Ces faux débats sur la civilisation, ses limites et ses origines menés par certains me fatiguent. Surtout quant on voit la teneur des messages de lespagnol, en fait. N'y voyez aucun mal, mais je ne pense pas que votre façon de mener la conversation convienne, ni que vous ayez une attitude véritablement ouverte, attentive, rigoureuse. Voyez-vous, il existe une chose entre faire de l'Histoire et alimenter ses certitudes. Or, ici, c'est la seconde option que vous privilégiez. Vous posez un postulat, bien que sous forme de questionnement, et vous tentez ensuite de le solidifier avec des apports extérieurs ou avec des interventions personnelles d'une forme parfois douteuse. Il se trouve que
grosso modo, c'est exactement à l'inverse que se déroule la chose. On rassemble des connaissances sur un sujet précis, on cherche des avis, contraires ou non, afin de dégager une vue d'ensemble de la situation, pour ensuite pouvoir effectivement créer et cibler des hypothèses.
Parce qu'actuellement, à part votre faible argument, presque darwiniste, qui argue d'une hiérarchisation des sociétés selon leur aptitude à survivre, vous n'avez pas grand chose (et encore moins sur l'Afrique). Dans le processus que je vous ai exposé plus haut, il vous aurait fallu d'abord lire quelques ouvrages de référence sur la question (à savoir l'histoire africaine), puis une fois que votre boîte à neurone avait pu calmement s'échauffer, venir effectivement vous intéresser à des pistes complémentaires, ou au moins signifier de manière élaborée ce qui faisait que pour vous, l'Afrique est un continent homogène dans son an-historicité, ce qui faisait que vous pouviez vous permettre de définir certains peuples comme primitifs ou non.
Sur ce point, il s'avère que ce n'est que dans un sens légèrement annexe, tertiaire et moins usité qu'on ne définit une culture comme primitive quand elle ne connait pas l'usage de l'écriture ; mais, et c'est là qu'est la nuance, il faut encore que cette civilisation ne connaisse pas non plus de forme de culture ou d'élevage. Or il me semble bien que c'était le cas des Gaulois jusqu'à une grande majorité des Africains du "Moyen-Âge", en passant par les touaregs et les civilisations précolombiennes. Alors ? Tout avancement de l'homme dans sa mesure n'est jamais que technologique : c'est le seul qui, de manière partiale, mesure les différences des sociétés, sans tenir compte du mieux ou du moins bien. Tout simplement parce qu'il est absolument honteux de tenir fermement à qualifier certaines cultures, certains peuples par rapport à d'autres, sur un ensemble de critères tous plus variables et relatifs que les autres. En ce sens, pourquoi n'avez vous pas encore abordé les Indiens d'Amérique du Nord ? Ces primitifs qui respectaient et vénéraient la Nature, avaient développé un système social original (au même titre que tout autre groupe humain), une culture mythologique identifiable et possédant un fond commun mince, mais pertinent avec un grand nombre d'autres cosmologies surnaturelles ? Ces mêmes primitifs qui vivaient d'une tradition orale, et ce depuis des siècles (sinon des millénaires) ?
Vous savez, sans vous accuser d'effectuer une quelconque apologie de l'esclavage, de l'asservissement ou de la colonisation européenne, vos propos ne m'en choquent pas moins. En somme, si certaines civilisations disparaissent, c'est dû à une certaine linéarité de l'Histoire qui n'accepte pas les lambins sur le chemin du progrès et de l'intensification technologique de la société (le langage, à mon sens, est une technologie par exemple) ; quand cette linéarité de l'Histoire est représentée par un autre peuple, plus bardé d'acier que le précédent, plus civilisé et "référencé historiquement", vous opinez du chef et vous contentez de classer la culture éradiquée dans la catégorie des "trop faibles" ?
Et vous arrivez à être amateur d'art primitif africain en toute bonne conscience ? Mais, à ce point-là, ne pensez vous pas finalement qu'on pourra un jour justifier l'ensemble des politiques complètement démentes qui ont été perpétrées -et continuent de l'être- à l'encontre de nombre de peuplades aussi intéressantes dans leur adaptation à leur écosystème, leur évolution physiologique et psychologique que les Inuïts, ces mêmes Papous, ces mêmes Indiens d'Amérique ? Vous m'excuserez si j'ai mis à côté, mais quand on pense avoir correctement compris votre lecture des choses, on se trouve porté à une certaine sidération