Pierma a écrit :
Il serait intéressant de comprendre comment cette maladie a pu rester endémique au Congo belge pendant 20 ans, et pourquoi justement elle ne s'est pas répandue plus tôt.
Pour reprendre ce qu'a dit Narduccio (sa référence n'est plus accessible), c'est une question à laquelle le médecin canadien
Jacques Pépin a répondu dans son ouvrage
The Origins of AIDS, Cambridge University Press, 2011. Les ouvrages plus récents le confirment (David Quamman,
The Chimp and the River, 2015), et article paru dans Science cette année, cité cet été dans
Science et Avenir:
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/sida-ou-quand-et-comment-la-pandemie-mondiale-est-elle-nee_27923Théories réfutéesAvant cela, les théories sur un "patient zéro" dans les années 80 ont fait florès, aux dépends d'un certain Gaetan Dugas, stewart de son état, accusé d'être à l'origine de la pandémie. Cette théorie a été réfutée (
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/s ... dre_107784). La théorie sur le vaccin de la polio, celle de Edward Hooper (
The River, 1999), a été nuancée par les travaux ultérieurs, notamment ceux de Pépin.
Naissance officielleLe virus a une histoire naturelle beaucoup plus longue que sa « naissance officielle ». En juin 1981, la revue cientifique Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR), liée au CDC (Center for Diseases Control) mettait en lumière les cas de cinq jeunes hommes californiens d’orientation homosexuelle, ayant souffert tous d’une forme grave de pneumonie, dont le facteur infectieux demeurait alors inconnu. Il fallut attendre 1983 pour que les professeurs français
Françoise Barré-Sinoussi et
Luc Montagnier isolent le Virus de l’immuno-déficience humaine à l’origine du Syndrome de l’immuno-déficience acquise, ou VIH/SIDA.
Chimpanzés d'Afrique centraleJacques Pépin, du Centre hospitalier de l’Université de Sherbrooke (CHUS), a retracé l'expansion du virus depuis une sous-espèce de chimpanzés vivant exclusivement en Afrique centrale, les
Pan Troglodytes troglodytes.
Ces singes ne peuvent nager, donc la zone géographique de leur territoire est limitée. On connait de façon sûre les zones qu’a occupées et qu’occupe toujours ce primate (les noms sont de la période coloniale) : Cameroun Français, Gabon, Moyen-Congo, Oubangui-Chari, Guinée espagnole, l’enclave Cabinda de l’Angola et la toute petite portion du Congo Belge se situant au nord de la rivière Congo.
«
Depuis au moins quelques centaines d’années, ce singe est porteur du Virus de l’immuno-déficience simiesque, SIVcpz, lequel est génétiquement identique au VIH-1 ». 6 % des P.t. troglodytes étaient porteurs du SIVcpz, situés en Afrique Centrale (Cameroun et Congo). Il est possible qu'il y ait eut contamination à l'homme pendant les décennies ou siècles prédédents, mais si tel est le cas, le virus a atteint un "cul-de-sac épidémiologique" et ne s'est pas propagé, s'éteignant avec son porteur
19211921 est l'année – le Dr Pépin admet une marge d’erreur de plus ou moins 10 ans – où se serait produite l’infection initiale – vraisemblablement survenue lorsqu’un chasseur de chimpanzé aura été contaminé, de sang à sang, par sa proie.
Premier facteur: l'arrivée des fusils. Les chimpanzés sont intelligents et difficiles à chasser sans fusil. L'arme à feu a facilité cette chasse, et donc la contamination probable d'un ou plusieurs chasseurs par des bêtes blessées.
Une fois le virus transmis à l'homme à l'époque de la colonisation et des chemins de fer, la pandémie est en marche, qui va s'accélérer avec la globalisation. Deux facteurs ont permis la première expansion du virus entre les humains. la première véritable chaîne de transmission du virus est d'
origine iatrogénique, c’est-à-dire le fait de médecins, d’infirmières et autre personnes soignantes, en place sur le sol africain.
Campagnes de vaccinationA partir des années 1920 ont lieu en Afrique des campagnes massives de lutte contre certaines maladies tropicales – campagnes contre la malaria au Cameroun, contre le pian et la maladie du sommeil (trypanosomiase) en République Centrafrique, par les
équipes mobiles préconisées par Eugene Jamot. Les médicaments étaient administrés par voie intraveineuse pour accentuer leurs effets. A l'époque, on ré-utilise les mêmes aiguilles et les mêmes seringues d’un patient à un autre, après un simple rinçage, sans stérilisation (pas d'autoclaves sans électricité). . Ces campagnes ont été suivies par des épidémies de cas d’hépatite C, transmis via les aiguilles contaminées.
Prostitution« Jusqu’aux Indépendances, raconte encore Pépin la pratique de la prostitution en Afrique était celle de « femmes libres » (ainsi les appelaient-on) qui avaient quatre ou cinq clients, souvent les mêmes, ce qui ne favorisait pas une dissémination à grande échelle du VIH-1. » Mais cela c’était avant que le développement intense des exploitations coloniales dans les années 1930, 1940 et 1950, marqué par une forte urbanisation, construisant notamment des voies ferrées qui viennent grossir des villes comme Léopoldville au Congo Belge, devenue après l’indépendance, Kinshasa, épicentre reconnu aujourd’hui de la pandémie.
Cette urbanisation, qui d’abord draine surtout des travailleurs masculins dans les capitales, inscrit rapidement un important déséquilibre hommes/femmes dans les villes; cela favorisera une intensification de la prostitution, avec plusieurs centaines de clients annuellement par prostituée.
Globalisation par Haiti et les "Tontons Macoutes"La politique coloniale Belge n'avait pas créé de classe prête à prendre le relais après l'indépendance, ni favorisé la formation d'instituteurs. En 1960, le Congo indépendant commença à faire venir de nombreux instituteurs
d'Haiti, dont plusieurs sont repartis avec le HIV-1 vers l'hémisphère occidental. A partir de Haiti, le virus se serait propagé avec le tourisme sexuel, ainsi qu'à cause d'une compagnie:
“Hemo-Caribbean”, qui préparait et commercialisait du plasma pour les pays occidentaux, à partir de sang prélevé sur les populations les plus pauvres d'Haiti, alors probablement contaminées. Cette compagnie était dirigée par Luckner Cambronne, de sinistre réputation, le chef des
Tonton Macoutes (la police secrète de "Papa Doc" Duvalier). Cambronne y gagna le surnom de "Vampire des Caraïbes", et ce scandale dit du "sang noir" aurait contribué à l'expansion du virus en Amérique du Nord.
La pratique de mélanger ensemble, sciemment ou on, les pools de sang contaminé et sain, puis de distribuer ces produits, parfois en connaissance de cause, sera à l'origine d'autres affaires de
sang contaminé. De nombreux patients transfusés ont ainsi contracté le virus dans de nombreux pays. Une affaire criminelle en France dans les années 1980 fut un scandale d'Etat.
Nous arrivons au début des années 80, et deux comportements rendent certaines populations plus vulnérables à la contraction du virus par voir sanguine ou sexuelle: toxicomanie et fréquence du changement de partenaire sexuel. La pandémie est alors connue et s'accélère.
http://www.hinnovic.org/le-cote-histori ... ie-1-de-2/https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_sang_contaminé
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/s ... -nee_27923https://www.sciencesetavenir.fr/sante/s ... dre_107784https://fr.wikipedia.org/wiki/Luckner_C ... andale_du_«_sang_noir_»_et_disgrâce
http://canyonwalkerconnections.com/aids ... -haiti-us/