J'étais un peu sceptique avant d'aller voir ce film et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce que je pensais (bêtement, alors que le cinéma ne fait qu'en parler à mots couverts depuis 2001) que s'était trop tôt.
Ensuite parce que je craignais un peu l'héroïsation des passagers du Vol 93 et les excès de lacrimoserie. Ensuite parce que revivre tout cela...
Et finalement, Vol 93, ce n'est rien de tout ce que je viens d'évoquer. Il n'arrive pas trop tôt, mais pile au bon moment, alors que les années ont passé et que nous avons encore le souvenir vif des évènements. Parce que 5 ans c'est aussi assez long pour que les mémoires aient peu à peu gommé tout ce qui avait fait de cette journée du 11 septembre 2001 un traumatisme. Et parce que comme tous les traumatismes, nous l'avons petit à petit refoulé.
Ensuite, jamais le réalisateur, Paul Greengrass, ne succombe à la tentation de faire des passagers des héros. Interprétés par des acteurs inconnus, ils sont tout le monde et animés non pas par une quelconque fibre patriotique mais par un instinct de survie et de préservation (quand ils comprennent qu'ils sont embarqués dans une mission suicide et que les deux tours ont déjà été touchées, la seule et unique question est "que faire du temps qu'il nous reste?").
Jamais le film ne force l'émotion. Elle est brutale, mais ne sombre jamais dans le larmoyant, même lorsque les passagers vont appeler leurs familles une dernière fois avec les téléphones de bord. Tout ici est brut, sans fioritures, tel que les choses ont très bien pu se passer, y compris dans les têtes des terroristes.
Le réalisateur expose les faits, camera au poing, ce qui renforce l'impression de réalisme, et permet au spectateur de mieux comprendre ce qui s'est passé ce jour là. L'incompréhension des équipes au sol, qui ne peuvent pas réaliser que le point vert symbolisant le premier avion détourné sur leur radar, lorsqu'il disparait de l'écran, vient en fait de s'écraser dans une des deux tours. La mauvaise coordination entre l'aviation civile et l'armée, toutes deux dépassées par l'ampleur de l'opération...
La force de ce film vient du fait qu'à aucun moment, il ne cherche à véhiculer un message quelconque. Il n'est là que pour exposer les faits, pour remettre en mémoire les évènements, comme une piqure de rappel, ou une psychanalyse ramenant à la surface des choses que l'on a préféré oublier.
Si il est très dur émotionellement de revivre cette journée, cela n'en demeure pas loin une douleur nécessaire, parce qu'elle participe au devoir de mémoire, pour se souvenir pourquoi le monde est ce qu'il est depuis 5 ans.
On sort de la projection ébranlé, lessivé, mais avec le sentiment que ce film était indispensable.
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