Bonjour,
Oui, effectivement, l'aspect européen de l'armée napoléonienne n'est pas à négliger, mais il mérite quand même des précisions qui ont leur importance.
Il y a eu tout d'abord la période révolutionnaire (1792-1800). Les troupes d'ancien régime y participent. Cependant, elles se composent déjà d'une majorité de français puisque, sous Louis XVI, quatre-vingt-neuf pour cent des soldats d'ancien régime sont français, le reste étant étranger. N'oublions par ce que nous dit l'auteur Alain Pigeard : sur un siècle, de 1700 à 1789, un million sept cent mille français et trois cent mille étrangers ont servi les rois de France. La révolution verra donc ces vétérans combattre, mais épaulés par plusieurs centaines de milliers de volontaires, célibataires ou voeufs, levés dans les départements.
Ensuite c'est l'Empire et, militairement parlant, il se partage bel et bien en plusieurs périodes.
La première période va de l'année 1805 à 1808. A cette époque, Napoléon peut compter sur deux armées : celle de l'Empire français et ceux des états vassaux alliés. Sur le papier, Napoléon 1er pourrait engager ses états alliés, mais il ne le fait pas. Il va surtout engager les troupes de l'Empire français, c'est-à-dire d'un état réunissant la France actuelle, ainsi que des départements français comprenant la Belgique, la Rhénanie et certaines régions italiennes. Selon l'auteur russe Oleg Sokolov, dans cette période, quatre-vingt-six pour cent des soldats de l'armée de l'Empire français sont des hommes issus de la France actuelle, alors que quatorze pour cent d'entre eux sont donc issus des nouveaux départements. En cela, les victoires d'Austerlitz, d'Iéna ou de Friedland méritent incontestablement le statut de victoire française, car la grande majorité des soldats engagés au feu sont des français de la vieille France (pour moitié même des vétérans des guerres de la révolution).
La seconde période va de l'année 1809 à 1814. Là ça devient plus compliqué. Etant acculé à lutter sur deux fronts, Napoléon ne va alors pas hésiter à engager, en campagne et parfois lors des combats, des troupes issus des états vassaux alliés, en l'occurrence principalement les polonais, les allemands et les italiens du royaume d'Italie (à ne pas confondre avec les italiens des départements de l'Empire français). Pourtant, à Wagram, les troupes des états vassaux alliés ne vont pratiquement pas combattre. Les wurtembergeois ne seront pas présents, les bavarois seront engagés en soutien derrière les troupes de Macdonald, les saxons se feront tirer dessus et n'occuperont qu'une place discrète le lendemain de leur débandade. L'armée d'Italie était présente et fut engagée au feu, mais elle comprenait six divisions de l'Empire français et deux du royaume d'Italie. Elle n'était donc pas autant italienne que cela et le fameux carré de Macdonald se composait de quatre des six divisions de l'Empire français. Finalement, le reste des troupes engagées seront celles de Masséna, de Davout et d'Oudinot, des corps comprenant une majorité de soldats issus de l'Empire français. En conclusion, à Wagram, la bataille est remportée en majorité par des troupes issues de l'Empire français. Il faut toutefois préciser une chose, Oleg Sokolov nous dit que, dans les contingents de l'Empire français, le nombre d'hommes issus de la France actuelle était descendu à soixante-seize pour cent. Pour moi, cette bataille reste donc une victoire française. Cela dit, je ne viens pas imposer une idée, je constate tout simplement, on a tout-à-fait le droit de ne pas être d'accord. En contrepartie, Sokolov nous explique que les contingents des états vassaux alliés seront souvent engagés au feu en Espagne et, selon les rapports des généraux, les soldats italiens, polonais et allemands se comporteront de belle manière. Suchet, par exemple, dit du bien des italiens. Le célèbre historien russe évoque aussi l'engagement décisif de certains alliés à la bataille de Moscou (la Moskova ou Borodino). La fin de l'histoire sera finalement marquée par de nombreuses trahisons et l'armée de l'Empire français se retrouvera presque seule à combattre pendant la fameuse campagne de 1814 (même s'il ne faut pas oublier les polonais et les belges restés fidèles, sans oublier également l'armée d'Eugène en Italie).
Un constat est là, l'armée de l'Empire français accumulera, pendant dix ans, une perte de neuf cent milles soldats. C'est déjà démontrer l'apport impressionnant au feu de cette armée. Mais sur neuf cent milles de ces hommes, huit cent milles seront issus de la France actuelle.
_________________ Bien qu’on ait du cœur à l’ouvrage, l’Art est long et le Temps est court.
Charles Baudelaire
|