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Message Publié : 12 Fév 2011 17:38 
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Salluste
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1750: 1,5 pour en en faveur de la Chine.
1800: 1 pour 1.
1860: 2 pour 1 en faveur de l'Europe occidentale.


Angus Maddison dans '1000 ans d'histoire économique' indique un PIB par habitant d'environ 500/600 $ en Chine du moyen-age à 1800 contre 800/1 000 $ en europe de l'ouest.
Voir http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_re ... t_GDP_(PPP)_per_capita

_________________
Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses,
Danse, aime, bleu laquais, ris d'oser des mots roses.

Charles Cros


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Message Publié : 12 Fév 2011 19:04 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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Mouais, Paul Bairoch et Angus Maddison ont le tort de trop citer les données statistiques concernant des pays pour lesquelles elles ne sont pas vraiment fiables, et même s'ils ne sont pas forcément dupes, le problème reste l'utilisation qui en est faite. Comme je l'ai dit plus haut, mais mon message était sans doute trop long pour être lu, les statistiques économiques concernant la Chine de le XIXe et le début du XXe ne sont pas jugées fiables par certains historiens spécialistes du sujet. En fait qu'il y ait eu croissance économique ou non, le fait que l'écart entre ce pays et ceux de l'Europe sur cette période est évident, comme c'est à peu près le cas pour toutes les parties du monde à quelques exceptions près. L'ampleur de l'écart est discutable, pas sa réalité, d'autant plus que c'est un phénomène mondial.

Il ne faudrait pas oublier que la question qui est posée sur ce point est "pourquoi". En tout état de cause, vu que le phénomène d'écart croissant est mondial, la réponse reste à mon avis à chercher du côté de l'Europe, celui qui a décroché tous les autres, plus que du côté de ceux qui ont été décrochés, que ce soit la Chine, l'Inde, ou même le Japon et ce en dépit du rattrapage qu'il a effectué par la suite, voire la Turquie, la Perse, et d'autres (en fait tous les autres pays sauf les colonies de peuplement européennes). Évidemment, la situation de la Chine est frappante, mais dans ce cas il faut poser la question du "pourquoi" de la catastrophe que connaît la Chine à cette période. Pour ce pays il ne s'agit pas juste d'un "décrochage" comme pour les autres pays, mais quasiment d'une descente aux Enfers si on regarde son histoire entre 1800 et 1976 (voire 1990). S'il y a un "blocage" à chercher, c'est celui-là, pas dans les mentalités chinoises qui auraient bloqué quoi que ce soit, d'autant plus que celles-ci ont toujours été très diverses et parcourues par des débats animés.


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Message Publié : 14 Fév 2011 4:05 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon
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Inscription : 26 Juin 2008 8:11
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Azur a écrit :
Angus Maddison dans '1000 ans d'histoire économique' indique un PIB par habitant d'environ 500/600 $ en Chine du moyen-age à 1800 contre 800/1 000 $ en europe de l'ouest.
Voir http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_re ... t_GDP_(PPP)_per_capita
Le lien ne marche pas. Mais, ayant pu retrouver le tableau de Maddison par ailleurs, je trouve ses chiffres très curieux (il met notamment l'Amérique du Nord amérindienne quasiment au même niveau que la Chine: 400-500 dollars... :rool: ). Bref, j'ai de gros doutes.
Toujours est-il que la Chine du XVIIIème siècle est loin d'être un océan de misère comme il était dit précédemment. La majeure partie de la production manufacturière du monde était asiatique (Chine, mais aussi Inde...), le commerce était florissant. C'est la révolution industrielle et la révolution technique de l'armement qui vont placer la Grande-Bretagne d'abord, la France ensuite et quelques autres, dans une position dominante vis-à-vis du reste du monde (donc de la Chine).
Au XIXème siècle, à l'heure où d'autres pays européens (n'oublions pas que l'Europe du Congrès de Vienne va connaître de longues périodes de paix, durant lesquelles les pays peuvent consacrer leurs ressources à leur industrialisation) s'engagent dans la révolution industrielle, la Chine connaît invasions étrangères (guerres quasi-coloniales menées par la GB et la France) et défaites militaires (1842, 1860, 1895 contre le Japon), traités inégaux, révoltes populaires (Taiping de 1851 à 1864, Boxers de 1899 à 1901), faiblesse du pouvoir impérial (siècle où aucun dirigeant ne sort du lot), voit son territoire grignoté et sa population droguée. Bref, pas vraiment les conditions pour engager une révolution industrielle... :wink:


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Message Publié : 16 Fév 2011 20:58 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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J'ai relu le fil entier et je tiens à remercier les intervenants de ce fil pour ce grand débat. Peut-être spécialement Zunkir, qui cherche toujours de donner des messages cohérentes et logiques. Comme d'ailleurs dans des fils Afrocentristes ou ceux comme par exemple celui du "dinar". C'est un plaisir de les lire, même si ils sont "une" fois assez long.

