Karolvs a écrit :
Qui l'a allégué ? ... Bourgogne aurait décliné la proposition.
Rebecca West a écrit :
En effet "qui a allégué" ?
Connait-on la source qui avance le refus de Philippe II "le Bon" ?
Désolé, je ne sais plus où j'ai lu cela.
Il y avait aussi une histoire de pension qu'Henry V aurait promise à Philippe le Bon en échange de sa reconnaissance du droit à la couronne, et dont Philippe réclama le paiement à Bedford (qui rechigna, si je me souviens bien).
Karolvs a écrit :
... seulement illégitime "moralement", par suite de la félonie du pont de Montereau. La chose était "réparable", et elle recevra de facto un commencement de réparation à la trêve du 16 août 1429.
Rebecca West a écrit :
Comment une trêve peut annuler/effacer l'assassinat d'un duc ? N'était-ce pas à la justice du moment d'en décider ?
La justice du moment, c'est une vision/lecture un peu actuelle de la " procédure criminelle ".
Quelle justice du moment, c'est-à-dire quel juge ou collège de juges, neutres et reconnus par les deux partis, pouvait juger le puissant Jean sans Peur ? Il a fait "légaliser" par l'Université et par la vox populi parisienne l'assassinat de Louis d'Orléans comme un régicide.
Même genre de question pour l'assassinat de Montereau : quel tribunal reconnu par les deux partis aurait pu juger ça ?
Rebecca West a écrit :
Philippe "le Bon" pouvait estimer seul ce qui compensait la faute (assassinat de son père) ?
Oui, si on regarde toute l'affaire à travers la logique (juridique) de la faide (privatisation de la justice), et en l'absence d'instance judiciaire au sens moderne du terme (cf supra : quel juge…?).
En 1429, Philippe ayant abondamment demandé raison par les armes (et comment ! : toute une guerre civile, depuis 10 ans) il peut à présent estimer, sans faillir à l'honneur, qu'on arrive à la phase où il pourrait lui être possible d'accepter un compromis. D'où les échanges diplomatiques et la trêve dont nous avons parlé précédemment.
En 1435, il peut conclure : les concessions de Charles VII peuvent être acceptées sans forfaire à l'honneur en regard des usages féodaux : Charles reconnaît la responsabilité des siens dans le meurtre de Jean sans Peur, cède plusieurs villes à Philippe, le dispense de prêter l'hommage vassalique au roi de France du vivant de Charles….etc. C'est le traité d'Arras.
Il est évident que l'application du " code de la chevalerie " est grandement facilitée par les nécessités terre à terre, urgentes, d'un côté comme de l'autre, de mettre un terme à la guerre civile qui ne règle rien et qui coûte si cher à tout le monde.
Rebecca West a écrit :
Comment se fait-il qu'il en ait été autrement pour Louis d'Orléans (la question a été discutée/disputée).
En a-t-il vraiment été autrement ?
Certes, au départ, sur le papier, il y avait encore un juge reconnu légitime par tous, et non impliqué, qui aurait pu " arbitrer " : le roi Charles VI. Il était a priori innocent, sacré (je crois qu'il a d'ailleurs tenté une médiation en réunissant les deux parties à Chartres), mais il était fol ; ce qui nous ramène à la même question : quel juge accepté par tous ? L'Université ? Jean sans Peur avait fait "légaliser" l'assassinat par l'Université et le peuple de Paris.
Rebecca West a écrit :
(la question a été discutée/disputée).
Vous voulez dire : discutée sur le forum ?
Karolvs a écrit :
Ne pas insulter l'avenir : s'il fallait devenir régent, il eût mieux valu devenir régent du Valois en France que du Lancastre en France...
Rebecca West a écrit :
Pourquoi ? Ne serait-ce pas une vision/lecture actuelle et française des événements ?
En France, le duc de Bourgogne n'avait pas à espérer une quelconque régence : Charles était en âge de gouverner et il avait un fils à lui succéder. Il aurait fallu une suite énorme de fâcheux hasards pour une régence en place et un Bourgogne admis à cette régence. Les leçons avaient dû être tirées -au niveau des princes- d'un Jean "sans Peur" aux manettes.
Certes, pas de perspective de régence immédiate après le sacre de Charles VII.
Ce que je voulais dire, c'est que si Philippe de Bourgogne avait accepté une régence sur le jeune roi anglais en France, il aurait pris le risque de se griller définitivement auprès du Valois qui venait de rencontrer quelques beaux succès, donc au moment où l'avenir de l'Anglois de ce côté-ci du Channel devenait hasardeux.
