Flocon a écrit :
Quelqun sait-il comment étaient équipés les éléphants d'Afrique dont se servaient les carthaginois (protections, ornementations...) ?
La question est double : armure/pas armure et tour/pas tours.
A titre de comparaison, je remets la terre cuite de Myrina, IIe av, afin d'avoir une version séleucide contemporaine.
On a plusieurs descriptions colorées chez les Diadoques (dais de pourpre, armures étincelantes, plumeau sur la tête, etc.), avec ces fameuses tourelles.
Mais ce n'est ni les mêmes éléphants ni la même culture à Carthage. Les éléphants sont plus petits et plus faibles que ceux d'Asie, ils ne peuvent donc être autant chargé. Et surtout, Carthage découvre sur le tard l'intérêt martial des éléphants (première mention en 261 seulement, quelques années après le passage de Pyrrhus en Sicile), qui ne bénéficient pas du savoir faire séleucide hérité de l'Inde. D'ailleurs les cornacs puniques sont eux-aussi appelés "indiens".
Il s'ensuit que dans les descriptions des historiens, en particulier Polybe et Tite-Live, il n'y a aucune mention de tourelle, silence tout de même éloquent, renforcé encore autant que je sache par l'absence de toute représentation d'éléphants équipés ainsi en occident.
Appien,
Lyb.43 fait une allusion à l'existence d'une armure, allusion vraisemblable d'ailleurs. Par conséquent, si des pièces d'armures légères peuvent être imaginée à Carthage, les tours sont apparemment à proscrire, seul le cornac est mentionné.
Ceci dit:
- d'abord les poètes tardifs vont représenter les éléphants d'Hannibal équipés à l'orientale, avec tours et tout le tsoin-tsoin (en particulier Silius Italicus, Lucrèce et Juvénal) : sans doute un anachronisme, pour faire joli et exotique, on ne peut pas trop s'y fier (surtout Silius qui les aligne à Cannes, où il n'y en avait qu'un seul, Syros.
- ensuite une mention de la Souda, s.v. Thôrakion, mentionnant citation à l'appui des armures et de petites maisons (oikidoi) qui gênent la marche des éléphants d'Hannibal. Tantôt attribuée à Polybe (peu probable), tantôt attribué à Diodore (sur je ne sais quels arguments). L'argument à peu de valeur, du fait de l'anonymat de la source.
- enfin, plus intéressant, les roitelets numides (Juba Ier en particulier) vont s'inspirer des armées séleucides, et César, Guerre d'Afrique, 72 et 86 les représente bardés de fer et surmontés de tourelles. La mode a pu changé entre temps (deux siècles après les premiers emplois), mais il semble prouver que l'éléphant d'Afrique du nord est capable de supporter physiquement un tel équipement, encombrant.
Au final, ben perso j'n'en sais trop rien... Je ne pense pas que lors des deux premières guerres puniques, les Carthaginois aient équipés leurs éléphants de tours, mais à la rigueur, pourquoi pas. Dans tous les cas, ce n'est de toute manière pas du tout systématique, même dans l'Asie hellénistique.
Je privilégie, pour les armées puniques, ce type de représentation :
C'est certes un denier romain de Philippe Ier (244-249, qui a frappé plusieurs séries analogues), mais il représente un éléphant d'Afrique, surmonté par un combattant numide typique, avec ses javelots. C'est moins impressionnant, mais cela s'intègre aux traditions martiales d'Afrique du Nord, et met bien en valeur la taille assez raisonnable du pachyderme, loin des représentations fantasmées contemporaines avec 5 ou 6 gaillards agglutinés dans une tour en haut d'un éléphant qui ferait pâlir un mammouth... Sur le dos d'un éléphant d'Afrique du nord, la place est comptée...