J'ai relu aussi de nouveau tout le fil qui est complémentaire à celui-ci:
http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... 06&t=16880
et qui est un débat sur la même "hauteur". Merci pour ce fil aussi.

Cordialement et avec estime pour tous les intervenants,

Paul.


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Message Publié : 28 Avr 2011 22:50 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
Message(s) : 1522
Localisation : Belgique
Addendum au message précedent.

On a longtemps débattu au forum histoire du BBC un fil similaire à celui-ci ou le fil qui est complémentaire à celui-ci: http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... 06&t=16880
http://www.bbc.co.uk/dna/mbhistory/NF22 ... 020&skip=0

Pour ceux qui comprennent l'Anglais: messages 13, 24, 55, 56, 84, 108, 109, 117, 141, 142, 150, 177, 235.

J'essaierai dans les jours qui viennent de faire une synthèse de mon opinion d'aprés la lecture des trois fils mentionés en haut.

J'espère spécialement d'intéresser Enki-Ea de nouveau aux passions de l'histoire. Enki-Ea que je n'ai pas vu sur le forum depuis la "géopopolitique"....

Cordialement,

Paul.


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Message Publié : 17 Mai 2011 22:49 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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Localisation : Belgique
Addendum au message précédent.

Entretemps une centaine de messages de plus sur le fil que j'ai mentioné dans le message précédent:
http://www.bbc.co.uk/dna/mbhistory/NF22 ... 020&skip=0
J'essaie de conclure sur ce forum dans les jours qu'ils viennent. Enfin... :wink:

Cordialement,

Paul.


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Message Publié : 27 Fév 2012 9:29 
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Dans une entrevue du Point, Emmanuel Todd nous livre son interprétation anthropologique de la paralysie chinoise et orientale :
Citer :
Le Point : Ce livre est le résultat d'un travail colossal. Pourquoi cette passion pour l'origine des systèmes familiaux ?

Emmanuel Todd :
J'ai commencé à écrire ce livre en 2003, mais c'est surtout l'aboutissement de quarante ans de recherches sur les structures familiales. À la bibliothèque d'égyptologie du Collège de France, je suis tombé un jour sur l'introduction de Jacques Pirenne, grand historien de l'Égypte, à son oeuvre majeure sur le droit privé dans l'Ancien Empire. Un ouvrage pour moi essentiel parce qu'il donne une image complètement inattendue, individualiste, de la famille égyptienne la plus ancienne. Et, dans cette introduction, Pirenne pose la question que tout chercheur peut finir par se poser : "Pourquoi ai-je consacré ma vie à ça ?" J'ai alors éprouvé pour lui un immense sentiment de fraternité et de tendresse !

Trêve de plaisanterie, comment est née votre passion pour la famille ?

Ce genre de vocation arrive quand le hasard rencontre quelque chose de profond. Étudiant, je suis allé à Cambridge pour apprendre l'anglais. Emmanuel Le Roy Ladurie, mon maître, un modèle d'historien et d'homme pour moi, m'a expédié à l'un de ses collègues, Peter Laslett, qui sera mon directeur de thèse. Laslett m'a mis entre les mains une pile de documents décrivant les familles d'un village du nord de la France, Longuenesse. Plutôt bon en maths, j'ai tout de suite aimé ce travail statistique. Mais j'étais sans doute prédestiné à l'étude de la famille parce que la mienne était très originale, à la fois puissante et déstructurée.

D'instinct, j'ai été comparatiste. Dans ma thèse, je comparais des villages français, suédois et italiens. Cinq ans plus tard, au début des années 80, la diversité des structures familiales m'a permis de comprendre la raison de l'émergence dans certaines régions du communisme russe ou chinois, dans d'autres de l'individualisme égalitaire à la française, de l'individualisme pur à l'anglaise, de l'ethnocentrisme allemand ou japonais. J'ai développé une grille de lecture familiale de l'Histoire : dans chaque type familial s'emboîtaient idéologie, modèles de développement du capitalisme, attitude spécifique vis-à-vis des immigrés.

Est-ce à cause de cette méthode de travail sur la famille que vous avez pris l'habitude de faire des prophéties qui, la plupart du temps, se vérifient ?

Quand je fais des prédictions, elles reposent évidemment, même si ça n'est pas évident pour tous, sur mon travail de chercheur, d'historien et d'anthropologue. Pour moi, contrairement aux marxistes ou aux ultralibéraux, l'économie est loin de tout expliquer. La famille dont on vient, ou celle qu'on produit, nous permet de mieux comprendre les comportements humains. D'autant que l'économie est dans la famille depuis la nuit des temps. Pour l'anthropologue, le couple qui fonctionne n'est pas qu'une unité d'amour et de plaisir, c'est aussi une formidable association économique, une unité de production et de reproduction.

Vous êtes quand même confronté à une grosse difficulté : la diversité des types familiaux dans cette Eurasie que vous décrivez dans ce premier tome.

