout à ses yeux à rendre l'esclavage plus secure pour les planteurs: les esclaves fraichement arrivés d'Afrique n'étaient pas encore "domestiqués", ils ne parlaient pas anglais, ne comprenaient pas bien ce que l'on attendait d'eux, ils travaillaient moins bien, étaient moins dociles et étaient réputés se rebeller plus facilement que les esclaves créolisés (américanisés).
Ils étaient moins rentables et représentaient un risque et une source de désordre social. iL était plus avantageux à tous les points de vue de faire tourner les plantations avec des esclaves créolisés.
De plus, la traite ne profitait qu'au trafiquants d'esclaves; une fois la traite internationale abolie, le commerce (et le profit du commerce) des esclaves devenait le domaine exclusif des planteurs, qui pouvaient "produire" des esclaves en quantité sur leurs plantations.
Et donc c'est bien sous la présidence de Jefferson que la traite a été abolie fédéralement--même si cela n'a rien à voir avec une quelconque position abolitionniste.

Mais quand une révolte noire a éclaté à St Domingue en 1807, alors que Jefferson était président, il a soutenu les planteurs français contre leurs esclaves révoltés en leur envoyant des fonds (40 000 $) et des armes en grand nombre. Et il a refusé de reconnaître la jeune République de Haiti.
Jefferson n'est donc en rien abolitionniste, ceux ci n'ayant été avant la guerre qu'une minorité agissante et "vocale", il est vrai croissante mais seulement dans le Nord.
Dans le Sud, les abolitionnistes étaient pourchassés et honnis, et leurs écrits étaient interdits.

Citer :
au Congrès les Sudistes ont supprimé ce passage du texte.

Jefferson était un Sudiste, membre de l'aristocratie des planteurs, producteur de tabac sur sa vaste plantation, descendant d'une des familles les plus riches et illustres de Virginie, les Randolph. C'est le pouvoir politique considérable des planteurs Sudistes qui l'a porté au Congrès puis à la présidence.
Qu'un homme avec un tel background ait pu être abolitionniste est donc à peu près aussi probable qu'un héritier Rockfeller ait été marxiste :mrgreen: .


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Message Publié : 29 Nov 2012 14:53 
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Georges Duby
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Tonnerre a écrit :
Et en effet, dans sa version de la Déclaration d'indépendance, il propose bien l'interdiction de la traite. Mais comme je le répète, l'abolition de la traite n'entraîne en aucun cas l'abolition de l'esclavage.
Je le savais bien sur et ne confondais rien quand j'ai rédigé et ai pris soin de spécifier que la proposition de Jefferson était pour l'abolition de la traite et pas de l'esclavage.
Je n'ai pas fait cette faute et pour le faire comprendre, j'ai parlé, sur la pointe des pieds, d'abolitionnisme d'idées en pensant à la philosophie de la déclaration d'indépendance: " tous les hommes sont libres et égaux " à distinguer de la politique qui se garde d'en tirer les conséquences compte tenu d'une réalité prégnante.

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Message Publié : 29 Nov 2012 15:31 
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Jean Mabillon
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Citer :
Je n'ai pas fait cette faute et pour le faire comprendre, j'ai parlé, sur la pointe des pieds, d'abolitionnisme d'idées en pensant à la philosophie de la déclaration d'indépendance: "


Sur ce point, on ne peut qu'être d'accord: la philosophie des Droits de l'homme est--en principe-- incompatible avec l'esclavage.
Le problème est que Jefferson, s'il considérait que l'esclavage était une tache morale sur la démocratie américaine, était aussi un propriétaire d'esclaves.
C'était le cas --et le paradoxe--d'une majorité des pères fondateurs: des propriétaires d'esclave qui exigeaient pour eux mêmes la liberté qu'ils refusaient à leurs esclaves (la parade qu'ils avaient trouvé à cette sérieuse contradiction étant la thèse de l'infériorité des noirs).
D'ailleurs Jefferson considérait que l'esclavage était (presque) aussi mauvais pour les maîtres que les esclaves, qu'il était pour eux une source d'ennuis sans fin, sans parler de la corruption et des compromissions morales.
Entre ses intérêts et la morale, Jefferson a choisi ses intérêts, il n'a même pas affranchi sa concubine Sally Hemmings.
Washington, par contre, a affranchi un nombre considérable d'esclaves.
Est-ce que parce qu'il était plus profondément chrétien que Jefferson?


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