Alceste a écrit :
Pour moi l'histoire est la science de ce qui s'est déjà passé. Quand l'historien s'érige en donneur de leçon sur ce qu'il faut faire il outrepasse ses droits. Je me méfie beaucoup de l'historien qui se drape derrière son savoir. C'est en citoyen qu'il faut parler aux politiques. Puisque justement ce soir on parle de Rohmer j'ai envie de parler d'un de ses films que j'ai vu en DVD il y a quelques jours. Cela s'appelle" l'arbre, le maire et la médiathèque". Il s'agissait du débat autour d'un projet de médiathèque dans un village. Le maire Pascal Greggory voulait construire une médiathèque selon un projet un peu mégalomane. L'instituteur, Fabrice Luchini voulait sauver le grand arbre qui risquait d'être abattu et rejetait le projet. D'autres gens donnaient leur point de vue. Ce que j'ai aimé c'est que le film n'était pas manichéen. Le maire aimait son village et n'allait pas s'en mettre plein les poches. Seulement il avait une autre vision du village. L'instituteur proposait de faire une bibliothèque dans les vieilles fermes abandonnées à cause de la désertification des campagnes. Sur l'arbre, il n'avait pas forcément raison car il était vieux et de toute façon il aurait peut-être fallu l'abattre. A la fin c'étaient les services de sécurité qui enterraient le projet pour cause de nappe phréatique mal stabilisée. J'ai bien aimé cette image de la politique.
Evidemment, personne n'aime ceux qui jouent au « Schtroumpf à lunette »... Celui qui se croit plus malin que tous les autres et se permet de donner des leçons aux autres.
Mais, mais, mais... Mon cher Alceste - sans vouloir vous vexer - j'ai l'impression que votre vision du monde politique est quand même légèrement idyllique, non !?
Si tous les politiciens étaient des gens vertueux, ouverts d'esprit et pleins de bonne volonté, ne pensez-vous pas que notre monde serait un tout petit peu meilleur !?
Pour ma part, ici, je constate la situation suivante : oui, l'histoire du « Peuple belge » est compliquée... Et - depuis des décennies - on s'est arrangé pour que cette matière disparaisse pratiquement de notre système éducatif. Bien entendu, dans ce qui reste, pas question d'aborder les sujets qui fâchent : l'époque de la colonisation, les origines du conflit communautaire, etc. En gros, la Belgique est née un beau jour de 1830, elle a traversé deux guerres mondiales mais, depuis, les choses se sont arrangées. Ouf, voilà, on peut passer à autre chose...
Bilan : plusieurs générations de Belges qui ne savent pas d'où ils viennent, et encore moins où ils vont...
Et c'est là, dans ce terreau d'ignorance, que certains ont planté leurs graines. Parce que, finalement, au Nord du pays, certains se sont ingéniés à ré-écrire l'Histoire... Non plus une histoire de la Belgique, mais une histoire de la Flandre !
Et attention, hein... C'est une histoire terrible, avec des pauvres Flamands qui - depuis des siècles - ont été obligés de subir la domination de cet horrible « Monde latin ».
Ben oui, parce que depuis le 16e siècle, la pauvre Flandre a été dominée par les étrangers : les Espagnols, les Français et finalement... Les Wallons !
Peu importe que les Autrichiens (nos « maîtres » entre 1713 et 1792) n'appartenaient pas vraiment au « Monde latin ». Peu importe que les Hollandais (nos « maîtres » entre 1815 et 1830) soient eux-mêmes néerlandophones. L'important est d'affirmer que seuls les Wallons se révoltèrent, pour obtenir l'indépendance de la Belgique... Leur but sournois était d'instaurer ensuite la suprématie des francophones sur tout le pays !
Peu importe également que la Flandre était alors une région pauvre et sous-industrialisée, et qu'elle est restée longtemps économiquement à la traîne derrière la Wallonie. L'important est de clamer que les Flamands sont devenus tout seuls les plus riches, les plus développés, et qu'ils commencent à en avoir marre de subvenir aux besoins d'une vieille Wallonie déclinante.
Alors, voilà... Les historiens belges qui nuanceraient un peu le tableau brossé par les indépendantistes flamands, on voudrait bien les entendre un peu plus. Parce que, depuis plusieurs années, ce que l'on entend dans le monde politique flamand, ça tient plutôt de la compilation des mythes et légendes !