Il y a en effet beaucoup de types familiaux- j'ai fini par en définir une quinzaine -, mais il y a des types statistiquement dominants. Ainsi, aux deux bouts de l'Eurasie, les Allemands et les Japonais ont la même "famille souche" où un seul enfant est choisi comme héritier. On retrouve ce type chez les Coréens, les Tibétains ou les Catalans. Encore plus à l'extérieur de l'Eurasie, on identifie chez les Anglais, les Philippins et les Javanais des variantes de la famille dite "nucléaire" : papa, maman et les enfants. Au centre de l'Eurasie, en Russie, en Chine, en Serbie, on a une grosse masse qui vit sur le modèle de la famille "communautaire" : l'idéal, c'est le père associé à ses fils, avec une architecture dite patrilinéaire, puisque les filles sont éjectées. Chez tous les nomades de la steppe eurasiatique, Mongols, Kazakhs ou Turkmènes, on trouve un même type familial, intermédiaire : les familles sont nucléaires, mais associées par des liens patrilinéaires, entre individus de sexe masculin donc, en groupes fluides.

Pourquoi cette diversité ? Ce n'est pas une histoire de climat, ni de relief, ni de mode de production, encore moins de niveau de développement. Il y a une loi que les anthropologues utilisaient beaucoup avant la dernière guerre : le Principe du conservatisme des zones périphériques (PCZP). Pour me faire comprendre, j'utilise la métaphore de la pizza. Vous avez un gros bloc rouge B d'un seul tenant au milieu et des petites taches A, d'une autre couleur, sur les bords, séparées les unes des autres. La raison : l'espace était autrefois totalement occupé par le trait A, désormais périphérique et fragmenté, mais il y a eu une innovation B dans la zone centrale qui a diffusé mais n'a pas atteint toute la périphérie. Toutes ces taches A, à la périphérie, sont donc les restes du système ancien. Ce type d'interprétation a changé ma vie. On peut lire l'Histoire dans une carte. Mais il est recommandé de compléter avec ce qui existe de documentation historique, annales chinoises ou tablettes d'argile de Sumer...

L'Europe, placée sur la périphérie, a donc une structure familiale "nucléaire" qui est archaïque ?

Exactement. Ce qui sort comme vision globale de l'humanité, c'est qu'au départ les sociétés primitives, de chasseurscueilleurs, ont un système familial nucléaire : un père, une mère et des enfants. La famille n'est pas toute seule, elle est associée par des liens de parenté horizontaux (type frère/soeur, beau-frère/belle-soeur) à d'autres familles nucléaires, sur le mode de "bandes locales". Ces groupes fluides utilisent indifféremment les liens entre les hommes et les femmes pour se constituer. C'est dans ce contexte que l'histoire humaine commence. On voit apparaître toutes sortes d'inventions et d'innovations : l'agriculture, l'écriture, la ville, l'État, bref la civilisation. Et des innovations, aussi, dans le domaine familial, vers des formes plus complexes et plus lourdes. Et l'innovation fondamentale, c'est le changement des positions relatives des hommes et des femmes. On peut ainsi observer à Sumer, au milieu du IIIe millénaire avant notre ère, ou en Chine, à la fin du IIe millénaire, l'apparition d'un système patrilinéaire. D'abord avec l'apparition de la famille souche avec primogéniture masculine (l'aîné des garçons hérite de l'essentiel des biens de la famille, mais on laisse encore succéder des filles s'il n'y a pas de garçon), ensuite avec la famille communautaire pleinement patrilinéaire (là, il n'est plus question que les filles succèdent) et, à partir de là, une fois que l'architecture patrilinéaire est vraiment installée, une dynamique interne enclenche un abaissement continu du statut de la femme.

C'est paradoxal, parce que cette régression se produit dans des sociétés qui ont tout inventé...

Oui ! Dans des sociétés extrêmement progressives, à une époque où, en Europe, il n'y a rien ! Cet abaissement du statut de la femme stérilise la créativité de ces sociétés, puisqu'il faut bien admettre, sans féminisme exagéré, que le potentiel d'éducation des enfants régresse lorsque les mères sont infantilisées. Mais même les hommes, théoriquement dominants, sont en partie des enfants dans un système patrilinéaire antiindividualiste. Le principe patrilinéaire, puis son accentuation, paralyse donc peu à peu ces sociétés. Et c'est pourquoi l'Histoire nous montre l'arrêt de la civilisation moyen-orientale, de la civilisation chinoise, de la civilisation indienne.

Et qu'advient-il de l'Occident ?

