Pallas a écrit :
...Concernant l'hindouisme et le confucianisme, j'avance qu'ils sont en grande partie responsables du retrait progressif du monde indien et chinois car ils n'ont pas facilité leur résistance aux nouveaux envahisseurs turcs musulmans dans le cas de l'Inde et nomades turco-mongoles en Chine durant le 11ème siècle. L'hindouisme est une religion très sectaire (organisation en castes) et d'un penchant poètico-érotioque qui éroda le zèle guerrier des Rajputs face aux conquérants turcs de la dynastie des Ghaznévides et Rhurides. D'ailleurs, elle ne fut jamais adoptée en dehors de l'espace indien (comme dans le cas du bouddhisme). Quant au confucianisme, il constitue beaucoup plus une philosophie qu'une religion : bien qu'elle eut à éduquer les Chinois sur la voie d'une grande sagesse, il n'encoura point ces derniers à affermir leur domination sur l'Asie centrale (qui fut pendant des siècles leur arrière-cour) car il développa un message essentiellement peu conquérant.
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Pallas
Bonjour,
Je souhaiterais intervenir sur un point précis de votre intéressante discussion sur la notion d' "universalisme": il s'agit de votre allusion au confucianisme. En effet je crois que vous commettez là des erreurs tant historiques que d'interprétation.
Pour mémoire, Confucius vit en Chine et développe son approche philosophique du monde et des sociétés autour de 500 avant J-C; sa pensée quant à elle prend véritablement essor environ 150 ans plus tard avec Mencius. La philosophie ou morale confucéenne devient alors rapidement une des pierres angulaires de la pensée chinoise: avec des hauts et des bas... un exemple de bas est la montée en puissance fulgurante du légisme qui connait son apogée (à mon sens) vers 200 avant J-C avec l'unification de la Chine par Qin Shi HuangDi qui ordonne la destruction des ouvrages confucéens et le massacre des lettrés qui ne renieraient pas leur pensée. Un exemple de haut est la puissance fabuleuse de l'empire Tang vers les V et VI siècles de notre ère.
Bref, dire que l'apparition du confucianisme a entrainé le déclin de l'empire chinois au XI siècle est une erreur, plus de mille ans séparant les deux (sans compter que les invasions mongoles datent du XIII siècle). Parler de repli relève de l'effet d'optique: le confucianisme a influencé la chine certes (évidemment on dit toujours "la Chine" au singulier, mais n'oublions que ce territoire représente aujourd'hui 17 fois la France...), mais aussi le Japon, la Corée, une partie de l'Indochine. Aux diverses époques dynastiques la Chine (à vue de nez jusqu'aux Ming inclus) a développée des contacts commerciaux et culturels importants dans l'ensemble de l'orient, en Inde, en Indochine, en Iran, en Indonésie, en Asie centrale et mineure, très certainement en Arabie... Bref, allez, la moitié de la population du monde, au bas mot. Je ne rappellerais que pour la forme la découverte du papier, de l'imprimerie, de la boussole, de la poudre: ce sont un peu des poncifs (ensuite on tombe dans des discussions d'experts sur les mathématiques, l'astronomie...), mais qui traduisent une puissance et un développement exceptionnels, qui vont placer la Chine bien en avance sur l'occident probablement jusqu'à la Renaissance, et sur un plan équivalent jusque... difficile de donner une date, mais toujours est-il que la force est inégale lorsque l'Angleterre décide de devenir le premier trafiquant de drogue international de l'histoire au milieu du XIX siècle.
Tout cela pour dire que le confucianisme a été un des moteurs de développement de la société, à mon sens pour plusieurs raisons:
- un système de concours qui favorise l'ascension sociale
- une philosophie universaliste mais non destructrice (rien à voir avec un monothéisme par nature intolérant)
- un code de valeur fondée sur la paix, l'équilibre et l'assimilation
On peut rappeler aussi, et à titre d'illustration d'ailleurs, que globalement le confucianiste a toujours su accepter et assimiler d'autres systèmes de pensée: bouddhisme, taoisme, islam, christianisme; exception faite de quelques sursauts ultra-confucéens et anti-cléricaux, ou ultra-religieux (Taiping) ou ultra-nationalistes (Boxers); exception faite aussi du moisme, fort peu compatible. La pensée Chine est constituée à tout le moins de cet ensemble, et ne saurait être réduite au simple confucianisme.
Pour revenir sur les invasions mongoles: ce qui est tout à fait surprenant, c'est que les mongols, envahisseurs et conquérants de la Chine, on été assimilés. Ils se sont installés dans les restes depuis longtemps partagés de l'empire Song. Ils ont adopté la langue, l'organisation administrative, la manière de penser de la Chine. Pour ne rester d'ailleurs que peu de temps en place (à peine un siècle). Idem avec les mandchous trois siècles plus tard. Je connais peu d'exemple de conquérants ainsi "digérés", et il ne s'agit pas à mon avis de l'illustration de la faiblesse du conquis.
Pour conclure ce long message, je dirais d'une part que le confucianisme a une portée universelle, simplement notre contexte culturel nous le rend lointain et difficile à appréhender: mais la Bible, si universelle qu'elle soit, a toujours posé des problèmes de traductions très complexes en chinois; ou encore demandez à un chinois ce qu'il pense de l'universalisme de Socrate (ce n'est pas une critique de Socrate, c'est uniquement pour la perspective)... D'autre part ce n'est pas l'approche confucéenne en tant que telle qui a figée la Chine, et l'a amenée à se replier sur elle-même: ce prétendu repli est, jusqu'au XVII à mon avis, une vue de l'esprit, un effet d'échelle. Quant aux causes du déclin incontestable de la Chine à partir du XVI ou XVII, il s'agit certainement d'un autre débat: est-ce que l'hégémonie de la Chine dans sa vaste sphère d'influence l'a privée de la compétition nécessaire pour développer une puissance de frappe succeptible de rivaliser avec l'occident?