Arrien et Quinte-Curce recensent pas mal de franchissements via des ponts improvisés : en 333, le Pyrame (QC, III.7.5) ; au printemps 331, le Nil (Arrien, III.6.1) ; en 331, le Lycos (QC, IV.9.9) et l’Euphrate (QC, IV.9.12) ; en 330, l’Araxe (QC, V.5.4) ; en 326, l’Indus (Arrien, IV.30.9 ; V.3.5 ; 7.1-8.1) mais lacunaires, et finalement ne nous apprennent que rarement comment ils se débrouillaient.
Arrien confesse son ignorance et nous offre un petit développement sur les techniques employées par les Romains, pour compenser le silence de Ptolémée et d’Aristobule.
Finalement, je ne vois que deux récits un peu plus détaillés. D’abord, une improvisation, un pont bricolé sans bois au moment du franchissement de l’Oxos en 329, preuve de leur ingéniosité et de la diversité des moyens employés : QC, VII.5.17-18 : (17) Le jour suivant ne fut guère plus heureux: on n'avait pas de bateaux, et il était impossible de construire un pont, le terrain qui environnait le fleuve étant entièrement nu et stérile, surtout en bois. Il fallut donc prendre le seul parti que conseillait la nécessité: des outres remplies de paille furent distribuées en aussi grand nombre qu'il était possible de le faire; (18) et les soldats, en y appuyant leurs corps, traversèrent le fleuve à la nage: les premiers arrivés se tenaient sous les armes, pendant que les autres passaient. Ce ne fut, de cette manière, qu'au bout de six jours qu'il transporta son armée sur l'autre rive.
Ensuite, toujours dans Quinte-Curce, au moment du récit du siège de Tyr, il décrit les constructions de matériel de siège, et en particulier, comment les Macédoniens faisaient pour relier deux navires. La même méthode due être employés pour des ponts de navires. QC.IV.3.14-18 : En effet, les Macédoniens avaient attaché deux à deux leurs galères à quatre rangs de rames, de manière que les proues se touchassent et que les poupes fussent le plus possible éloignées les unes des autres: (15) cet intervalle entre les poupes était rempli par des antennes et des poutres fortement attachées, sur lesquelles on avait établi des ponts destinés à recevoir des soldats. […] Alors la mer frémissante commença peu à peu à se soulever; bientôt, agitée par un vent plus violent, elle enfla ses vagues, et poussa les navires les uns contre les autres. Les liens qui attachaient les galères entre elles se rompent, les planchers qu'elles soutenaient s'écroulent et entraînent à leur suite les soldats dans l'abîme, avec un fracas épouvantable. (18) Il n'y avait nul moyen, en effet, au milieu de l'élément ainsi déchaîné, de gouverner les vaisseaux serrés les uns contre les autres: le soldat gênait les manoeuvres du matelot, le rameur embarrassait le soldat; et, comme il arrive en pareil cas, les habiles obéissaient aux ignorants: car les pilotes, accoutumés à commander dans d'autres temps, exécutaient alors, par crainte de la mort, les ordres qu'on leur donnait. Enfin la mer, obstinément battue par les rames, céda aux matelots, qui semblaient lui arracher les navires; et, la plupart endommagés, on les ramena vers le rivage. Il est possible que Quinte Curce tire ces renseignement de l’ingénieur militaire d’Alexandre, Diadès de Pella, qui fut l’auteur d’un Traité des machines de guerre (Vitruve, X.13.3), inventeur en particulier du matériel de siège démontable et des tours mobiles en bois, rien que ça.
Ceci dit, en ce qui concerne les ingénieurs et le génie macédonien, d’une manière général, c’est surtout leur poliorcétique qui m’impressionne, plus que les franchissements de fleuves où finalement ils n’emploient à priori que des moyens classiques. Mais ils ont complètement révolutionnés la guerre de siège, entre tours d’assaut, artillerie variée, démontable et mobile qui plus est, tortues, tranchées, jetées, etc. Bien plus que le classique bêlier !
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