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La traite intra africaine
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Auteur :  Harpa [ 17 Juin 2015 16:36 ]
Sujet du message :  Re: La traite intra africaine

Bonjour à tous,

Je n'ai aucune connaissances historiques approfondies sur la question de l'évolution et des formes de l'esclavage à travers les ages. Mais, le sujet m'intéresse. Intuitivement, j'ai tendance à penser que la condition d'esclave n'a probablement pas été la même en tous temps, en tous lieux. J'ai même des difficultés à imaginer un système juridique qui, tolérant parfaitement l'esclavagisme, n'ai pas eu besoin d'établir différentes catégories d'esclaves. Je comprend parfaitement que le devenir d'un esclave dépende, quoi qu'il arrive, à toute époque, de sa valeur commerciale ou purement "mobilière". Mais, peut-on exclure totalement d'autres facteurs, d'autres critères ? Tout commerce est réglementé, toute propriété est administré selon des règles très précises, qui varient et qui ont variées de l'antiquité jusqu'à nos jours, selon d’innombrables facteurs locaux ou temporels. Je vois mal pourquoi l'esclavagisme "bénéficie" d'un tel statut dans vos commentaires.

Un simple exemple suffira à illustrer mon propos : certains modèles esclavagistes semblaient tolérer, plus ou moins ponctuellement, de manière plus ou moins rigide, qu'un esclave puisse juridiquement se trouver affranchi de sa condition, et même parfois devenir un "homme libre" à part entière. D'autres système esclavagistes semblaient parfaitement réfractaires à toute possibilité d'émancipation, même individuelle, de l'esclave. Je peine également à croire qu'un ancien ennemi, militaire et vaincu soit traité de la même façon que le fils de paysans, esclave de générations en générations pour le souverain local. Est-on certains que l'esclavage est un régime juridique aussi unitaire que certains semblent l'affirmer ? L'appartenance ethnique, religieuse, familiale, ou géographique n'ont pas été des facteurs parfois déterminant pour régir le statut des esclaves ?

Petite précision : je ne légitime aucunement un système esclavagiste plutôt qu'un autre à travers ma question, et je ne veux pas faire penser qu'il existe une hiérarchie, plus ou moins naturelle ou religieuse, au sein des esclavagistes. Et, que des esclaves bénéficient de conditions matérielles d'existence parfois supérieures à certains hommes libres n'est en rien une justification à l'asservissement d'un être humain par un autre, j'en conviens également.

Auteur :  Soumaworo [ 26 Juin 2015 1:49 ]
Sujet du message :  Re: La traite intra africaine

Les esclaves domestiques peuvent en effet faire penser aux captifs de case mais le concept est différent : le captif de case malgré son nom peut tout à fait travailler aux champs. Le de case renvoie à sa proximité avec son maître (il est sensé faire parti de sa famille, au moins symboliquement) plutôt qu’a une activité. Il me semble que les esclaves domestiques n’étaient pas très nombreux en Méditerranée, alors qu’en Afrique de l’ouest tous les enfants de captif de traite deviennent des captifs de case.

Le message de Harpa résume ce que je pense. En quelque sorte il n’y a pas un mais plusieurs systèmes esclavagistes, différent selon les sociétés qui le pratiquent. L’esclave ne se résume pas juste à avoir la propriété d’une personne.
Et forcément certains systèmes esclavagistes seront moins durs que d’autres (au moins pour un partie des esclavesà, le remarquer ce n'est pas défendre l'esclavage.
Les auteurs coloniaux que j’ai cité ne glorifient pas l’esclavage, ils remarquent juste un fait : le système esclavagiste pratiqué en Afrique l’ouest connait une certaine modération. Je me rappelle d’un documentaire ou un ancien des prisons de Franco ou de Mussolini disait que le régime qu’il a combattu était moins dur que l’Allemagne nazi. Si on applique votre logique sur l'esclavage ce type serait considéré comme fasciste ou légitimant le fascisme parce que le fait d’établir une hiérarchie des dictateurs revient à justifier leurs œuvres. Ce n'est pas le cas. Oui on peut comparer des systèmes horribles et ne pas se sentir obliger de les noircir complément. Oui on peut remarquer les qualités de certains. Tout ne devient pas égal sous prétexte qu'on a dépassé une certaine limite morale.


