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J'ai ouïe dire qu'à cette époque, toutes les fonctions logistiques étaient "privativées" (d'après un historien du service historique des armées) mais j'aimerais trouvé plus d'infos sur ce point.
Effectivement, c’est ce qu’on nomme le système de l’entreprise, qui échappe en grande partie au roi et à son administration.
En France, on n’a pas appliqué ce système né en Italie au XVème siècle, la « condotta » (d’où le terme de « condottiere »), qui consistait à privatiser quasiment le service armé, en confiant le soin à un chef d’armée la responsabilité de lever des troupes, des les équiper et de les commander, en leur assignant le revenu d’un impôt.
Cependant le roi s’adressait pour le commandement de ses troupes à des « entrepreneurs », les colonels, munis de commissions royales qui nommaient eux-mêmes (sur commissions en blanc fournies par le roi) des sous-traitants, les capitaines.
L’inconvénient saute aux yeux : les colonels, gestionnaires et propriétaires de l’instrument militaire, étaient tentés de le ménager ou de détourner les sommes destinées à l’entretien que leur remettait les trésoriers de l’ordinaire ou de l’extraordinaire des guerres (sur la différence entre les deux, c’est un autre problème ; s’il vous intéresse, je développerai). D’ailleurs, les colonels ne vivaient avec leur régiment qu’en campagne, le reste du temps, ils étaient chez eux ou à la Cour (beaucoup sont d’importants personnages), et ils laissent alors le commandement à des « colonels-lieutenants.
Il existait quand même des « contrôleurs des guerres » (ceux-ci propriétaires de leur charge et donc plus ou moins compétents avec le temps) et des « commissaires des guerres » pour surveiller tout ce petit monde, avec le renfort en 1627 des « trésoriers des camps et armées ».
Les commissaires des guerres sont au contact direct des soldats : ils font prêter le serment après le recrutement, ils sont lesinterlocuteurs des échevins lors du logement des troupes, ce sont eux qui passent les revues (« montres », voir plus bas)
Richelieu a aussi créé des intendants d’armée nommés pour le temps d’une campagne.
Ce sont eux qui lèvent les contributions sur les populations en pays occupé, font préparer les étapes pour les troupes en marche, en passant les marchés avec les munitionnaires, fournisseurs de pain, viande, boissons, fourrage, paille, ou, dans les places fortes, gèrent les magasins de vivres et de munitions.
Tous ces administrateurs étaient des civils, qui manquaient d’autorité face aux militaires, et leur collusion avec les capitaines était fréquente : comme l’argent nécessaire était toujours en retard ou insuffisant, les effectifs réels étaient toujours inférieurs aux effectifs théoriques, et pour le masquer, on utilisait des « passe-volants », c’est-à-dire des soldats empruntés à d’autres unités le temps de la « montre », sorte d’inspection périodique des effectifs.
Une intéressante ordonnance de 1660 définit comment devaient être entretenues les troupes : le roi accorde
« douze mois de subsistance par an » qui couvre
« le pain, la solde et l’ustensile », mais l’ustensile est payé (en nature ou en argent) par les populations soumises au logement des gens de guerre :
« fourniture d’un lit garni de linceuls (draps), pot, verre, écuelle, place au feu et à la chandelle ».
Il n’existe de casernes que dans les places fortes, et encore : on en prévoit dans les nouvelles (à Longwy, par exemple, près de laquelle j’habite, construite ex nihilo à partir de 1679), mais les anciennes en sont souvent dépourvues. Et de toutes façons, les cavaliers et leurs montures sont toujours dispersés dans les campagnes environnantes pour se procurer la paille et le fourrage.
En campagne, le roi fournit les rations de pain, viande et boisson, et en échange, la solde est réduite. Le système des étapes avait été mis en place sous François Ier, Le Tellier l’amende en 1665 : l’intendant de province est le responsable principal, lève les fonds nécessaires en répartissant la charge entre les différents lieux de sa circonscription ; assisté de l’intendant d’armée, il traite avec les entrepreneurs ou les échevins, et les vivres sont emmagasinés jusqu’à l’arrivée de la troupe
En 1666, on décide en outre que les capitaines retiendront un sou sur la solde pour réparer ses habits ou pourvoir à ses besoins vestimentaires. En fait l’Etat est incapable d’assurer cet entretien des uniformes, donc là aussi, il se reposait sur les capitaines et intendants d’armée qui traitaient directement avec les entrepreneurs et les villes.
Sources utilisées :
Histoire militaire de la France, A. Corvisier (dir.), Tome II (P. Contamine) PUF, 1992
Louvois, A. Corvisier, Fayard, 1983
La France de Louis XIV, SEDES, 1979