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 Sujet du message : De Cives de Hobbes
Message Publié : 24 Jan 2004 14:28 
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Thucydide
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Longtemps tenu comme le premier penseur absolutiste, Hobbes a longtemps était renié, par les partisans de la monarchie anglaise pour laquelle il se battait, tout d'abord, mais aussi par les Lumières, et plus encore par une relecture hative qui a conduit à l'affilier avec certains penseurs contemporains de la seconde guerre mondiale.


Son raisonnement est mathématique et concis, il est un empiriste matérialiste, comme Bacon ou Locke, pragmatique et puise dans un raisonnement épuré de toute Vérité divine, débarassé de l'ombre platonicienne, sa science politique. La philosophie politique hobbienne se confond avec la science politique car sa problematique bannit touite spéculation métaphysique. Ainsi que Grotius, sa volonté d'un point de vue juridique est de balayer tout principe de transcendance divine au profit d'un ordre public à la dimension de l'homme et conforme aux requêtes de la raison.

Un premier point est ainsi soulevé : le "droit naturel", ou jus naturale, qui est l'état de l'homme hors de la société civile. Le "droit naturel" est d'abord une expression de la nature en l'homme : il l'incline à des mouvements et à des actions mécaniques et l'expose, vis à vis des autres hommes, à des rapports de force. Cependant, que l'on n'entende pas par "expression de la nature en l'homme" l'emprunt de la pensée platonicienne. Sa définition est anthropologique, qu'il substitue à la notion théologique.
Ainsi, la notion grecque de "nature des choses" se voit supplanté par l'idée de "nature humaine".

L'homme vivant selon sa nature, égaux par leurs besoins et leurs visées, l'individualisme, loin de conduire au solipsisme, conduit à une co-existance impliquant un affrontement de forces. Cette situation de guerre tu tous contre tous devient une lutte pour la vie, avec la certitude d'être vaincu.

Deuxième point important : la loi de nature, ou lex naturalis, est la deduction naturelle de la conduite vers laquelle mène la raison vis à vis de la loi. Le chemin du respect de la loi vers lequel mène la raison est la traduction humaine de la loi de nature.

Ces deux points ne sont rien d'autre que la personnification de deux anti-valeurs : la guerre pour le jus naturale, et la paix pour le lex naturale. Naturellement, l'un ne pouvant vivre dans l'autre, l'homme est forcé de renoncer à cet état de nature, à ce non-droit, lui substituant un autre droit.

"La seule volonté de tous" remplace alors la guerre du "tous contre tous". La multitude, délaissant alors les armes de l'individualisme, délègue à un tier ses droits, par quoi celui-ci se trouve devenir "la puissance suprême" de "la personne civile".

Voici donc ici le point le plus avancé de la pensée politique de Hobbes. C'est aussi le point qui lui vaudra et lui vaut encore les plus âpres attaques. Au premier abord, la pensée est réactionnaire, cela même pour son époque. Pourtant, à mieux analyser, on retrouve chez Hobbes des pensées innoventes et même visionnaires.

De ces innovations, l'on peut retirer que le gouvernement de la cité est une chose humaine. Les besoins humains et la deduction conduisant au Léviathan portent clairement sur un plan profane. Ainsi que Grotius reprit le mot de St Pierre, il est "un établissement humain".
La médiation à laquelle la mulitude fait appel en abandonnant son jus naturale, a pour conséquence la définition du droit par le Souverain. Le droit civil prend la place du droit sauvage de l'individu à l'état de nature. Le droit est donc bien défini par la loi; c'est elle qui gère la société civile.

Une derniere idée importante, enfin, déduite bien avant Spinoza, Rousseau ou Kant, est que l'homme est plus libre dans la cité où il obéit à la loi que dans la nature où il n'obéit qu'à lui-même.
En effet, durant le passage de la société des individualités à la société civile, l'homme est appelé à renoncer à cette pseudo-liberté que lui garantissait l'individualisme sauvage pour la contrainte que présente le droit civil où règnent les lois.

Les lois sont donc bien au centre du systeme de Hobbes.

source, "De Cives" de Hobbes, garnier-flammarion


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Message Publié : 24 Jan 2004 15:10 
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Le traité de Hobbes s'intule De Cive (au singulier).

Citer :
Une derniere idée importante, enfin, déduite bien avant Spinoza, Rousseau ou Kant, est que l'homme est plus libre dans la cité où il obéit à la loi que dans la nature où il n'obéit qu'à lui-même.
En effet, durant le passage de la société des individualités à la société civile, l'homme est appelé à renoncer à cette pseudo-liberté que lui garantissait l'individualisme sauvage pour la contrainte que présente le droit civil où règnent les lois.


Rousseau te répondrait que tu es en pleine illusion reptrospective. C'est une vision téléologique qui peut conduire à penser que l'état de nature se caractérise par la guerre de tous contre tous. En fait, une telle conception revient à appliquer (en vertu de quelle logique?) à l'état de nature des caractères qui ne sont apparus qu'avec la société. Pour Hobbes, l'homme est naturellement porté à la violence, ce qui n'est peut-être pas faux mais impossible à prouver (on peut avancer le contraire avec tout autant de crédibilité) étant donné que l'état de nature n'a jamais existé. Par ce simple fait, je pense que si l'on veut rester dans le pragamtisme, c'est Aristote qui a raison: l'homme est un zoôn politikon. C'est en vertu d'une disposition nécessaire de la nature et non par crainte réciproque que les hommes s'assemblent.