Il est vrais qu'on peut aussi supposer des raisons techniques à la modération de cet esclavage.
Je me rappelle avoir lu dans le livre de Jean-Pierre Chrétien l’Afrique des grands lacs une remarque que j’avais trouvée particulièrement intéressante. Les royaumes de l’Afrique des grands lacs (comme beaucoup d’états Bantous) représentent le paradoxe d’avoir eu une société à la fois très complexe, avec notamment une aristocratie bien développée, hiérarchisée et comprenant quelques dizaines de rangs et titres différents, et en même temps très rustique.
Les Européens, face à cette complexité et cette surenchère aristocratique, ont voulus voir dans le fonctionnement de ces états un système féodal avec une exploitation particulièrement rude des paysans. Ils oubliaient qu’ils faisaient face à des sociétés très primitives sur le plan technique, en conséquence de quoi la vie du souverain ne s’y différenciait pas matériellement de la vie de ses sujets. Le seul bénéfice matériel que possédait le roi était l’accumulation de vivres, limitée par le climat tropical et l’inexistence de moyens de conservations. L’on comprend alors aisément que même le plus vorace des souverains n’ait pas eu besoin d’exploiter beaucoup ses sujets.

En Afrique de l’ouest l’on peut trouver aussi bien de petites tribus isolées, que des confédérations villageoises, des petits royaumes et des empires. Le tout parfois cote à cote, ce que j’ai toujours trouvé assez fascinant. Les sociétés les plus avancées de la région ont développées des villes, un artisanat parfois florissant, firent du commerce avec l’orient et l’occident et eurent des élites alphabétisées lorsqu’elles étaient islamisées. En général tout cela provoque l’étonnement et la curiosité des occidentaux qui ont une image beaucoup plus rustique de l’Afrique. C’est la surprise d’un Mungo Park découvrant la ville de Ségou. Mais il ne faut pas oublier que même les sociétés les plus avancées de la région, malgré toute la complexité qu’elles ont put développées, restent assez frustes comparées aux standards Européens ou moyen-oriental : elles ne connaissent pas la roue, ont peu de produits de luxes et la majorité de ceux-ci sont importés, même s’il existe un système monétaire (les cauris) les échanges se font principalement au moyen du troc, l’impôt qui apparaît tardivement se paye généralement en nature.
Même les plus grand souverains ouest-africains, si l’on excepte les vêtements et armes de luxe ainsi que les chevaux, alcools Européens et bien sur la quantité de nourriture, ont une vie matériellement assez proche de celle de leurs sujets. Lorsqu’ils ont des palais, et je dis bien lorsqu’ils ont des palais car certains habitent dans des maisons se différenciant à peine voir pas du tout de celles de leurs sujets, ceux-ci sont des bâtisses aussi impressionnantes que vides ayant pour seul élément de décoration quelques tapis. Pas besoin de préciser que la situation est la même pour le reste des élites (aristocrates, chefs religieux et grands marchands).
Une fois ceci en tête l’on se rend compte qu’une surexploitation de l’homme comme on a pu la voir en Amérique n’a pas forcément un grand intérêt dans ces régions.