Je corrige donc ma phrase : Ne pas insulter l'avenir : il valait mieux ménager la possibilité de revenir un jour au premier rang chez un cousin Valois en France, que devenir régent du Lancastre en France...
Rebecca West a écrit :
Bien que né Valois, Bourgogne -de part le statut de son duché et autres possessions- ne semblait pas avoir été trop taraudé par la fibre familiale. Par ailleurs, désormais, il est autant implanté familialement, au sein des princes anglais tout en ayant su garder un équilibre d'unions avec la France.
Ayant deux petites "fibres familiales" qu'il peut faire vibrer, laquelle doit-il privilégier au moment dont nous parlons (l'époque johannique et post johannique) ? Celle qui le lie aux Lancastres qui sont en train de " prendre cher " et de s'éloigner, ou celle qui pourrait replacer Bourgogne (si ce n'est Philippe, peut-être son fils qu'il veut téméraire…) au premier rang qui était autrefois à son père et à son grand-père au sein du conseil royal. Le Conseil du Roi de France qui revient à la vie ; lieu de tous les possibles (décuplés si les hasards et les nécessités offrent un jour l'opportunité d'une régence, par exemple).
Karolvs a écrit :
Par conséquent, gardons nous d'accepter quelque régence que ce soit ; surtout qu'on peut espérer mieux qu'une régence, qui est par définition quelque chose de temporaire.
Rebecca West a écrit :
J'entends bien mais hormis obtenir être prince-référent sur le royaume de France pour un Lancastre, Bourgogne n'avait rien espérer côté France sinon rentrer dans le rang des princes de sang français, être un parmi les autres et pas forcément le mieux loti car le dernier arrivé. D'où peut-être une option naissante vers le Saint Empire, ce qui montre aussi que la France n'est pas le but final de la politique bourguignonne, tout au plus un pivot et un recours si rien de mieux n'aboutit.
D'accord.
Rebecca West a écrit :
Pourquoi, soudainement le duc de Bourgogne négocie plus ou moins voire s'accommode d'ouvertures a minima afin de s'orienter vers une paix après avoir été très présent lors du traité de Troyes ?
Est-ce une fatigue palpable de ses sujets ? La crainte de nouveaux problèmes dans ses possessions septentrionales ? Une révision de choix économiques anglais (plutôt abonder la Bretagne que les PBB en laine ou autre) ?
Tout ça à la fois ? Avec en plus le fait que toute cette affaire, depuis tant d'années, lui coûte quand même un tantinet ?
Et comme le traité de Troyes, où il a été très présent, devient obsolète avec la consolidation de l'événement " sacre de Charles VII ", autant devenir très présent là où "ça va le faire" à partir de maintenant ?...
Karolvs a écrit :
Paris était prêt à se rendre à condition que fût au duc Bourguignon, mais Bedford n'y a pas consenti...
Rebecca West a écrit :
Est-ce là que Bourgogne comprend que, désormais, l'Anglais sûr de son fait prend du recul avec l'allié d'hier ? Ce qui aurait amené Philippe à reconsidérer -et soudain se souvenir de sa naissance- sa place au sein d'une cour ?
N'est-ce pas plutôt Bedford qui a compris ? Il ne pouvait pas ne pas être informé que Bourgogne avait un fer au feu chez Charles. Bedford a mesuré le risque qu'il prendrait s'il confiait Paris à un tel personnage. Quant à Bourgogne, c'est à ce moment qu'il peut comprendre (s'il l'ignorait) que Bedford n'était pas idiot au point de lui donner la garde d'une place de l'importance de Paris.
Karolvs a écrit :
Pour Philippe, peut-être qu'il vaudrait mieux que Bedford s'en retourne s'occuper de ses affaires d'outre-Manche (ou à la rigueur de Normandie), ainsi, Bourgogne pourrait mieux labourer son sillon continental, entre françois. Cré nom ! Entre Valois, on est encore capable de se f.... sur la gu... tout seuls comme des grands sans que les mangeurs de pudding viennent y mettre leur sauce à la menthe !...
Rebecca West a écrit :
Vous présentez la chose étonnement :-) cependant, à la tête d'un tel duché, j'imagine que l'on ne plaisante pas avec la politique ni dans le choix des alliances. On ne se réveille pas un matin avec la fibre Valois qui se rappelle à vous : il a fallu un intérêt qui tienne la route et des propositions.
