Pierma a écrit :
Il y a des militaires français qui estiment que les équipements chers (chars, avions, sans parler de la dissuasion) grèvent inutilement le budget de la défense, au détriment de l'équipement de base et des blindés légers pour nos fantassins, un besoin très réel et quotidien, celui-là.
Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de militaires français qui désapprouvent la dissuasion nucléaire. C'est la fondation solide sur laquelle ils peuvent se déployer en se disant que, quoi qu'il se passe, l'assurance-vie est activée.
Ils ne désapprouvent pas plus les équipements technologiques, pour peu qu'ils soient mis au point sur des critères militaires (endurance/rusticité, praticité, fiabilité). C'est là que le bât blesse. Les militaires sont devenus les VRP des grands industriels de défense qui souhaitent vendre à l'étranger. Les équipements majeurs développés correspondent finalement assez peu à un besoin militaire exprimé, ou plutôt disons que le besoin militaire exprimé initialement est ensuite complété par tout ce que l'industrie sait mettre de gadgets les plus pointus (et les plus onéreux) qu'elle a à sa disposition. Les militaires n'ont pas l'engin qu'il leur faut, mais un engin qui correspond grosso modo à un cahier des charges très généraliste, accompagné d'une flopée de bidules technologiques qui ont une durabilité en conditions opérationnelles des plus réduites. Outre que la disponibilité technique de tels engins est plus réduite que celle qu'elle était pour des véhicules développés dans les années 1950 ou 1960 (la comparaison entre le char "Leclerc" et l'AMX-30 est éclairante, tout comme l'est celle entre l'hélicoptère "Tigre" et la "Gazelle"), lesdits engins coûtent horriblement chers et peu sont donc disponibles. Moins de véhicules, plus souvent en panne, pour des besoins opérationnels qui n'ont jamais été aussi étendus depuis 1962 = non, ça ne correspond pas du tout à ce dont les militaires ont besoin. Et il serait temps que d'autres qu'eux s'en aperçoivent (mais cela n'est pas possible, le politique ayant totalement abdiqué de ses responsabilités dans ce domaine où il se sent très mal à l'aise faute de culture de défense, se défaussant d'un côté sur l'expertise budgétaire des spécialistes de Bercy, sur l'autre sur l'expertise technique des militaires, et refusant d'arbitrer structurellement).
La France, en sus, en dépit d'une BITD de qualité, n'a pas les moyens de suivre une course à la technologie avec des puissances comme les États-Unis, la Russie ou la Chine. Or, elle le fait, pour des raisons industrielles et économiques. C'est notre modèle militaire qui va trinquer pour l'absence de vision stratégique de nos dirigeants dans ce domaine, qui voit les billets du jour mais ne voient pas les problèmes de demain...
Je dis souvent que l'armée française de 2021 est dans la même situation que celle de 1869, exceptée la différence fondamentale de l'arme nucléaire (qui change beaucoup de paramètres il est vrai). Une armée rompue à la manœuvre expéditionnaire, vantée à raison pour cela, mais échantillonnaire et incapable de se changer en une force capable d'investir la haute intensité pour des raisons structurelles, psychologiques et budgétaires. Je crains que 1870 ne l'attende au tournant...
CEN EMB