Malgré tout je pense que l’idéologie, le culturel, joue aussi un rôle dans le système des captifs de case. Même si l’exploitation des esclaves y représente un intérêt moins fort les sociétés soudanaises auraient pus accepter que le maître puisse se défouler sur son esclave, lui fasse subir des mauvais traitements. Hors ce n’est pas le cas.
L’analyse type Marxiste, se concentrant sur l’aspect matériel et économique des événements historiques est très intéressante et met en avant des phénomènes qu’on ne voit pas forcément du premier coup d’oeil mais elle oublie parfois que l’idéologie, les croyances, sont un des moteurs essentiels de l’homme.
Il me semble qu’en Amérique le système esclavagiste a pu devenir particulièrement inhumain non seulement parce qu’il y avait un intérêt économique mais aussi du fait que les esclaves soient issues d’une autre religion et d’une autre race. Ils devaient être pour les Européens de l’époque un genre d’étrangers ultime, faciles à déshumaniser.

Auteur :  Kurnos [ 26 Juin 2015 19:49 ]
Sujet du message :  Re: La traite intra africaine

Soumaworo a écrit :
Il me semble qu’en Amérique le système esclavagiste a pu devenir particulièrement inhumain non seulement parce qu’il y avait un intérêt économique mais aussi du fait que les esclaves soient issues d’une autre religion et d’une autre race. Ils devaient être pour les Européens de l’époque un genre d’étrangers ultime, faciles à déshumaniser.

Oui, mais ce contexte n’est pas spécifique à l’Amérique.
On retrouve dans le monde d’autres lieux ou les esclaves sont issus d’une autre religion et d’une autre race que les maîtres qui affichent ostensiblement leur supériorité, à ce titre les esclaves subissent le même traitement inhumain, partout ou les maîtres revendiquent une supériorité.
Il n’y a pas de bons ou de mauvais maîtres de droit divin en fonction d’une confession. Les maîtres plus ou moins gentils ou méchants ça n'existe pas.
Le complexe de supériorité a les mêmes effets partout dans le monde, surtout si ce complexe est d'ordre religieux.

Auteur :  marredesmotsdepasse [ 10 Août 2015 18:17 ]
Sujet du message :  Re: La traite intra africaine

Après avoir lu le livre [modéré] au contenu approximatif, idéologique d'autant plus dangereux qu'il s'adresse à des enfants, de madame Taubira, "l'esclavage raconté à ma fille", je me suis dit que c'était peut être moi qui était complètement désinformé. Donc je me documente, et là, horreur, j'écoute l'excellente conférence du quai branly, disponible sur leur site, de monsieur E.M. Bokolo qui a deux reprise nie qu'il y ait eu des réseaux d'esclavage par les autochtones au congo notamment. Je connais la traitre arabo musulmane, mais il me semblait que de façon traditionnelle il y avait aussi un esclavage traditionnel qui existait en Afrique : je sais que c'est un sujet sensible, je veux juste mettre mes informations à jour en vous demandant quels livres fiables, selon vous, lire à ce propos, depuis l'écoute du travail de Monsieur Bokolo, je doute.
Par exemple pour le Cameroun que je connais bien on explique l'existence des 309 dialectes répértoriés sur le territoire justement parce que pour éviter l'esclavage, les tribus vivaient repliées sur elles mêmes pour ne pas tomber sur des tribus ennemies qui pouvait avoir recours à ces pratiques.

La question est donc la suivante : faut-il admettre que les occidentaux ont le monopole du crime contre l'humanité, et qu'il existe un seul peuple exempte de toute noirceur, ou bien faut il accepter que de tout temps il a fallut dans tous les peuples avoir recours à l'esclavage pour des raisons économiques. Voilà. Merci.

Donc : quels livres sont ils à conseiller sur ce sujet ? (et si vous avez le temps de récupérer cette conférence, elle vaut le coup : http://www.quaibranly.fr/fr/programmati ... nivpop_pi1[id_fiche]=224 le minilien marche pas !

