Sébastien D. a écrit :
La nature de leur géni est celui de la complexité. Seraient-ils aussi génial sans l'entière libération de leur nature ? Ne serait-ce pas abaisser leur géni que d'en faire des étendards du politiquement correct ?
Je suis bien d'accord avec vous sur le principe. Mais, est-ce bien le "politiquement correct" qui est en question?... Il ne faut pas l'estimer à l'aune d'aujourd'hui mais de l'époque.
Plus globalement je suis assez d'accord avec vos remarques: en gros, on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain...
Mais on peut alors se demander où se situe la limite, ce qui amène à l'aveuglement ou à la bêtise, malgré le génie. Ce qui peut, parfois amener à renier ses propres idées. Cmplexité de l'homme: oui, d'accord, mais encore? Est-ce un besoin de s'avilir? Un besoin de reconnaissance, d'appartenance à un groupe, fut-il médiocre? Ou parce qu'il est médiocre?...
J'adore Céline l'écrivain, il brise alors toutes les barrières du politiquement correct et de la pensée pré-machée. Cependant lorsqu'il écrit des pamphlets anti-sémites, il n'est plus dans le politiquement incorrect: bien au contraire! Il est dans le registre du populisme vulgaire, basique, tellement "correct" qu'il dominera l'Europe 15 ans! Il n'est pas dans celui du génie, de l'incorrect; ses propos, ses pensées sont bas, nuls, sans intérêt. Aucun génie brisant des tabous là-dedans... Adieu l'humanisme désespéré de mort à crédit ou de voyage au bout de la nuit. Céline romancier est subversif, Céline anti-sémite est commun.
J'aime beaucoup Sartre, romancier et philosophe; mais lorsqu'il joue ses pièces dans la France occupée quand d'autres écrivent dans Combat, quand il refuse de voir en 68 la monstruosité de la machine stalinienne, est-ce qu'il ne renie pas lui-même sa volonté d'engagement et d'indépendance d'esprit. Mais si l'existentialisme de Sartre ne lui ouvre pas les yeux, à qui les ouvrira-t-il? Pareil, plus aucune subversion dans l'allégeance au plus puissant état de l'époque. Rien à voir avec la Nausée...
Heidegger est un des grands philosophe du XX siècle; oui mais... grand théoricien de l'Etre, comment peut-il ne pas voir, pire cautionner implicitement, la plus grande entreprise de déshumanisation jamais envisagée. Comment ne reconnait-il pas le non-Etre à l'oeuvre, non seulement de 33 à 45, mais bien après, toute sa vie. Pourquoi refuser de voir et de penser "la plus grande expérience sociologique de non-être" (Primo Levi, citation approximative) lorsque l'on est le plus grand penseur de l'Etre? Mais alors si sa réflexion sur l'Etre ne lui ouvre pas les yeux, à qui le pourra-t-elle? Partant, qu'en retirer?
Guarnier_de_Grez a écrit :
Il ne faudrait pas non plus interdire ces auteurs sous prétexte d'infamie. Au contraire, je pense que la lecture de leurs écrits à une valeur pédagogique. Cette lecture permet d'appréhender la réalité dans sa forme la plus complexe; et de comprendre qu'une idéologie "mauvaise" (simplifions...) peut sembler "bonne" lorsqu'il n'existe pas assez de recul. En bref, lisons les auteurs à l'idéologie douteuse pour apprendre à reconnaitre les écrivains actuels aux idées "mauvaises".
Oui, mais c'est très délicat... Il est clair que le côté éducatif et préventif est séduisant: mais encore faut-il être certain des effets, encore faut-il être certain de la "compréhension". La limite entre enseigner pour éduquer et diffuser me parait très mince. Est-ce que lire Faurisson sert à qque chose? Je ne crois pas.