Eh bien, l'Occident, qui n'a inventé ni l'agriculture, ni la ville, ni l'écriture, ni l'État, va recevoir toutes ces innovations par diffusion. Tout en échappant au système patrilinéaire et en gardant donc son dynamisme primitif, qui est en fait le dynamisme des hommes des cavernes. Des gens comme Max Weber, par exemple, cherchaient à s'expliquer le mystère du décollage de l'Occident, mais il n'y a pas de mystère de l'Occident ! Le vrai mystère, c'est celui de ces sociétés centrales qui ont tout inventé et qui se sont paralysées en adoptant un système patrilinéaire. Dans le cas du Moyen-Orient, auquel l'Europe doit tout, ça va encore plus loin, car il y a cette innovation paralysante supplémentaire qu'est l'endogamie, le fait de s'unir avec des gens de la même famille. Alors non seulement le groupe est centré sur les hommes, mais il se renferme sur lui-même par le mariage entre cousins.

En lisant votre livre, on a pourtant le sentiment que l'islam a voulu protéger la femme. C'est une provocation de votre part ?

Pas du tout ! Je sais bien qu'on est en ce moment dans un bain idéologique tout à fait hystérique sur l'islam, mais, en tant qu'historien, je peux vous dire qu'on surestime totalement le poids de la religion par rapport à celui des structures familiales. Pour moi, l'évolution fondamentale au Moyen-Orient, c'est l'invention du principe patrilinéaire. L'invention du principe patrilinéaire est arrivée au IIIe millénaire avant l'ère commune. On est bien avant l'apparition de l'islam !

Si on regarde l'histoire du Moyen-Orient, il y a une dynamique de renforcement continuel du principe patrilinéaire et d'abaissement du statut de la femme. C'est à une date tardive de l'histoire du Moyen-Orient, au VIIe siècle de notre ère, que l'islam apparaît. Et ce qu'on trouve dans les règles d'héritage coranique, ce sont des préceptes qui cherchent plutôt à protéger la femme par rapport aux vieilles lois passées. Mais, dans l'évolution ultérieure, le système patrilinéaire a été plus puissant que Mahomet. La vérité, c'est que les lois d'héritage coraniques ne sont pas appliquées par les paysans du monde arabe.

Vous avancez aussi - ô scandale ! - que c'est la démocratie athénienne qui invente l'endogamie.

Tout à fait ! On ne trouve pas de cas d'endogamie patrilinéaire avérés dans l'histoire de la Mésopotamie et du Moyen- Orient le plus ancien. La seule explication, provisoire pour moi, c'est que cela a été apporté par les Grecs, qui l'ont d'ailleurs ensuite abandonné. Le premier cas d'endogamie patrilinéaire avéré, c'est à Athènes, au moment de l'épanouissement de la démocratie, au Ve siècle.

Au départ, la cause de ce mouvement est le repliement civique un peu raciste de la cité grecque, ce que Robert Lowie appelait l'"orgueil de race". La démocratie originelle est ethnique. L'égalité du corps des citoyens ne se définit pas dans un rêve universaliste, comme on le verra en France, mais par rapport à des hommes de l'extérieur, qu'on assimile à des barbares. C'est comme la démocratie israélienne actuelle. L'égalité du corps des citoyens, c'est aussi l'inégalité de ceux qui sont à l'extérieur. L'égalité du corps des citoyens repose sur le fait que tout est préférable à ce qui se trouve à l'extérieur. On voit bien comment l'idée d'endogamie peut sortir de ça. La démocratie américaine est toujours une démocratie blanche.`.

Plus si blanche que cela. Votre montre date un peu...

Non. Je vous rappelle qu'Obama est marié avec une femme qui est noire et que Joe Biden est marié avec une femme blanche. Je suis un lecteur assidu de l'annuaire statistique américain, et le taux de mariages mixtes des femmes noires aux États-Unis, sous Obama, est toujours insignifiant.

Quel serait le modèle familial gagnant aujourd'hui ?

J'ai les plus grands doutes. Dans les deux dernières années, on a vu apparaître un discours sur le déclin de l'Occident, l'émergence de la Chine et de l'Inde. Mon domaine d'étude s'étend entre 3000 avant l'ère commune et 2000 de l'ère commune, cinq millénaires. Alors, ce changement d'humeur sur deux ans... Je peux quand même vous donner mon sentiment : certes, je ne suis pas connu comme un occidentaliste, et c'est vrai que j'éprouve un plaisir malicieux à dire que les Occidentaux sont des barbares sur le plan familial, à comparer ces Anglais, auxquels je dois tout comme chercheur, aux Aborigènes des îles asiatiques, mais je suis honnête !

Quand on me dit que la Chine est en train de décoller, je réponds qu'elle est en rattrapage, et que le rattrapage n'est pas l'innovation. Or le système patrilinéaire n'est pas bon pour l'innovation. Et quand on observe l'utilisation de l'avortement sélectif par échographie pour limiter le nombre de filles en Chine, en Inde du Nord, on sent même une accentuation du principe patrilinéaire. Et je ne vois pas pourquoi ce système, qui a nécessité des milliers d'années pour atteindre sa densité, perdrait aujourd'hui ses capacités paralysantes.

Ce n'est donc pas l'Occident qui est paralysé ?