Quelles furent les propositions françaises et à quel moment et pourquoi ce changement chez Philippe "le Bon" ? A moins qu'un désintérêt anglais palpable n'ait obligé le bourguignon à revoir ses alliances.
Je ne pense pas que Philippe le Bon se soit "réveillé un matin avec la fibre Valois qui se rappelle à lui". Je pense qu'il est un bon analyste, un bon observateur de la situation. Or, la situation en 1435 n'est plus celle de 1428, et encore moins que celle de 1419.
Les propositions françaises ? Je ne les connais pas, mais on sait comment elles se sont traduites concrètement dans le traité d'Arras : plutôt pas mauvaises pour Bourgogne, non ?
Rebecca West a écrit :
Vous évoquez un recadrage anglais concernant Bedford : qui ? Un personnage du conseil de Régence ? Certains Grands ?
Aïe !!!! C'est plus intense que le feu roulant des katiouchas poutiniennes, votre questionnement… :-)
De mémoire, c'est devant le parlement de Londres qu'il a dû se justifier, en 1432 je crois
Rebecca West a écrit :
En quel sens Bedford aurait-il été recadré : est-ce le début du désintérêt anglais pour la France et la difficulté -vu les échecs- d'obtenir des prébendes ?
Je n'en sais rien, si ce n'est qu'il a été confirmé dans sa fonction.
Rebecca West a écrit :
Est-ce déjà au sein de la Cour anglaise quelque(s) prince(s) ambitieux déçus eux aussi des choix d'Henry V voire carrément muselés par Henry V (l'homme n'était pas un tendre) et cherchant à se placer auprès d'un Henry VI mineur donc estimé influençable ?
Il semblerait qu'Henry V n'ait pas été très clairvoyant dans le choix des hommes pour le tutorat de son fils.
Qu'en pensez-vous ?
Karolvs a écrit :
La paix des Valois aurait été signée en septembre 1435 même si Bedford n'était pas décédé.
Rebecca West a écrit :
Qu'est-ce qui vous amène à cette conclusion ?
Simplement le fait que je ne vois pas comment Bedford aurait pu empêcher Charles VII et Philippe de Bourgogne de faire la paix en 1435, et je ne vois pas pourquoi Philippe le Bon se serait gêné.
Rebecca West a écrit :
Et/ou quelles sont les propositions faites à Bourgogne afin qu'il efface -et ceci obérera les ambitions de son fils- tout envie d'alliance(s) avec l'Anglais ?
Ou encore : quel profit Bourgogne peut-il espérer de la poursuite d'une alliance avec l'Anglais qui ne contrôle plus que la Normandie (pour combien de temps) et un peu la Guyenne (idem) ? Et ceci alors que le Valois est en train de se requinquer joliment ?
Rebecca West a écrit :
N'est-ce pas plutôt le constat que l'Anglais semble songer que bon ou mauvais, le sort de la France henricienne se jouera sans la Bourgogne tout simplement parce-que les désirs ne suivent plus et la balance budgétaire ne souhaite plus abonder un puits sans fond alors que déjà des remous intérieurs se font sentir ?
Euh… des remous intérieurs... où ça ? Suis un peu perdu, là…
Rebecca West a écrit :
Une régence est toujours propice à problèmes
Les problèmes, on les résout éventuellement en les faisant assassiner, quand on n'a pas peur (voyez par exemple Jean sans peur...).
Rebecca West a écrit :
voyez combien, lors de la minorité de Richard II, les ambitions d'un Jean de Gand étaient craintes au point qu'il fut shunté
" Shunté ", qu'il a été ? Kezako ?
Rebecca West a écrit :
Il est étonnant qu'un roi tel Henry V n'ait pas songé à s'attacher la Bourgogne. Tellement étonnant que ceci peut être ressenti comme un début d'éloignement d'un allié devenu peut-être un peu moins sûr
Peut-être qu'il y a songé, mais que le Bourguignon n'était pas assez fiable pour garantir un retour à hauteur de l'investissement (quid si le quidam avançais quelque excuse capilotractée pour s'abstenir au moment où on aurait besoin de lui dans quelque campagne décisive. C'est du déjà vu, non ?
Et Jeanne d'Arc dans tout ça ? Pour le moment, le Bourguignon ne l'a pas encore capturée, je crois ?