Bonjour à tous.

Je m'étonne de ne pas avoir trouvé un titre reprenant le film de Xavier Beauvois, Des hommes et des Dieux, racontant les derniers jours des moines de Tibhirine.

Loin d'être une production que j'appellerais 'du jour du Seigneur', ce film retrace avec émotions les derniers jours des moines cisterciens du monastère de Tibhirine, en Algérie. Tantôt très historique, tantôt un peu Hollywood, Beauvois a admirablement traité la vie monastique. Pour avoir étudié le monachisme et avoir passé beaucoup de temps en abbaye cistercienne, je peux vous dire qu'il a su restitué l'ambiance d'une abbaye; les acteurs, admirables, ont bien saisi le style de vie monastique, et il met un Michael Lonsdale épatant en frère Luc.

Le soucis du détail du scénario va jusqu'à restituer une altercation plutôt cocasse entre deux moines, qui s'est réellement déroulé. Beauvois prit comme conseiller Henri Quinson, ex-trader devenu moine trappiste.

Petit bémol pour des pointilleux, quelques scènes comme notamment la plus poignante sont imaginées par Beauvois qui caricature la dernière Cène, et plagie la Cène du Festin de Babette.

Ce film, véritable chef-d'oeuvre et accueilli comme tel partout en Francophonie et au delà, fait ressortir l'affaire du massacre de Tibhirine. Le Père Abbé Dom Armand de Veilleux, Père Abbé à l'Abbaye de Scourmont (Chimay-Belgique) qui suit cette affaire depuis le début (Il est un des derniers visiteurs des moines avant le massacre) relance encore et toujours les autorités pour enfin savoir la vérité. Sans ses demandes, par ailleurs, personne n'aurait jamais su que l'on n'ait jamais retrouvé les corps des moines, mais uniquement leur tête (Dom Armand a fait ouvrir les cercueils des moines pour s'assurer de la présence des corps).

Bande-annonce :
http://www.youtube.com/v/cPDXEdG4NyM

Ce film doit être à mon sens considéré comme historique. Le contexte de l'histoire est certes difficile, mais il fait néanmoins partie de l'Histoire.

C.D.

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Le bon historien ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier.
Bloch M.

Bonjour et heureuse année 2011

Je crois que la principale raison pour laquelle ce sujet n’est pas traité est indépendant de son intérêt historique mais tient aux limites chronologiques du forum.

Je ne l’ai pas vu dans la charte mais c’est indirectement indiqué dans la table d’index, le dernier chapitre est : Le temps de la Guerre Froide Le monde de 1945 à 1991.
(le salon géopolitique étant un cas particulier)

Le forum traite des événements ayant eu lieu jusqu’en 1991. L’événement dont vous parlez est daté de 1996.

Vous aurez quelques précisions ici :
http://www.passion-histoire.net/viewtopic.php?f=59&t=16637

Vous pouvez éventuellement vous le faire confirmer auprès d’un modérateur.

Bob

Il est vrai que je n'avais pas pensé à cela. Veuillez m'excuser si ce post est Hors Sujet sur le forum...

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Le bon historien ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier.
Bloch M.

Je ne vois en quoi vous seriez hors sujet puisque vous parlez d'un film, bien que le sujet de ce film soit juste un peu contemporain. Personnellement je l'ai trouvé très beau et très bien interprété, avec un petit bémol à Lambert Wilson juste un poil "too much" mais les autres sont tous remarquables. Le nombre de spectateurs plaide pour sa qualité car ce genre de film n'avait sans doute pas grand chose pour attirer les foules dans les salles obscures par les temps qui courent.

Tout à fait.

Tout d'abord surprenant. Les dialogues sont bien souvent facultatifs pour comprendre la situation. Des acteurs géniaux, mis à part comme vous le dites, Lambert Wilson qui non seulement est de temps en temps too much, mais je ne l'ai pas trouvé crédible du tout dans la peau d'un moine (Encore moins dans celle du Père Christian de Chergé !).

Mais encore une fois, ce film a réellement marqué 2010 pour moi. *****

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Bloch M.

Il est vrai que nous pouvons faire une petite exception à la règle.

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine

Je vous remercie pour cette exception. Je dois également avouer que situer cet évènements dans l'histoire, l'histoire proche, ou l'actualité est délicat. Bien que les évènements soient terminés et éloignés dans le temps, l'enquête est néanmoins (ré)ouverte, et elle fait donc l'actualité, via ce film, dont le sujet est bien historique, bref... C'est compliqué !