Il y a des phénomènes très inquiétants en Occident - qui comprend le Japon - dont le principal est le vieillissement de la population. Jamais un monde n'avait été menacé à ce point de sénilité institutionnelle. Mais si je regarde l'Asie continentale, où le vieillissement va être encore plus rapide, je reste extrêmement sceptique sur l'avenir glorieux de la Chine, qui ne fait en réalité que du rattrapage. Ils ont envoyé un homme tourner autour de la Terre comme les Russes l'ont fait dans les années 60, ils viennent de fabriquer un TGV comme les Japonais le faisaient dans les années 60 et les Français dans les années 80, et un TGV qui de plus s'est crashé. Je n'ose même pas parler de la fiabilité des centrales nucléaires chinoises. Il n'est pas clair du tout que la Chine puisse définir l'avenir de l'humanité en termes de choix et de véritables inventions. Ou alors, vu le nombre de leurs centrales nucléaires, peut-être la fin du monde...

Si je devais faire un pari concernant l'Asie, je parierais sur l'Indonésie. Elle a gardé un système familial individualiste. Je sais qu'ils sont musulmans et que ça ne fera pas toujours plaisir, mais j'aurais plus confiance en eux. D'ailleurs, leurs indicateurs démographiques sont plus équilibrés, le statut des femmes reste très élevé. Ils ont même carrément fait un virage matrilocal. Il y a eu une réaction au principe patrilinéaire importé d'Inde à partir du Ve siècle, mais qui n'a pas été adopté. Par ailleurs, je suis très frappé par les déséquilibres internes de la croissance chinoise. Je suis très impressionné par l'implosion de la Russie, qui avait un système patrilinéaire modéré, et par la diminution de la population russe. Si curieux que cela puisse paraître, je ne pense pas du tout que l'Occident soit foutu.

2011, Le Point 2033, 82-86

http://www.lepoint.fr/grands-entretiens ... 20_326.php


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Message Publié : 27 Fév 2012 15:14 
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Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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Merci pour cet article, on n'évoque sans doute pas assez des thèses de Todd sur ce forum (à moins que j'ai raté des discussions). Comme d'habitude on ne peut pas accepter une solution reposant sur un seul déterminant (les structures familiales), mais c'est une pièce à ajouter au dossier. N'empêche que j'ai toujours un peu de mal à envisager l'étude des structures familiales comme une solution globale, tant on sait que les structures familiales (et leur corolaire les pratiques successorales) varient beaucoup même sur un espace réduit.


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Message Publié : 29 Fév 2012 16:47 
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Jean Mabillon
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Inscription : 26 Juin 2008 8:11
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Geopolis a écrit :
Dans une entrevue du Point, Emmanuel Todd nous livre son interprétation anthropologique de la paralysie chinoise et orientale
Autant j'apprécie en général les analyses subtiles d'Emmanuel Todd, autant là, j'ai un peu de mal à comprendre comment on peut s'appuyer sur des considérations à très long terme (systèmes familiaux) pour expliquer des évolutions à court terme (évolutions économiques). 8-|
Ca veut dire quoi exactement, la "paralysie chinoise et orientale" ? La Chine, par exemple, était encore la plus grande économie du monde au XVIIIème siècle et elle le redeviendra dans une dizaine d'années. Elle a eu un "trou d'air" de 250 ans, ce qui n'est rien à l'échelle de l'histoire; on est somme toute dans l'ordre de l'évolution à court terme à l'échelle humaine. Comment expliquer cela par un système familial vieux de plusieurs milliers d'années? L'Europe n'était pas grand chose au XVème siècle, elle dominait le monde au XIXème. Pourtant, son système familial n'a pas changé durant ce laps de temps.
Bref, j'ai du mal à comprendre Todd sur ce coup-là...


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Message Publié : 29 Fév 2012 21:42 
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Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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Comme d'habitude un article ne suffirait pas à nous faire bien saisir les subtilités de cet auteur. Je vais aller voir son livre dès que possible parce qu'il y a pas mal de choses qui me taraudent dans son approche des civilisations antiques (tirer un modèle général de leurs "structures familiales" avec les sources dont on dispose, ça tient de la gageure). Mais sans doute devrait-on en discuter ailleurs que sur ce fil de discussion. Il est vrai que la Chine a une spécificité dans ses comportements démographiques, notamment une pratique assez ancienne de la limitation des naissances dans les familles (et ce avant même la politique de l'enfant unique), mais cela concerne plus les questions pour son devenir que sur son "décrochage" passé.


