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Pierre de L'Estoile |
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Inscription : 11 Juin 2007 20:48 Message(s) : 2289
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Je suis d'accord pour dire qu'il s'agit surtout d'une belle histoire, cependant: - l'échouage n'a rien d'accidentel, il a été provoqué, il s'agissait du navire d'élite d'Hannibal le Rhodien qui narguait les Romains depuis un bail. - je n'ai pas dis qu'ils ont découvert la marine, mais que leurs flottes détruites ont été reconstruites sur ce modèle. La supériorité navale romaine tient plus à mes yeux au poids de sa flotte, essentiellement des quinquérèmes capables de porter un important contingent de fantassins, qu'à son corbeau qui ne sera plus tellement utilisé et qui n'a pas empêcher les Carthaginois, une fois l'effet de surprise passé, d'infliger de lourdes défaites navales aux Romains (souvent camouflées en "tempêtes" d'ailleurs...) ; alors que la flotte punique est beaucoup plus variée, et globalement plus légère, où les quinquérèmes sont minoritaires à coté des quadrirèmes, trirèmes, birèmes et même pentécontères. D'ailleurs le corbeau n'est justement adapté qu'aux grosses quinquérèmes. Mais Polybe simplifie la composition des deux flottes et ses calculs théoriques sur la composition des équipages ne tiennent pas la route. J'avais abordé le sujet ici. Polybe, I.46-47 : l'action se passe en 250 C'est alors qu'un certain Hannibal, dit le Rhodien, homme assez notable, se fit fort d'entrer par mer à Lilybée, de reconnaître de visu la situation de la ville et de rapporter des nouvelles. On accepta ses offres avec plaisir, tout en doutant de le voir réussir, car la flotte romaine occupait l'entrée des passes. Il équipe son propre navire et va aborder dans un des îlots qui sont situés au large de Lilybée ; puis, le lendemain, il profite d'un vent favorable et entre dans le port vers la quatrième heure du jour, en passant sous le nez des Romains, tout ébahis d'une pareille audace. Dès le jour suivant, il se dispose à repartir. Pour mieux garder le passage, le consul fait appareiller pendant la nuit dix de ses meilleurs vaisseaux, et lui-même se tient près du rivage, avec toute son armée, pour observer les mouvements de l'ennemi. Les dix navires désignés prennent place des deux côtés de la passe, s'avancent le plus près possible des bancs de vase et attendent, les rames levées, prêts à fondre, pour s'en emparer, sur le premier bâtiment qui ferait mine de sortir. Le Rhodien met à la voile sans se cacher, brave les Romains grâce à son aplomb et à la légèreté de sa course, et sans que son bateau ni ses hommes éprouvent le moindre dommage, passe au travers de l'escadre ennemie avant qu'elle ait pu bouger ; non content de cet exploit, il s'arrête à peu de distance et fait lever les rames, comme pour provoquer l'adversaire; puis, comme personne ne se souciait de poursuivre un navire aussi rapide, il prend le large, narguant ainsi, avec un seul bâtiment, toute la flotte romaine. Par cette manœuvre, qu'il répéta souvent dans la suite, il rendait grand service à la fois aux gens de Carthage, à qui il communiquait les nouvelles urgentes, et aux assiégés, dont il relevait le courage; quant aux Romains, cette témérité les déconcertait. [47] La hardiesse du Rhodien venait surtout de ce qu'il connaissait parfaitement la route à suivre au milieu des bas-fonds. Il commençait par dépasser le goulet; puis il cinglait, comme s'il fût venu d'Italie, la proue dirigée vers la tour la plus voisine de la mer, de façon que cette tour lui cachât la vue de toutes celles qui se trouvent au sud de la ville ; c'est le seul passage par où l'on puisse aborder avec un bon vent, sans manquer l'entrée du port. Son audace eut de nombreux imitateurs parmi ceux qui avaient l'expérience de ces lieux. Les Romains, que cela gênait fort, essayèrent d'obstruer le passage; mais ils n'arrivaient pas à grand-chose : l'eau était trop profonde, et de plus, rien de ce qu'ils jetaient ne restait en place, parce que la violence des flots et du courant entraînait et dispersait tous les matériaux avant même qu'ils eussent atteint le fond. Ce fut seulement sur un point où se trouvaient des bas-fonds qu'ils parvinrent, à grand-peine, à élever une jetée. Un vaisseau à quatre rangs de rameurs vint s'y heurter dans une course de nuit et tomba au pouvoir des Romains ; comme la construction en était particulièrement soignée, ses nouveaux maîtres y embarquèrent un équipage d'élite et s'en servirent pour surveiller les mouvements des bâtiments ennemis, surtout ceux du Rhodien. Il entra par hasard pendant la nuit et ressortit en plein jour; il vit le vaisseau en question lever l'ancre en même temps que lui, le reconnut et, pris de frayeur, essaya de le devancer à force de rames ; mais, près d'être atteint par un adversaire supérieurement armé, il fut obligé de faire face et d'engager le combat. Écrasé par le nombre et par la valeur exceptionnelle des soldats qui lui étaient opposés, il tomba entre leurs mains. Les Romains, en possession de ce bâtiment magnifique, en parachevèrent l'équipement, et personne désormais n'osa plus tenter de forcer le blocus de Lilybée.Suit le récit de la grave défaite romaine de Drépane, due selon Polybe essentiellement aux qualités des navires puniques. Puis la nouvelle flotte rassemblée à la hâte est détruite par une énième "tempête" (sic). Après ces deux désastres, Rome n'a plus de flotte digne de ce nom, et les Carthaginois s'offrent même des raids sur les côtes italiennes en compagnie d'Hamilcar Barca. Il faut attendre 243 seulement pour qu'ils tentent un dernier effort naval, qui sera payant. Polybe I.59 : Ce fut surtout à leur énergie qu'ils durent leur succès : le trésor public était trop pauvre pour subvenir aux dépenses d'une pareille entreprise, mais le dévouement et la générosité des grands personnages y suppléa. Chaque citoyen équipait un navire à cinq rangs, si sa fortune le lui permettait ; sinon, ils se mettaient à deux ou trois pour en faire les frais, sous cette seule condition qu'en cas de victoire leurs avances leur seraient restituées. On eut ainsi bientôt deux cents bâtiments de ce type, construits sur le modèle de celui du Rhodien. On mit à leur tête le nouveau consul C. Lutatius, qui prit la mer au début de l'été.S'ensuit la bataille des îles Aegates dont le mérite est attribué cette fois aux qualités manœuvrières de cette nouvelle flotte.
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