Bonjour à tous
En effet la machine bien huilée (où disons mieux huilée que celle des concurrents
) des armées ottomanes commence à dériver entre fin 16è et 17è s.
Pour rappel, les armées ottomanes se répartissent entre un noyau permanent qu'on peut qualifier d'élite, au 15è et 16è s. supérieurement disciplinée, expérimentée et entraînée que les armées européennes, ce sont les troupes du palais, cavalerie, infanterie qui sont les fameux Janissaires et artilleurs, représentant ensemble quelque chose comme le tiers de l'armée de campagne sur laquelle un sultan peut compter. Le reste sont les troupes de province. La grande force de ces dernières est la cavalerie, aristocratique. Les Sipahi qui la constituent sont des allocataires de terres d'Etat ou du moins leurs bénéfices en échange de leur service militaire en tant que cavalier assez lourd, bien équipé et ayant du temps pour s'entraîner, en somme l'équivalent de chevalier - gens d'armes du ban, ayant une valeur militaire importante si l'institution de leur allocation fonctionne bien et que des revues d'Etat les contrôlent. Enfin les forces d'infanterie auxiliaires provinciales peuvent être sérieuses pour des forces miliciennes très régulièrement mises à contribution comme les troupes de frontière, moins efficaces pour des levées plus occasionnelles.
Au 17è s. venu, le recrutement d'élite des Janissaires a changé, comme celui des cavaliers du palais. Ce ne sont plus des enfants et jeunes adolescents esclaves d'Etat, longuement formés, mais progressivement à partir du dernier tiers du 16è s, par étape, des enfants de Janissaires purent être recrutés, puis des volontaires sélectionnés et enfin tout volontaire musulman à partir de 1594. De fait on passe d' un recrutement et une formation très sélectifs à un recrutement plus semblable à ce qu'est une troupe d'engagés professionels comme on peut en trouver dans les noyaux dur élite des armées européennes. Ca reste mieux que le tout venant mercenaire d'occasion qui fait le gros des armées d'Europe ou les forces miliciennes turques provinciales, mais ce n'est plus la grande élite. Ensuite, bien plus grave, la légendaire discipline du corps des Janissaires se perd progressivement le long du 17è s. Même si les qualités de leur école de tir font encore l'admiration de leurs adversaires par exemple, le népotisme, l'intrigue vont de plus en plus gangréner la qualité de l'encadrement et de la troupe et surtout, les implications politiques de factions dans les intrigues de cour vont contribuer largement à faire fluctuer discipline et capacité de commandement. Le recrutement familiale va aussi largement contribuer à un esprit dynastique qui va tendre vers le conservatisme, et même si régulièrement des réformes et des reprises en main issues du pouvoir vont faire le ménage, les doctrines de combats éprouvées d'antant garde la faveur là où plus de souplesse aurait permis de mieux faire face. Par exemple le fait d'utiliser la fortification de campagne en cercle de wagons et chariots qui fit merveille au 15è et 16è s. alors que l'artillerie de campagne européenne qui s'allège et profite des progrès de la Guerre de Trente Ans va être capable de mettre à mal ce genre de disposition défensive passée la mi-17è s., etc... Enfin la base du système des Sipahi de la cavalerie provinciale périclite (crise économique, corruption galopante), cette source de force militaire se dégrade, la qualité n'y est plus au rendez-vous, elle devient inégale et fluctuante.
Par contre il ne faut pas croire que techniquement les armées ottomanes se laissent systématiquement distancées. Des experts européens sont régulièrement débauchés pour suivre les progrés de l'artillerie et de la marine. L'usage du mousquet suit la proportion grandissante de ce qui se fait chez les adversaires européens, etc... C'est l'usage tactique qui lui ne suit pas forcément en usant de ces armes comme au siècle précédent parfois. Cependant lorsqu'un grave revers frappe l'armée du Sultan, des réformes de réaction font en générale le ménage, des corps de troupes nouveaux (au nom ancien, conservatisme oblige) sont créés pour supléer à la demande de troupes plus efficaces, notamment d'infanterie diverses, les unes miliciennes, les autres de plus en plus régulières comme les
tüfekçis, qu'on peut traduire directement par mousquetaires, qui forme une infanterie de mousquetaires réguliers qui vaut bien ce que les Européens peuvent opposer.
Malgré tout au fil des crises, la qualité globale des forces ottomanes va de moins en moins se démarquer de celles de leurs adversaires européens, qui eux à l'inverse, petit à petit se bâtissent des forces armée de plus en plus régulières et disciplinées, de fait dans les bonnes circonstances ceux-ci vont pouvoir bien plus souvent en remontrer aux armées de la Sublime Porte, le long du 17è s.
Au final des réformes plus durables vont être mise en place au 18è s pour éviter le cycle des réformes de sursaut après échec qui retombent dans l'oubli dés que les années de danger passent et que la corruption revient. Ainsi l'artillerie et l'infanterie ainsi que la marine vont être modernisées de sorte que l'empire ottoman va maintenir des positions pendant encore 150 à 200 ans là où on pouvait légitimement penser qu'en 20 à 50 ans elles auraient disparues au regard des pertes consommées dans la 2è moitié du 17è s. !
Bien à vous