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Message Publié : 29 Fév 2012 22:15 
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Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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Sinon pour en rajouter une couche contre l'opinion de Todd, il me semble qu'il raisonne trop vite, comme beaucoup d'autres le font, en posant l'égalité réductrice chinois = chinois de Chine populaire. Or on sait que c'est faux, et au contraire la réussite économique des Chinois de Taïwan, de Hong-Kong et des différentes communautés expatriées depuis des siècles en Asie du Sud-Est puis en Occident ne manque pas d'interpeller. En ce sens il me semble que s'il y a eu faillite de la Chine continentale elle est plutôt de type systémique, dans son organisation politique et sociale. Culturellement les familles chinoises (du moins celles des régions côtières qui ont fourni le gros des Chinois ultra-marins) me semblent être un modèle efficace, qui a des succès indéniables du point de vue économique ou intellectuel, et qui en a toujours eu jusqu'à nos jours (ce qui ne veut pas dire qu'il faille idéaliser ce modèle et qu'il n'ait pas ses propres contradictions). Peut-être que l'avenir confirmera l'intuition selon laquelle la Chine continentale est un "mastodonte" trop dur à gérer, dans lequel les divisions et inégalités régionales ainsi que le poids démographique posent d'insurmontables problèmes à un État qui se veut centralisé. Concrètement, par effet de nombre (1/6e des Terriens) ça constitue évidemment une puissance considérable à tous les points de vue, mais gérer tout ça ensemble ça pose quand même pas mal de problèmes.

Là je tente l'uchronie : les choses auraient sans doute évolué différemment avec des traditions étatiques plus modestes qu'un gigantesque empire chinois ; par exemple des États autour de la Rivière des Perles, du Bas Yangzi ou du Sichuan, ça aurait pu faire des équivalents du Japon, de la Corée du Sud ou de Taïwan. Je pense que j'ai dû rejeter cette piste sur ce même forum par le passé, mais mes dernières lectures sur l'histoire chinoise me font penser qu'elle est intéressante. Elle n'explique pas forcément le décrochage chinois depuis le XVIIIe siècle en lui-même, mais plutôt la répétition de périodes de grandes difficultés qui est chronique dans l'histoire chinoise. La différence du XIXe siècle est sans doute le fait que les envahisseurs n'étaient plus des nomades mais des puissances prédatrices qui n'avaient pas envie de diriger la Chine depuis son centre, mais plutôt de la dominer au profit de leurs métropoles. Ce cataclysme politique a empêché la société chinoise de se moderniser comme l'a fait le Japon après 1868 (qui était du reste le seul à le faire à cette époque, la Corée c'était le Moyen-Âge jusqu'aux années 50). L'avance technique des Européens à cette période est plutôt l'anomalie, qui aurait pu être corrigée par les Chinois s'ils en avaient eu l'opportunité, les nombreux débuts d'adoption des industries et de techniques comme le chemin de fer à partir de la seconde moitié du XIXe siècle plaident en ce sens. Seulement après il y a eu la Révolution de 1911 et ses suites, l'invasion japonaise, la guerre civile avec l'exil d'un grand nombre de personnel politique, puis Mao, jusqu'à la Révolution culturelle qui a quasiment liquidé une génération d'élites intellectuelles continentales (une de plus). On comprend pourquoi la Chine a un aussi gros rattrapage à effectuer.


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Message Publié : 01 Mars 2012 7:50 
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Zunkir a écrit :
Sinon pour en rajouter une couche contre l'opinion de Todd, il me semble qu'il raisonne trop vite, comme beaucoup d'autres le font, en posant l'égalité réductrice chinois = chinois de Chine populaire. Or on sait que c'est faux, et au contraire la réussite économique des Chinois de Taïwan, de Hong-Kong et des différentes communautés expatriées depuis des siècles en Asie du Sud-Est puis en Occident ne manque pas d'interpeller.

Très bon point de départ que j'évoquais en page 2. Ce ne sont pas les Chinois qui décrochent, c'est la Chine continentale.
Zunkir a écrit :
En ce sens il me semble que s'il y a eu faillite de la Chine continentale elle est plutôt de type systémique, dans son organisation politique et sociale.

Est-ce à dire que si le KMT s'était occupé de toute la Chine, il aurait su la faire évoluer comme Taiwan ?
Zunkir a écrit :
Là je tente l'uchronie : les choses auraient sans doute évolué différemment avec des traditions étatiques plus modestes qu'un gigantesque empire chinois ; par exemple des États autour de la Rivière des Perles, du Bas Yangzi ou du Sichuan, ça aurait pu faire des équivalents du Japon, de la Corée du Sud ou de Taïwan. Je pense que j'ai dû rejeter cette piste sur ce même forum par le passé, mais mes dernières lectures sur l'histoire chinoise me font penser qu'elle est intéressante. Elle n'explique pas forcément le décrochage chinois depuis le XVIIIe siècle en lui-même, mais plutôt la répétition de périodes de grandes difficultés qui est chronique dans l'histoire chinoise.