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Bloch M.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie

J'ai vu le film. Impeccable, bien ficelé, jeu d'acteurs remarquable. Cependant en agnostique convaincu, je me suis posé la question : que faisait là ce monastère dans un pays musulman depuis treize siècles ? Ce n'était pas dans un but de conversion et d'ailleurs je suis contre tous les prosélytismes, quels qu'ils soient. Mission d'assistance sociale ? Cela représente une goute d'eau dans l'Algérie actuelle. Wikipedia donne l'historique du monastère et j'ai découvert qu'il était le rejeton de la trappe de Staoueli où j'ai été cantonné dans mes jeunes années.

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" Je n'oublie pas le Colonel Arnaud Beltrame "

Difficile de comparer les trappistes de la fin du XXe s. à ceux des années 1850 ! Il est vrai que la Trappe de Staoueli a été fondée alors qu'on espérait un retour de l'Afrique du Nord au christianisme (l'évêque d'Alger déclare dans les années 1840 que l'islam est appelé à disparaître à l'échelle d'un demi siècle). D'après la thèse de Bernard Delpal, la trappe de Staoueli n'a fait qu'une seule conversion chez les musulmans, et celle-ci n'a été que temporaire. Elle devient de plus en plus une ferme modèle, une école agricole, avec l'idée surtout de christianiser... les pieds-noirs qui passent pour d'affreux sans Dieu(beaucoup de déportés suite aux journées de juin 1848 ou de décembre 1851).
Mais le catholicisme connaît un bouleversement considérable dans les années 1930-1960 : la présence des moines dans l'Algérie post-coloniale n'a plus du tout le même sens, et le film le montre bien : assistance aux populations locales essentiellement. Ce qui reste, c'est le côté ferme modèle. Il est vrai que Vatican II a reconnu non seulement les autres confession chrétiennes mais le mystère d'un accès à Dieu par les autres monothéismes.
Je sais que la congrégation des missions a demandé de ne plus convertir les musulmans à partir de la fin du XIXe s mais c'est très flou : quelqu'un pourrait-il complèter, confirmer ou infirmer ce que je viens de dire ?
Quant au film, il est vraiment réussi. Je ne pense pas que la cène/scène finale (à la limite du pathos) soit un décalque du Festin de Babeth mais plutôt un hommage à un cinéaste très religieux et tout à fait athée, Bunuel, avec l'orgie transfigurée en cène dans Los Olivadados (sur fond de Messe en Si de Bach si je me souviens bien). Mais entre Beauvois et Bunuel, il y a la distance entre le talent et le génie.
Hors charte donc je le dis très vite : le succès de ce film (austère, avec une forte présence du rituel catholique) pose la question du religieux dans ce monde "désenchanté" (au sens Weber - Gauchet). Probablement beaucoup de nostalgie pour une micro-société qui se veut parfaite, fondée sur des valeurs à rebours de celles qui mènent le monde (lenteur, collectivité et désintéressement).

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)

Je ne peux que vous conseiller ces quelques liens :

- Description de l'Abbaye sur le site même de l'OCSO (Ordre Cistercien de la Stricte Observance) : http://www.ocso.org/index.php?option=com_mtree&task=viewlink&link_id=2418&Itemid=53&lang=fr

- Présentation des moines et de l'abbaye ainsi que de leur mission par le Père Abbé de l'abbaye de Scourmont (Chimay-Belgique) : http://www.scourmont.be/Armand/writings/martyrs.htm

Quant au rôle et à la mission exacte de l'abbaye en ces lieux, je vais demander à Dom Armand pour avoir une réponse au plus exacte possible.

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Le bon historien ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier.
Bloch M.

Vous êtes sûr que ce n'est pas plutôt " Viridiana " D'ailleurs ce serait "Los Olvidados"

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" Je n'oublie pas le Colonel Arnaud Beltrame "

Faget, vous avez deux fois raisons, donc je bats ma coulpe !
L'ouvrage auquel je faisais référence est ma thèse de Bernard Delpal, Le Silence des moines, les trappistes au XIXe s : France, Algérie, Syrie. Je vais essayer de voir si ce professeur actuellement à la retraite a écrit un article sur le film car son regard serait vraiment précieux.