Auteur :  Jean R [ 11 Août 2015 11:42 ]
Sujet du message :  Re: La traite intra africaine

marredesmotsdepasse a écrit :
Donc je me documente, et là, horreur, j'écoute l'excellente conférence du quai branly, disponible sur leur site, de monsieur E.M. Bokolo qui a deux reprise nie qu'il y ait eu des réseaux d'esclavage par les autochtones au congo notamment.
Il y a une volonté, chez les intellectuels africains, de minimiser ou édulcorer l'esclavage traditionnel africain. Ils s'opposent, c'est compréhensible, à la tendance à sinon excuser du moins relativiser les traites transatlantique et transsaharienne du fait qu'il y avait déjà une traite autochtone. Voir par exemple Tidiane Ndiaye (http://bouquinsblog.blog4ever.com/le-genocide-voile-tidiane-n-diaye). Après, qui est le plus ou le moins objectif...
Kurnos a écrit :
Il n’y a pas de bons ou de mauvais maîtres de droit divin en fonction d’une confession. Les maîtres plus ou moins gentils ou méchants ça n'existe pas.
8-| Pardon, esclavage pour esclavage, je préfère conserver mon service trois pièces. Tant qu'à faire, si ce n'est pas abuser, je préfère qu'on me laisse le choix de mon conjoint (garanti par le Code Noir, pourtant impitoyable à bien d'autres égards http://bouquinsblog.blog4ever.com/code-noir-louis-XIV).

Et il est bien évident que le sort des esclaves domestiques dépend énormément de la personnalité des maitres. L'emblématique Oncle Tom, personnage de roman mais inspiré de récits réels (Harriet Beecher Stowe s'était documentée en participant à un réseau d'aide aux esclaves fugitifs), passe ainsi d'un extrême à un autre (http://bouquinsblog.blog4ever.com/la-case-de-l-oncle-tom-harriet-beecher-stowe).

Auteur :  marredesmotsdepasse [ 12 Août 2015 0:41 ]
Sujet du message :  Re: La traite intra africaine

merci de cet éclairage !

Auteur :  Caesar Scipio [ 12 Août 2015 15:58 ]
Sujet du message :  Re: La traite intra africaine

Jean R a écrit :
marredesmotsdepasse a écrit :
Donc je me documente, et là, horreur, j'écoute l'excellente conférence du quai branly, disponible sur leur site, de monsieur E.M. Bokolo qui a deux reprise nie qu'il y ait eu des réseaux d'esclavage par les autochtones au congo notamment.
Il y a une volonté, chez les intellectuels africains, de minimiser ou édulcorer l'esclavage traditionnel africain. Ils s'opposent, c'est compréhensible, à la tendance à sinon excuser du moins relativiser les traites transatlantique et transsaharienne du fait qu'il y avait déjà une traite autochtone. Voir par exemple Tidiane Ndiaye (http://bouquinsblog.blog4ever.com/le-genocide-voile-tidiane-n-diaye). Après, qui est le plus ou le moins objectif...


Cela peut être volontaire ou contraint. Volontaire parce que la culpabilisation exclusive de l'ancien colonisateur est une arme politico-diplomatique. Contrainte parce qu'il y a aussi la crainte d'être celui qui brise avec insistance le tabou, et que, comme le chantait Guy Béart: " le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté."

Expérience personnelle. Vous êtes dans un cénacle international (des gens de tous les continents, dont vous faites connaissance et que vous fréquentez régulièrement pendant des mois), souvent des diplomates, provenant vraiment des 5 continents et notamment des pays africains.
L'atmosphère est très conviviale. Un certain nombre est invité à faire une présentation sur la situation actuelle de son pays.
Et comme souvent, dans ce genre d'exercice dit de "bench-marking" et autres "peer-reviews", c'est pipeau à tout-va. On vous décrit des villages Potemkine. Souvent, les gens choisissent d'ecouter poliment en attendant que ça se finisse.
Mais quand les relations sont suffisamment cordiales et détendues et qu'on pose poliment et de manière suffisamment enrobée la question qui vous ramène à la réalité moins idyllique, on sort de la langue de bois et on parvient à avoir un échange plus intéressant. Et quand c'est fini, en aparté, l'intervenant vous remercie, tout simplement parce que c'est un jeu de rôle et que lui ne pouvait pas se permettre de mettre sur la table les aspects que vous avez soulevés.

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