Le contre-argument serait que les périodes de morcellement politique de la Chine continentale correspondent à ses périodes les plus inopérantes : dynasties obscures (- 1750-722), Hégémons (- 722-481), Royaumes combattants (- 453-221), Trois Royaumes (220-280, la population, enregistrée par une solide administration fiscale, décroît de 56 à 16 millions d'habitants), dynasties du Nord et du Sud (304-306), sans parler des guerres civiles qui se soldent en millions ou en dizaines de millions de morts.
Zunkir a écrit :
la Corée c'était le Moyen-Âge jusqu'aux années 50

lol

La modernisation de la Corée du Sud est à ce titre un sujet d'étude et d'admiration remarquablement négligé en France (peut-être parce qu'il générerait de nombreuses irritations idéologiques).
Zunkir a écrit :
puis Mao, jusqu'à la Révolution culturelle qui a quasiment liquidé une génération d'élites intellectuelles continentales (une de plus). On comprend pourquoi la Chine a un aussi gros rattrapage à effectuer.

Cette équarissage des élites (qui rappelle ceux de Russie ou d'Algérie) m'évoque une comparaison de Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot (Toute la géographie du monde) entre la Chine et l'Inde :
Citer :
Pourquoi s'inquiéter pour la Chine et non pour l'Inde ? La réponse a été esquissée : les Indiens pauvres restent intégrés dans de très anciennes structures sociales traditionnelles qui n'ont pas été détruites, ce qui explique la forte stabilité dy pays : au contraire, la "GRande R2volution culturelle prolétarienne" du président Mao a complètement détruit les milliers de communautés villageoises qui depuis vingt-cinq siècles assuraient la continuité de la Chine, sa force, sa capacité à digérer tous les envahisseurs.

J'en déduisait que l'Inde avait une culture, une mémoire et une conscience tandis que la Chine [communiste] n'en avait plus.

(Des écoles confucianistes ultra-conservatrices privées réamorcent cette résurrection culturelle.)

J'en reviens à mes deux hypothèses combinées :

1. les élites nationales engagent leurs peuples vers les révolutions économiques efficaces (aujourd'hui démocratiques et libérales : Occident, Japon, Corée du Sud, Inde ; Hongkong, Taiwan et Singapour pour les Chinois). Sans élites nationales menant vers les révolutions économiques, les pays stagnent et périclitent comparativement (la plupart des pays africains et arabo-musulmans, régimes marxistes, dictatures antilibérales...) ;

2. la Chine continentale était intellectuellement suffisante : elle est toujours passée à côté des exploitations de ses grandes découvertes (maritimes, scientifiques) parce qu'elle en méprisait les potentialités, soit par rigidité intellectuelle ("la poudre, c'est pour amuser les enfants avec des feux d'artifice"), soit par xénophobie primaire ("rien de ce que nous apporte les étrangers n'est bon ni utile" - si ce n'est une girafe acceptée au XVe siècle parce qu'il n'y en avait pas en Chine - voir le chapitre 25 des Découvreurs de Daniel Boorstin).


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Message Publié : 01 Mars 2012 13:49 
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Jules Michelet
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Geopolis a écrit :
Zunkir a écrit :
En ce sens il me semble que s'il y a eu faillite de la Chine continentale elle est plutôt de type systémique, dans son organisation politique et sociale.

Est-ce à dire que si le KMT s'était occupé de toute la Chine, il aurait su la faire évoluer comme Taiwan ?


Au point où on en est je vais me hasarder à une réponse : d'après moi, non ; déjà l'histoire politique de Taïwan est particulièrement chaotique, donc pour rétablit l'ordre en Chine continentale, ça aurait été douloureux de quoi qu'il en soit. L'avantage de Taïwan est sa petite taille et sa petite population, ça a été plus facile d'y faire régner la loi martiale que sur toute la Chine continentale et ensuite de faire un développement économique fortement encadré par l’État.

Citer :
Zunkir a écrit :
Là je tente l'uchronie : les choses auraient sans doute évolué différemment avec des traditions étatiques plus modestes qu'un gigantesque empire chinois ; par exemple des États autour de la Rivière des Perles, du Bas Yangzi ou du Sichuan, ça aurait pu faire des équivalents du Japon, de la Corée du Sud ou de Taïwan. Je pense que j'ai dû rejeter cette piste sur ce même forum par le passé, mais mes dernières lectures sur l'histoire chinoise me font penser qu'elle est intéressante. Elle n'explique pas forcément le décrochage chinois depuis le XVIIIe siècle en lui-même, mais plutôt la répétition de périodes de grandes difficultés qui est chronique dans l'histoire chinoise.

Le contre-argument serait que les périodes de morcellement politique de la Chine continentale correspondent à ses périodes les plus inopérantes : dynasties obscures (- 1750-722), Hégémons (- 722-481), Royaumes combattants (- 453-221), Trois Royaumes (220-280, la population, enregistrée par une solide administration fiscale, décroît de 56 à 16 millions d'habitants), dynasties du Nord et du Sud (304-306), sans parler des guerres civiles qui se soldent en millions ou en dizaines de millions de morts.


