Inscription : 26 Juin 2008 8:11 Message(s) : 2722 Localisation : 中国
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Réponse très intéressante Geopolis, qui va d'ailleurs dans le sens de ce très bon article du regretté Jean-Paul Roux: http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_empir ... nquete.aspJe me permets d'en citer une partie quant aux réalisations, aux conséquences de cet empire: Les victoires sont dues au génie de Gengis Khan et de ses premiers successeurs ; à la robustesse physique et morale des Mongols ; à leur engagement total ; à la supériorité de leur armée, qui n'est pas une horde anarchique, mais une force disciplinée, structurée en unités de dix, cent, mille et dix mille hommes, sans doute sur le modèle des Perses achéménides, aux effectifs considérables pour l'époque – cent à deux cent mille Mongols peut-être, non compris les fédérés – possédant les meilleurs chevaux du monde, les meilleurs arcs ; à l'efficacité de l'intendance, de l'espionnage, de la propagande ; à l'emploi de la terreur – anéantissement de ceux qui résistent, destruction totale des villes où parfois sont tués jusqu'aux chiens et aux chats – et à la clémence envers ceux qui capitulent.
Il n'est pas moins certain que la durée de la domination mongole découle d'abord de ces vertus qui ont assuré la victoire et survivent dans la paix ; de la qualité et du dévouement des collaborateurs que les Mongols ont su recruter, Ouïghours et Khitan, mais aussi Chinois ou Iraniens ; de la solidité de leur administration ; de leur honnêteté, de leur désintéressement, de leur incorruptibilité, de leur justice, implacable mais égale pour tous ; de la paix qu'ils ont établie en mettant fin aux rivalités tribales ou provinciales, aux guerres féodales, au banditisme, en détruisant les sectes – ainsi les invincibles Assassins ismaéliens d'Iran – ce qui a permis un développement sans précédent du commerce et des relations internationales, encouragés et rendus plus aisés par la suppression des frontières et l'aménagement des axes de communication ; de leur totale tolérance religieuse dans un univers qui ne connaissait que trop les persécutions et les conflits confessionnels, mais aussi de la reconnaissance de chaque croyance, du grand respect qu'ils avaient pour les choses religieuses, les prêtres ou les agents du culte ; enfin, et ce n'est qu'une conséquence de tout le reste, de la rapide reconstruction de ce qui avait été détruit, d'un remarquable essor culturel et scientifique.
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Presque tous ceux que nous connaissons ont écrit des lettres ou récits de voyages qui apportèrent à l'Europe une masse de renseignements, vrais ou erronés, des « merveilles » dont il était difficile de faire le tri : que penser des morceaux de papier qui remplaçaient les pièces d'or ou d'argent, des pierres noires qui brûlaient, des hommes n'ayant qu'un œil sur le front ? On prit du moins conscience de l'immensité du monde, qu'il était des univers religieux qu'on ne soupçonnait pas, tel celui du bouddhisme. On fut ébloui par la richesse et la somptuosité de l'Orient, par les profits inouïs qu'on pouvait y réaliser. Quand l'Empire mongol s'écroula, quand la route qu'il avait ouverte fut fermée, les Européens qui ne pouvaient plus se rendre en Inde et en Chine n'eurent alors qu'une idée : trouver une autre voie d'accès – une des raisons essentielles des grandes découvertes maritimes d'un Colomb ou d'un Magellan.
Cela suffirait à montrer le rôle joué par l'Empire mongol dans l'histoire du monde. Ce ne fut pas le seul. Partout son action fut déterminante en cent grandes ou petites choses. En Chine, le centre de gravité se déplaça vers le nord, Pékin remplaça X'ian ou Nankin. Le Yunnan fut intégré au monde des Hans. Le Tibet, le Xinjiang, l'Indochine furent l'objet des revendications chinoises parce qu'ils avaient relevé de l'autorité des Yuan. Les religions étrangères, christianisme, manichéisme, bouddhisme, protégées par les Mongols au nom de la liberté religieuse, et aussi parce qu'ils avaient de la sympathie au moins pour deux d'entre elles, commencèrent à être persécutées et à décliner. Le tapis, art essentiellement nomade, devint art chinois ; le théâtre populaire, enfin reconnu, donna naissance au célèbre san-kiu… Au Proche-Orient, l'islam qui avait perdu sa souveraineté et souffert de la rivalité chrétienne prit une éclatante revanche et les chrétiens, parce qu'ils avaient collaboré, devinrent suspects. Les Turcs furent stoppés dans leur marche vers l'ouest et, quand celle-ci reprit, l'équilibre des forces basculait en faveur de l'Europe. Les Mamelouks, parés de l'immense prestige d'avoir été les seuls à vaincre les Mongols, purent redonner à l'Égypte un éclat presque égal à celui de l'Antiquité. En Europe, ce fut la fin de la Hongrie, en passe de devenir une grande puissance, la colonisation par les Allemands de la Silésie dépeuplée, la vassalité de la Russie qui n'en finirait pas, et cette empreinte que les Mongols ont laissée sur elle et qui s'est manifestée encore dans maints traits du régime soviétique…
On ne s'y trompa pas. L'Empire mongol avait été un des grands moments de l'histoire et on rêva longtemps de le reconstituer.
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