1) les S35 : Oui, ce sont de bons chars en 1940. Ils disposent d'un excellent rapport entre mobilité, protection et puissance de feu, qui sont les trois qualités principales d'un char. Cependant, ils ne sont dotés de radio qu'avec la plus grande parcimonie (c'est un euphémisme pour dire qu'ils n'en ont pas ! Les liaisons internes aux pelotons, celles donc de combat, se feront par signaux visuels !), et la tourelle APX1 qui les équipe n'abrite qu'un seul individu qui est à la fois pointeur, tireur, chargeur, chef de bord et parfois chef de peloton (avec pour résultat qu'il n'est bon dans aucune de ces fonctions). Les Allemands les utiliseront après 1940, mais pas dans leurs divisions blindées, du moins pas celles engagées sur les théâtres d'opérations importants (URSS et Afrique du nord). Ils les regrouperont dans des unités de seconde ligne (tout particulièrement les Panzer Brigaden 100 et 101) chargées d'appuyer les forces d'occupation et de lutter contre les partisans, où les S35 serviront de chars des chefs de section dans des sections équipées de R35. Ils rendront de signalés services dans les Balkans notamment à partir de l'été 1941. Les S35 s'avèrent en fait dépassés dès l'été 1940, sauf face à des partisans n'ayant que peu ou pas d'armement antichars.
2) le niveau réel des Panzer Divisionen : Effectivement, les divisions blindées allemandes de 1940 sont majoritairement composées de chars légers bien moins performants que leurs adversaires, notamment, dans le combat antichars. Cependant, la supériorité tactique, la mise en oeuvre de principes efficaces acquis grâce à un entraînement et une cohésion très poussés, font qu'en leur sein, un char est une partie d'un système, et l'ensemble des éléments vaut plus que leur simple addition. Pour faire simple : les Allemands manoeuvrent mieux avec leurs chars inférieurs que nous avec nos lents, lourds et puissants "culs-de-plomb". En 1940, les PzKpfw III sont encore plutôt efficaces, de même que les PzKpfw 38(t), et sans parler des PzKpfw IV. Mais il est vrai qu'ils ne représentent qu'un quart à un tiers de l'ensemble des chars alors engagés. Par rapport aux chars français, l'avantage réside dans des équipages mieux entraînés et rodés à l'action collective, disposant de moyens radio performants. Au point de vue équipements, les optiques de tir allemandes sont très nettement supérieures aux françaises, et la tourelle des PzKpfw III et IV comprend trois membres d'équipage : le chef de char qui commande son engin (et éventuellement dirige la manoeuvre de plusieurs machines via la radio), le tireur qui pointe et tire, le chargeur qui approvisionne le tube. Bien que moins blindés et moins bien armés, ils surclassent un char français qui dépend d'un équipage souvent isolé de l'action d'ensemble faute de radio, moins capable de "faire un carton" et agissant de manière moins fluide en raison des contraintes énormes pesant sur les épaules du chef de bord. Et puis, même si c'est caricatural, l'explication du "ils avaient trois paquets de 1 000 chars, nous avions 1 000 paquets de trois chars" reste valable : les Allemands concentrent leurs blindés dans la zone-clef de leur manoeuvre stratégique quand nous nous évertuons à les disperser un peu partout sans aucun profit.
3) la cavalerie avait-elle compris l'intérêt d'une division mécanique interarmes autonome ? Oui et non. Oui, car la DLM est un ensemble plutôt équilibré apte à remplir efficacement les missions qui lui sont confiées (un bémol sur le soutien organique toutefois). Non car le problème, c'est que celles-ci sont trop restrictives et ne prennent pas en compte la lutte char contre char comme prioritaire. Jamais les DLM n'ont été pensées comme devant rompre un front puis exploiter dans la profondeur comme une Panzer Division, encore moins comme un outil antichar ; tout au plus devaient-elles exploiter une percée déjà réalisée par l'infanterie (et ses chars d'appui). Cette dualité de missions fut fatale à la mise sur pied d'une grande unité cuirassée française capable de concurrencer la Panzer Division. On soulignera que les Allemands avaient suivi la même logique avec l'existence, à côté de leurs Panzer Divisionen, de "divisions légères" mécanisées moins fortement constituées chargées de ces missions traditionnelles de la cavalerie. La campagne de Pologne avait mis en valeur une redondance et un manque de potentiel déjà entrevus auparavant, et elles furent dès lors transformées en divisions blindées à part entière, ce qui souligne la capacité allemande à faire un usage rationnel du retour d'expériences.
CNE EMB
_________________ "Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"
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