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)

Vous n'avez pas à vous étonner puisque ce film relate des événements qui se sont déroulés en dehors de la chronologie du forum (1993-1996) et que ,respectant pour ma part cette charte, j'ai ouvert un fil de discussion sur le forum "géopolitique" :

"Sujet du message: Des hommes et des dieuxPosté: Sam 18 Sep 2010 15:06


Membre PH


Inscription: Dim 7 Sep 2008 15:55
Messages: 403 Permettez moi d'ouvrir un débat sur le film de Xavier Beauvois, palme d'or à Cannes. L'action se déroule en 1996 (donc hors champ du forum PH) mais peut nous conduire à nous interroger sur l'islamisme et l'Algérie contemporaines.

Sur le strict plan cinématographique, je crois qu'on peut employer le mot de "chef d'oeuvre" : l'attention du spectateur est constamment soutenue malgré la lenteur du rythme monastique, les acteurs sont extraordinaires, les lumières et la musique remarquables, le scénario bien construit est parfaitement compréhensible, le réalisme est poignant, les symboles ne pèsent pas mais tombent justes (la "Cène" finale marquera les esprits j'en suis sûr) etc ... etc ...

Sur un plan plus sprituel, le film décrit une réalité complexe dans laquelle les hommes (moines et musulmans) sont déchirés et souvent apeurés. Il n'en reste pas moins que les moines ont profondément catholiques, assidus aux offices et emplis de foi - même s'il est vrai qu'ils ne déploient aucun effort actif pour chercher à convertir les Musulmans et se limitent à "témoigner" comme le Père de Foucauld. Ils restent des hommes sujets à la peur et aux hésitations.

Lesdits musulmans sont présentés de façon nuancée - mais avec peu de complaisance : le préfet ("wali") est un fonctionnaire obstiné et lâche (et francophobe). Les militaires sont odieux (et laids). Les villageois sont de braves gens mais ni courageux (ils n'envisagent pas une seconde de se battre pour se défendre par exemple) ni beaux (leur laideur est d'ailleurs spectaculaire - à l'exception d'une jeune fille, et encore son charme est bien limité). Ils sont donc plus à plaindre qu'à blâmer (leur laideur est peut-être liée à leur pauvreté et leurs maladies ?).

Tres curieuse est la présentation du chef des rebelles : seul Musulman beau et courageux - même si sa beauté barbue et violente est aux antipodes de la beauté sereine et chrétienne du prieur incarné par Lambert Wilson - il montre une aptitude au dialogue et au respect pour les moines que ne manifestent guère les autorités laiques... A ce demander si le réalisateur n'a pas voulu donner une image positive de ces hommes de foi en lutte contre un pouvoir corrompu ?

Le prieur est une personnalité forte : un vrai chef, soucieux de ses responsabilités non seulement vis-à-vis des hommes qui lui sont confiés (et qu'il ne veut pas pousser à la mort contre leur gré) mais aussi vis-à-vis de sa mission (témoigner de l'Amour du Christ au milieu des Algériens), il sait écouter - et sait aussi décider.

Pour ma part j'ai compris le message suivant: le radicalisme de la Foi catholique aboutit à l'abandon de soi jusqu'au risque du martyre - quand le radicalisme de l'Islam conduit à la violence et à la guerre. Même si le réalisateur n'est pas croyant, ce film est une apologie de la Foi catholique à place à égalité avec "Au revoir les enfants " de Louis Malle.

Cela dit d'autres pourraient y voir une défense plus laique de la non-violence et du dialogue et une condamnation tant de la dictature militaire que du fanatisme religieux. Mais cela semble difficile à soutenir car il est très nettement sous-entendu que les moines n'ont pas été tués par les intégristes.

A souligner l'antagonisme entre deux conceptions du mot martyr : le martyr chrétien meurt sans combattre par fidélité à sa foi - alors que le martyr musulman tombe en combattant les armes à la main."

On pourrait d'ailleurs observer que si Dieu prête longue vie à ce forum, ce que je souhaite, la question de ce qui est trop contemporain devrait être réévaluée de temps en temps. Tempus fugit et 1991 s'éloigne inexorablement.

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Alceste

Que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants... ne soient pas des signaux de haine et de persécution...

La prière de Voltaire, Traité sur la tolérance, Chapitre XXIII