Je viens de revoir le film. Il me fait penser à "Aguirre" de Herzog : un film d'épée qui est écrit de façon puissamment originale. En effet, Aigle, il se situe dans une province imaginaire. Mais, après tout, au théâtre, on admet très bien de voir "Macbeth" en costumes imaginaires XIXème siècle, pourquoi pas un peu de stylisation au cinéma ? L'écart avec la réalité historique n'est pas une extrêmisation, ni une recherche du pittoresque, ni l'effet de la désinvolture, mais une abstraction ou une épuration. Je ne vois pas du tout le "très bas niveau" des dialogues - on parle d'ailleurs très peu dans le film. Pratiquement pas de musique - on entend surtout les mouches. Deux moments avec de la musique du XVIème siècle : à la mort de la femme de K., puis à sa mort à lui. Une écriture elliptique, mais l'histoire est quand même facilement compréhensible. Trois femmes dont aucune n'est belle, mais, justement, elles n'en ont que plus de poids. Un film qui prend le temps qu'il faut pour chaque scène. Il fait constamment penser à la peinture, pour la splendeur visuelle. Par exemple, le pasteur qui tente de convaincre K. de renoncer : un clair-obscur à la Rembrandt, encore que la référence principale m'ait paru être le maniérisme. La chemise gris clair de K., on la regarde comme on regarde un tissu gris dans un tableau de Murillo ou de Cézanne. La princesse, admirable, son visage me rappelle celui de Jeanne d'Arc dans je ne sais plus quel tableau, certainement parce que je l'ai regardé comme on regarde les figures d'un tableau. Le sujet du film ? Peut-être : K. aime goûte la vie, et ne l'aime pas : contrairement à sa femme, à sa fille, il choisit la colère pour choisir la mort. C'est l'homme de l'irrémédiable, du non-contingent, de l'absolu. C'est à la condition humaine qu'au fond il en a. Sa révolte est, en même temps, puérile. Le choc de la Réforme a brisé ses cadres, sans qu'il ait su trouver un emploi à ses forces. Il tue au hasard, même s'il se rêve Justicier, puis Libérateur. Finalement, il rencontre le destin de tout homme : la mort. Mais la sienne est précoce, largement volontaire, et lucide. K. sur l'échafaud, ce sont tous les hommes, promis à la mort. Mais pour des hommes comme lui, la vie est un divertissement, et il ne s'est pas laissé divertir.
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