Le château de Otsu : le siège le plus théatral !
Kyôkogu Takatsugu tenait le château de Otsu pour Ieyasu. Situé dans une position particulièrement stratégique, sur les rives sud-ouest du lac Biwa, son contrôle était vital pour les deux armées; Ieyasu avait besoin de le conserver, et Mitsunari de s'en emparer.
Le 13 octobre, 15 000 hommes commandés par Môri Motoyasu, Tachibana Muneshige et Tsukushi Hirokado prirent position auprès de la forteresse, soutenus par la flotte de Mashita Nagamori qui bloquait le site du côté du lac.
Ce château était constitué d'une série de cercles concentriques de remparts, avec des murailles intérieures séparant le mur d'enceinte des ilots sur lesquels il était bâti.
Quatre chaussées menaient du donjon principal vers la terre ferme. Sauf en cas d'attaque navale, l'ensemble semblait imprenable.
Motoyasu, à la tête de 11 500 hommes, mit le siège devant la chaussée principale, Miidera-guchi, pendant que Hirokado et ses 2 500 samouraïs bloquait la Kyômachi-guchi et que Muneshige, avec 1 000 hommes, s'en prenait à la Hamamachi-guchi. La quatrième chaussée, la plus proche du lac, fut bloquée par des unités dépendant de Motoyasu, mais il la jugea trop difficile à emporter, considérant que les autres ponts d'accès lui donneraient suffisamment de soucis.
Le siège prit une tournure théatrâle pour les habitants de Kyôto toute proche. Comme lors de la bataille de Bull run en 1861, les citadins, nobles et roturiers, vinrent assister au spectacle depuis les collines voisines, apportant de quoi manger et contemplant les guerriers s'entretuer.
Les défenseurs, 3 000 au total, résistèrent. Après 6 jours de siège, Takatsugu envoya un ninja, l'un de ces espions-assassins japonais légendaires, pour une mission curieuse et peu conventionnelle. Le ninja vola plusieurs bannières dans le camp Môri : quoique dangereuse, cette mission était avant tout un pied de nez aux assiégeants. Le lendemain matin, les samouraï Môri virent leurs étendards flottant sur les remparts.
L'effet qui en résulta fut assez différent de ce qu'avait prévu Takatsugu : quand Tachibana Muneshige vit les bannières, il crut que Motoyasu s'était déjà emparé du château, et que lui était affreusement en retard sur le plan d'attaque. Entre sa rage à briser les défenses qui lui faisaient face, et la fureur des Môri humiliés, le siège reprit sur tous les fronts. Les occidentaux mirent même en batterie des canons sur le mont Nagara, qui pilonnèrent les positions assiégées.
L'assaut redoubla, et fut couronné de succès le lendemain.
Même si les défenses du château furent ruinées, il n'y eut guère de gloire dans cette victoire : le lendemain du jour où les Môri virent leurs étendards en haut des murs fut le 21 octobre, jour de la grande bataille.
Takegatsu avait perdu son château, mais aussi immobilisé le temps nécessaire 15 000 loyalistes.
_________________ "Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".
Yves Modéran
|