Ce que l'on a appelé le Putsch des généraux, qu'elles ont été les causes de l'échec de ce coup d'état militaire ?

Bonjour,

l'échec est essentiellement lié au fait que l'armée n'a pas suivie les quatre généraux putschistes. Peu de régiments en Algérie accompagne le putsch. Ils finissent d'ailleurs par se rendre une semaine plus tard, voyant que la situation n'allant pas en leur faveur, auprès de leurs collègues militaires fidèles en majorité à De Gaulle. Le putsch fut mal préparé dans l'ensemble, durant l'année 1960 des rumeurs circulaient quant à une probable menace de coup d'Etat.

Ce putsch était voué à l'échec. Les putschistes avaient pour seul objectif d'arrêter le processus d'indépendance de l'Algérie. Or le principe de l'autodétermination venait d'être approuvé par référendum à 75% : le peuple français avait décidé d'en finir. Pour interrompre le processus d'indépendance, il leur aurait fallu prendre le pouvoir à Paris. Or les partisans résolus de l'Algérie française avaient très peu d'assise politique en métropole. Une junte militaire n'aurait pu gouverner avec une population très majoritairement attachée à la démocratie parlementaire. Les administrations civiles n'auraient pas suivi. Le parti communiste et la CGT auraient organisé une résistance efficace appuyée par les autres syndicats. C'eût été immédiatement la grève générale. Le pays aurait été paralysé.

Outre le légalisme et la fidélité envers de Gaulle de la plupart des cadres de l'armée, cela explique pourquoi, sauf quelques unités d'élite stationnées dans la région d'Alger, l'armée est restée loyale.

Les très nombreux militaires "appelés" n'avaient pas du tout envie de poursuivre l'expérience de la guerre tant ils se rendaient compte du gouffre entre les deux civilisations. Donc pas question de mourir pour l'Algérie, que ce soit d'une manière ou d'une autre.
(Sources : mon père, mon beau père)

_________________
« L'honneur défend des actes que la loi tolère. »
Sénèque

Pour les putschistes, ça ne marche pas fort... Alors que des colonels qui ont promis de se joindre à eux se montrent soudain hésitants (Challes dira :"Je ne savais pas qu'il y avait autant de salauds dans l'armée française") voilà que De Gaulle prononce à la radio et à la télé un discours d'anthologie :

- Il est en uniforme de général, pour rappeler que le chef des armées c'est lui, et les putschistes reçoivent leur paquet : "un quarteron de généraux en retraite ! "

- L'appel à tout militaire de n'obéir à aucun ordre de ces généraux, même sous des prétextes opérationnels - les putschistes essaient de déplacer certaines unités qui leur sont hostiles en prétextant des attaques du FLN.

Et pour finir ce "Français, françaises, aidez-moi !" qui aura un retentissement important.

Pour le contingent - les appelés - l'injonction de désobéir aux putschistes ne tombe pas dans l'oreille de sourds. Quelques mois auparavant, le ministre des armées avait fait distribuer des transistors à toutes les unités, et les comploteurs n'avaient pas vu l'enjeu : le problème pour eux, c'est qu'on capte très bien RMC (Monaco) en Algérie, et tous les appelés ont entendu le discours.

Du coup le contingent - qui en a marre de la guerre - jette du sable à pleine poignée. Certaines unités se mutinent, mettent sous clé leurs officiers dissidents, et partout où ils le peuvent ils bloquent les transmissions - le standard est le plus souvent tenu par des appelés. A Alger, au gouvernement général, devenu l'état major des putchistes, qui ont pris la ville, il faut une heure pour obtenir une communication vers une unité qu'on veut convaincre de suivre le putsch. (les appelés du central téléphonique font la grève du zèle et retardent les communications sous tous les prétextes.)

Les généraux et colonels dissidents se rendent compte après ce discours qu'ils ne pourront plus convaincre personne de les rejoindre - les officiers généraux multiplient leurs protestations de fidélité à De Gaulle, c'est leur carrière qui est en jeu - et qu'ils n'ont pas rallié assez d'unités à leur cause. Ils vont se rendre le lendemain ou le surlendemain, je ne sais plus.

Un certain nombre vont décider de passer à la clandestinité et rejoindre l'OAS, ce qui signe le début de la tragédie à venir. Challes et Zeller se rendent - on a joué, on a perdu... - mais Salan et Jouhaud passent à l'OAS et causeront des centaines d'assassinats, y compris d'officiers qui se sont opposés au putsch. L'un et l'autre, après leur arrestation, manqueront de peu d'être fusillés. (Jouhaud passe deux mois dans "le couloir de la mort", parce que De Gaulle rechigne à lui accorder sa grâce. Dur métier que celui de militaire rebelle !)

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)

à relire d'urgence la déclaration préliminaire d'Hélie de St Marc à son procès.
Le putsch, c'est aussi l'écoeurement des cadres de terrain !

_________________
… il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer…

Une petite vidéo où on peut entendre le discours du général : environ a 1 minute 20

_________________
«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.

Je conseille la lecture du Journal d'un Prisonnier (général André ZELLER) rédigé dans sa cellule.
Livre paru en 2014 chez Taillandier et excellent style de rédaction (bref post sur bibliothèque histoire récente de ce forum)

_________________
… il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer…