Bergame a écrit :
Honnêtement, c'est extraordinaire de lire des choses pareilles. Et dire que ce sont les mêmes qui déplorent à chaudes larmes que les Français sont insensibles aux raisonnements économiques !
Sincèrement à ce stade du débat, je pense que vous le faites exprès.
Je vais quand même prendre le temps d'expliquer...
Nous parlions du fait que la colonisation n'était pas une bonne affaire économiquement parlant, ce qui est la thèse de J.Marseille et que j'étaie d'exemples très précis et chiffrés. Donc étant donné que sa thèse est éminemment économique (il est historien économiste), il me semble logique que tout débat à propos de son œuvre soit de nature économiste...
Ces réflexions sont donc forcément économiques puisque au bout d'un moment, pour répondre à la question combien, il faut bien des chiffres vous en conviendrez.
Elles prouvent donc le hiatus complet entre la réalité économique et la réalité vécue car comme vous le savez tout comme moi, même si très tôt certains ont montrés ces chiffres, ils n'ont pas eu l'impact de suite.
Ni une évolution des pensées, ni une volonté d'amener les colonies à un self-government. Presque 50 ans de retard sur les britanniques pour un dénis de réalité.
Ensuite je ne déplore rien. Et encore moins à chaudes larmes.
Je ne condamne, ni ne loue, je raconte et au mieux j'explique. Vous savez, c'est ça le travail de l'historien. Vous avez décidément une habitude à mêler l'histoire et la morale.
Bergame a écrit :
Alors comme ça, c'est l'Etat, qui, jusqu'en 1930, importait le vin d'Algérie ? C'est l'Etat qui cultivait les terres algériennes, assurait les récoltes, et revendait le tout à la métropole, càd à lui-même ?! Pour tout dire, c'est même l'Etat qui faisait paître les moutons, les tondait au printemps et transportait les ballots de laine sur ses épaules jusqu'à la capitale. Sympa, l'Etat !
En fait, ce que vous voulez dire, Monte Cristo, c'est que jusqu'à cette date, la France était un pays communiste dans lequel c'est l'Etat qui se chargeait de l'approvisionnement du pays en biens de consommation courante. N'est-ce pas ?
Non mais attendez, il faudra que vous citiez où j'ai décris cette réalité. Le fait que ce soit l'Etat qui injecte les capitaux n'inclue en rien le fait qu'il n 'y est pas d'acteurs locaux. Que d'absolu dans le raisonnement.
Il est évidant qu'il y avait des acteurs locaux, des entreprises, des exploitants. Des agriculteurs et des ouvriers.
Et croyez-moi, en effet ils ont travaillés très dur avec un courage remarquable pour faire de la terre une source de richesse.
Un exemple grandiose sont les établissements agricoles modèles établis par les 300.000 colons européens sur les terres du Mitidja qui est passé de l’état de marécage insalubre évité par les algériens eux-mêmes aux orangeries de Boufarik.
Le facteur local est bien sur essentiel, cette colonie s'est construite avec la sueur des colons et des indigènes dans les mines de Phosphate également.
Mais cette énergie humaine ne seraient rien sans les grands entrepreneurs et les capitaux car l'argent ne pousse pas dans les champs.
Or ces entreprises coloniales reposaient sur les intrants et les subventions de la Métropole pour tourner artificiellement.
Et l'effet est immédiat lorsqu'à partir de 1929, l'Etat cesse ses subventions et l'envois de colons.
Une missive de J.Galle (autorité algéroise):
"La France si douce à ceux qui l’habitent ne nous envoie plus ses aides et ses familles dont nous avons besoin pour créer de nouveaux centres de colonisation, de plus je regrette chaque jour l’évasion grandissante de la main-d'œuvre indigène sans laquelle
la production normale n’est plus possible”.
Les chiffres sont criants:
Production minière: en 1927 l’Algérie exportait 2 382 242 tonnes de fer, en 1931 c’est 920 453.
C’est la fin criante des bénéfices des sociétés minières et quasiment 75% d'entres elles sont en faillite.
Mais même le secteur primaire est touché:
En 1930 l’exportation agricole rapporte 3 748 873 milliers de francs, en 1934 il s’agit de 2 375 816 milliers de francs.
Si vous ne voyez pas un rapport de cause à effet, je ne sais pas ce qu'il vous faut...
Un dernier exemple plus tardif mais très révélateur:
En 1947, l’Algérie devait être la cible d’un plan d’amélioration du réseau de communication afin de faciliter l’industrialisation comme des routes, des voies ferrées, des ports, des aérodromes ainsi que l’édification de nouveaux barrages destinés à la fois à la régulation et à une meilleure utilisation des ressources hydrauliques ainsi qu’à la production électrique civile.
Vous savez, tout ce qui ne représente qu’une bouchée de pain?
Ce vaste programme associé à la création de nouvelles infrastructures notamment civil comme des établissements ruraux et urbains et l’alimentation en eau potable représentait un budget s’élevant à 39 , 547 milliards de francs dont 21, 402 milliards étaient aux frais exclusifs de la métropole.
Les milieux dirigeants de l’Algérie sont unanimes sur ce point: l’Algérie n’était pas en mesure de financer ses propres besoins et se tournait intégralement vers la métropole et l’Etat pour accorder ces capitaux.
Cependant nous étions dès lors dans ce que j’appelle la Troisième phase et cette fois la France était pour de bon face à la réalité.
Bergame a écrit :
Non, mais je schématise, je caricature.
Je commence à être habitué, je vous assure.
Bergame a écrit :
Vous vient-il à l'esprit ne serait-ce qu'une seconde que si les entreprises française importatrices de vin préféraient acheter du vin algérien plutôt qu'espagnol ou italien, elles avaient peut-être leurs raisons ? Et si ça se trouve, c'était des raisons tout à fait pragmatiques, vous savez.
Bien sur qu’il y avait des raisons. L’Etat subventionnait et encourageait les importateurs viticoles métropolitains à choisir le vin algérien. Et de l’autre côté, augmentait les charges des vins espagnoles et italiens, tout ça dans le cadre du Pacte Colonial.
Donc oui les importateurs se tournaient forcément (et pour le coup de manière fort pragmatique ou bien juste mercantiliste) vers les vins algériens.
Bergame a écrit :
Enfin, remarquez, avec des Français, on ne peut pas être sûr...
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