Oui, et d'ailleurs ce contre-argument motivait ma perplexité devant l'idée que j'avance maintenant. A vrai dire la trajectoire européenne donne raison à cette impression de "bain de sang" lié à la fragmentation politique. Mais d'un autre côté les Printemps et Automnes et surtout les Royaumes combattants ont vu malgré tout une croissance démographique et économique impressionnante, et par bien des aspects la seconde est l'une des périodes les plus brillantes de l'histoire intellectuelle de la Chine (même si cet essor intellectuel est avant tout motivé par la volonté d'unifier la Chine). Le fait est que du point de vue de l'idéologie politique la Chine s'est toujours pensée unie avant tout malgré l'existence de traditions régionales fortes, tandis que l'Europe s'est finalement pensée sur la base de nations et non pas comme un ensemble uni (malgré l'idéologie "impériale"). Sujet très complexe.

Citer :
J'en déduisait que l'Inde avait une culture, une mémoire et une conscience tandis que la Chine [communiste] n'en avait plus.


Pour moi qui privilégie plutôt les traditions politiques, je dirais que la Chine a une tradition d'unification solide, l'Inde n'en a aucune (elle a été pensée et unifiée par les Britanniques). Je trouve que les Chinois ont une sacrée mémoire, d'ailleurs leur essor actuel repose beaucoup sur l'idée de revanche face à ceux qui l'ont abaissé par le passé : il y a depuis quelques décennies plusieurs films rappelant la période de mise sous tutelle de la Chine par les Occidentaux, qui ont une volonté de chercher des héros nationaux dans cette période vue comme une humiliation profonde. Cet orgueil nationaliste joue beaucoup dans la mobilisation des Chinois continentaux, ce qui sert très bien l’État pour détourner le peuple de ses problèmes quotidiens.

Citer :
J'en reviens à mes deux hypothèses combinées :

1. les élites nationales engagent leurs peuples vers les révolutions économiques efficaces (aujourd'hui démocratiques et libérales : Occident, Japon, Corée du Sud, Inde ; Hongkong, Taiwan et Singapour pour les Chinois). Sans élites nationales menant vers les révolutions économiques, les pays stagnent et périclitent comparativement (la plupart des pays africains et arabo-musulmans, régimes marxistes, dictatures antilibérales...) ;

2. la Chine continentale était intellectuellement suffisante : elle est toujours passée à côté des exploitations de ses grandes découvertes (maritimes, scientifiques) parce qu'elle en méprisait les potentialités, soit par rigidité intellectuelle ("la poudre, c'est pour amuser les enfants avec des feux d'artifice"), soit par xénophobie primaire ("rien de ce que nous apporte les étrangers n'est bon ni utile" - si ce n'est une girafe acceptée au XVe siècle parce qu'il n'y en avait pas en Chine - voir le chapitre 25 des Découvreurs de Daniel Boorstin).


Ces facteurs sont sans doute à prendre en compte. Vous devinerez que j'y ajouterais le facteur politique, même s'il pose pas mal de problèmes il a dû jouer. De plus il ne faut pas se focaliser que sur les élites, la population chinoise dispose plus largement d'un groupe éduqué assez large et d'une population qui a en fin de compte une tradition travailleuse, ça à l'air caricatural de dire ça mais je ne peux m'empêcher de penser que ça joue dans la puissance économique des pays est-asiatiques (après tout le travail est quelque chose de culturel).


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Message Publié : 01 Mars 2012 21:02 
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Jean Mabillon
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Geopolis a écrit :
Le contre-argument serait que les périodes de morcellement politique de la Chine continentale correspondent à ses périodes les plus inopérantes : Hégémons (- 722-481), Royaumes combattants (- 453-221)
Le confucianisme, le taoïsme, le légisme, le mohisme, l'école des logiciens, Sun Tzu, Xun Zi... Sur le plan intellectuel, c'est peut-être la période la plus période de l'histoire de l'humanité.

Citer :
La Chine continentale était intellectuellement suffisante : elle est toujours passée à côté des exploitations de ses grandes découvertes (maritimes, scientifiques) parce qu'elle en méprisait les potentialités
Ah? Elle n'a pas utilisé l'imprimerie? Ni le sismographe?

Citer :
soit par rigidité intellectuelle ("la poudre, c'est pour amuser les enfants avec des feux d'artifice")
Ah? Pourtant, dès le XIIème siècle, des bambous remplis de poudre servaient de lance-flammes.

Citer :
soit par xénophobie primaire ("rien de ce que nous apporte les étrangers n'est bon ni utile"
Ah? Le bouddhisme ou l'horlogerie des Jésuites n'ont pas pénétré en Chine? Pour le reste, qu'apportaient exactement les étrangers?


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Message Publié : 01 Mars 2012 23:25 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Citer :
Ah? Pourtant, dès le XIIème siècle, des bambous remplis de poudre servaient de lance-flammes.


A ma connaissance, les "armes à feu" orientales de cette époque ne tirent pas véritablement de projectiles, ce sont plutôt des armes destinées à intimider par le bruit et le flash.


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