Kersaudy, biographe se Sir Winston, a apprécié le film quant à lui. Voici sa critique dans le Point avec au passage un tacle vis-à-vis du critique du Monde qui devaot dormir durant les cours d'histoire de sa jeunesse.
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Voilà un film – Les Heures sombres – que les lecteurs du Monde ont été encouragés à ne pas voir : ils ont pu lire dans leur journal que Churchill a « précipité le cataclysme dans lequel son pays fut plongé en 1940 par sa complaisance à l'égard du camp franquiste pendant la guerre d'Espagne » (sic) et que « quelques jours après le début de l'offensive nazie en France, le Premier ministre Neville Chamberlain est contraint à la démission » (resic). Lorsque l'assurance idéologique et la carence historique ruissellent jusque dans la rubrique cinématographique, c'est le lecteur qui est noyé… Bref, un film qui suscite des critiques de ce calibre peut-il être entièrement mauvais ? On se souvient de ce conseil d'un cinéphile averti nommé Joseph Staline : « Dovieriaï, a provieriaï ! » – « Fais confiance, mais vérifie ! »
Ce qui frappe dès l'abord, ce sont les acteurs : si Gary Oldman déguisé en Churchill est moins ressemblant que Brian Cox dans le récent navet de Jonathan Teplitzky, il le fait très vite oublier, tant sa prestation est extraordinaire ; par ailleurs, on reconnaît aisément Clementine Churchill, Neville Chamberlain, Clement Attlee et le général Ismay, un peu plus difficilement Lord Halifax, et l'on constate avec intérêt que George VI n'est plus le rugbyman bodybuildé du Discours d'un roi. Les dialogues sont le plus souvent authentiques, même si l'on retrouve concentrées en trois semaines les réparties churchilliennes de quatre décennies. L'ambiance dans les salons feutrés de Westminster et les tunnels crépusculaires des Cabinet War Rooms est remarquablement rendue, et les effets de lumière comme les mouvements aériens de la caméra ne peuvent que susciter l'admiration.
Un biopic n'est pas un documentaire
Bien sûr, le spectateur se rend bien compte du fait qu'un biopic n'est pas un documentaire et que le cinéma à grand spectacle a ses exigences que l'histoire ne connaît pas. Après tout, peu importe si, en réalité, la secrétaire de Churchill, Miss Layton, n'a été engagée qu'en 1941, et si la cabine téléphonique spéciale pour appeler le président Roosevelt n'a été installée qu'en 1943. (En 1940, les deux hommes ne correspondaient que par télégrammes chiffrés). Mais, s'il veut se rapprocher des faits historiques, le spectateur doit également savoir que Churchill ne hurlait pas au Parlement, et Clement Attlee – que Churchill présentait comme « un mouton déguisé en mouton » – moins encore ! Il lui faut également admettre que le complot de Chamberlain, de Halifax et du roi pour renverser Churchill est purement imaginaire, que le discours défaitiste dicté, puis déchiré, l'est tout autant, et que le Premier ministre de Sa Majesté n'est jamais descendu dans le métro pour se livrer à des exercices de démocratie participative. Enfin, il doit se rendre compte du fait que, durant ces vingt-cinq jours séparant son accession au pouvoir de la fin de l'évacuation de Dunkerque, Churchill n'a passé qu'une infime fraction de son temps à préparer des discours et à stimuler quelques ministres réticents ; le reste de son emploi du temps durant cette période – et surtout durant le mois qui a suivi – pourrait faire l'objet d'un film plus passionnant encore.
Mais l'essentiel n'en reste pas moins que l'on sort de ce film à grand spectacle du réalisateur Joe Wright avec l'impression d'avoir suivi un récit haletant, tout en ayant côtoyé l'Histoire… et l'un de ses plus fabuleux acteurs.
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