Isidore a écrit :
Dites nous, un raisonnement, une problématique, un truc sérieux quoi...
Après tout, chiche!
Ma thèse se limite à quelques phrases:
aucune religion au monde autre que les religions abrahamiques (à ma connaissance) n'a développé la notion d'un dieu jaloux de l'adoration exclusive des hommes, un dieu qui demande aux hommes de tuer les dieux des autres. Cet ordre de brûler les idoles n'est pas un détail, mais parcourt tout l'AT, les épitres de Paul, le Coran. Quant aux Evangiles, ils se réfèrent de façon récurrente au principe d'accomplissement de l'AT, Jésus pardonne mais ne tolère pas d'autre vérité que la sienne. Cet ordre divin d'imposer le dieu ou la vérité unique confère aux monothéistes une motivation de violence inconnue dans les autres religions, celle d'éradiquer les dieux des autres pour les remplacer par "le seul vrai dieu", la vraie religion, la vraie philosophie
Les deux principales critiques:
1. cette thèse serait essentialiste, dans le mesure où elle ne tiendrait pas compte de la diversité des religions, des époques, des contextes
2. elle ne serait pas historique, dans la mesure où tout acte de violence résulte d'un faisceau inextricable de motivations, dans un contexte soci-historique propre. Un théologien comme W Cavanaugh (Isidore: plus sérieux que Stark celui-là?) va ainsi jusqu'à prétendre que le concept même de violence religieuse est illusoire, car une telle violence cache en fait toujours une violence politique
Et pourtant
1. l'anathème contre les idolâtres, l'extirpation de l'idolâtrie sont des thèmes récurrents dans toute l'histoire chrétienne et musulmane (le cas du judaïsme mérite un traitement à part). Un exemple parmi d'autres: encore au XIXème siècle le cardinal Lavigerie exhortait les Pères Blancs "à faire connaître la nouvelle religion en détruisant systématiquement les pratiques du paganisme ." Le destructions de temples d'un Saint Martin,d'un Saint François Xavier, des musulmans en Inde aux XI et XVII siècles sont de bons exemples.
2. s'il est vrai que toute violence résulte d'un faisceau de motivations, tout juge d'instruction trouve néanmoins justifié de chercher à savoir si l'une des motivations a été déterminante ou si elle n'est qu'un élémént accessoire du contexte. Ainsi dans les guerres d'indépendance (Irlande, Sri Lanka, etc), la religion n'est qu'un marqueur identitaire mais le prosélytisme n'est pas le principal enjeu. En revanche la destruction des objets de culte par les missionnaires qui ont suivi, en toute bonne conscience) les ordres de Lavigerie et de tant d'autres, est me semble-t-il à l'évidence une violence religieuse monothéiste.«As soon as I arrived in any heathen village, when all are baptized, I order all the temples of their false gods to be destroyed and all the idols to be broken to pieces. I can give you no idea of the joy I feel in seeing this done»Letter to the Society at Rome, Francis, from Cochin, January 27th, 1545., disponible sur <
http://www.ewtn.com/library/MARY/XAVIER2.htm>
Si je m'intéresse particulièrement aux relations entre science et religion, c'est parce que:
- l'opposition récurrente de l'Eglise à la science, ou encore le créationnisme chez les protestants américains, est une forme de violence (certes une violence contre la liberté de pensée qui n'est que rarement allée jusqu'au bûcher) dans laquelle la motivation religieuse est manifeste : une sorte de cas d'école chimiquement pur
- une telle opposition ne se rencontre (hors médecine) que dans les terres de culture monothéiste (abrahamique)
Isidore a écrit :
Quant à lire de de Benoist, la vie est suffisamment courte pour lui préférer d'autres lectures
Je n'ai lu d'AdB que ses textes sur la religion, que j'ai tous trouvés remarquables. En particulier ses 2 bouquins
Comment être païen et
Jésus et ses frères ont été reconnus par mes deux théologiens d'une très grande érudition, solide argumentation, qualité d'écriture. Je m'interroge sur le fait que les rares auteurs qui écrivent sur ce registre (AdB, Louis Rougier) sont d'un bord politique...qui n'a pas ma préférence! La Shoah nous a-t-elle fait entrer dans une ère de criminalisation de toute critique du monothéisme ?