Kursk, plus grande bataille de chars de l'Histoire ? Attention aux idées reçues
Ainsi, le combat de Prokhorovka du 12 juillet 1943, soi-disant un affrontement monstrueux de 2 300 chars dans un mouchoir de poche, ne mettra en réalité au prise que... une centaine de blindés allemands de la "Leibstandarte SS Adolf Hitler" et 500 blindés soviétiques de la 5e Armée blindée de la Garde soviétique. En effet, si d'autres unités blindées sont engagées dans le secteur mais dans des affrontements séparés, déconnectés les uns des autres (la "Totenkopf" dans sa tête-de-pont au nord de la Psel, la "Das Reich" au sud de la voie ferrée Bielgorod-Oboïan), de toute manière même en les additionnant on n'arriverait que péniblement à 1 200 chars (soit deux fois moins que communément admis).
Quant aux pertes allemandes, soi-disant de 700 chars sur la journée et celle du 13, elles ne dépassent pas les 80 chars (de toute manière, le 12 juillet, le II. SS-Panzerkorps en aligne péniblement 250 au maximum).
Des recherches récentes (celles de George Nipe Jr notamment, s'appuyant sur les travaux très fouillés entre autres de David Glantz) montrent que "Zitadelle" a été montée en épingle par la propagande soviétique, tant dans ses effets directs que dans ses proportions. Le fait que les combats sur le Front de l'Est aient été si longtemps méconnus a rendu nécessaire aux historiens de créer un point d'ancrage chronologique relativement artificiel au milieu de l'été 1943. Il serait bien plus pertinent d'analyser la séquence sous l'angle soviétique (c'est-à-dire inséré dans une chronologie longue qui va du 5 juillet 1943 au 23 août suivant et comprend une phase défensive, l'offensive allemande "Zitadelle", et une phase offensive, une double opération sur Orel au nord et Bielgorod au sud) ou bien en relativisant l'ampleur de l'échec allemand (qui ne met en rien en péril la stabilité du front, seules les offensives soviétiques qui suivent ayant eu un tel effet).
Loïc Bonal