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"Il est plus beau d'éclairer que de briller" (Thomas d'Aquin).


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Message Publié : 26 Jan 2004 15:26 
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Thucydide
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Sébastien D. a écrit :
Citer :
En fait, une telle conception revient à appliquer (en vertu de quelle logique?) à l'état de nature des caractères qui ne sont apparus qu'avec la société.

Citer :
C'est en vertu d'une disposition nécessaire de la nature et non par crainte réciproque que les hommes s'assemblent.


Citer :
Pour Hobbes, l'homme est naturellement porté à la violence, ce qui n'est peut-être pas faux mais impossible à prouver (on peut avancer le contraire avec tout autant de crédibilité) étant donné que l'état de nature n'a jamais existé.


Ce n'est pas de nature que Hobbes concoit la violence de l'homme. La violence de l'homme né de son égalité naturelle dans ses visées. N'ayant aucun bien, il en veut le plus possible, et fut-ce contre son voisin, il est en droit d'user de tous les moyens pour arriver aux fins dont il a le droit; et son voisin ayant lui-même le droit d'user de tous les moyens à sa conservation, il n'a de juge que lui même pour arriver à ces fins.

Ainsi, si nous pouvons reconnaitre que l'homme put être ainsi, pourquoi ne pas reconnaitre qu'en résulte un état de nature ? Nous sommes forcément passé d'un état premier pour accéder à un état second, car comment comprendre qu'il y eut, dans une société humaine, et donc aux changements guidés par l'utilité, des conséquences sans causes ?

Si nous pouvons comprendre que l'homme ne s'associe que par utilité, où eut été l'utilité de s'associer si son état de nature l'eut mené vers le contraire de la violence ? Le lex naturalis n'étant le fruit que de la crainte et donc de la violence et ainsi même d'un état de nature chaotique, comment aurions-nous évolué d'un stade individualiste à un stade social sans que la raison ne l'eut commandé ?

Mes réponses sont un peu chaotiques, et j'en suis désolé, mais j'écris par étapes ce messages et toujours par tranches vu le peu de temps que j'ai... :oops:


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Message Publié : 26 Jan 2004 20:35 
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Ainsi, si nous pouvons reconnaitre que l'homme put être ainsi, pourquoi ne pas reconnaitre qu'en résulte un état de nature ? Nous sommes forcément passé d'un état premier pour accéder à un état second, car comment comprendre qu'il y eut, dans une société humaine, et donc aux changements guidés par l'utilité, des conséquences sans causes ?


Je ne suis pas certain qu'on puisse le croire. Regardons la nature: peu (aucuns?) d'animaux vivent solitaires en lutte contre tous leurs semblables. La majorité vit en communauté et lutte contre d'autres communautés (exactement comme les hommes). Je pense que l'homme est fondamentalement grégaire.
Comme Rousseau l'a bien montré, Hobbes applique à l'état de nature les critères de sa société: comment l'homme naturel (qui ne possède rien par nature) peut-il être envieux de l'autre (qui ne possède lui non plus rien par nature)? Surtout, la guerre est un phénomène organisé: on ne fait pas la guerre entre homme mais entre Etats (or qui dit état dit société). Il ne peut y avoir de guerre que s'il y a communauté. La guerre est un fait profondément social, donc n'existe pas à l'état de nature.

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Message Publié : 28 Jan 2004 14:57 
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Citer :
Regardons la nature: peu (aucuns?) d'animaux vivent solitaires en lutte contre tous leurs semblables. La majorité vit en communauté et lutte contre d'autres communautés (exactement comme les hommes). Je pense que l'homme est fondamentalement grégaire.


Mais n'est-ce pas également par utilité que l'animal s'assemble en meute ? N'a-t-il pas lui-même senti que sa survie dépendait de sa communauté, et non d'un individualisme naturel ?
Le loup suit-il pour autant une logique de cause à effets ? Je ne pense pas non plus. On pourrait plutot parler, je pense, d'un instinct utilitaire qu'à l'animal. Son instinct naturel le guide vers l'utilitaire, mais il n'n est pas moins guidé par l'utilité.

Citer :
Comme Rousseau l'a bien montré, Hobbes applique à l'état de nature les critères de sa société: comment l'homme naturel (qui ne possède rien par nature) peut-il être envieux de l'autre (qui ne possède lui non plus rien par nature)?


Mais l'état de nature ne devient social non pas par le commencement de la propriété, (car la propriété matérielle n'est-elle pas que le prolongement de la propriété intellectuelle; la propriété peut donc être propre à n'emporte quel état humain) mais par l'abandon individuel de la force pour la conserver à l'interieur de cet état social.

Citer :
Surtout, la guerre est un phénomène organisé: on ne fait pas la guerre entre homme mais entre Etats (or qui dit état dit société). Il ne peut y avoir de guerre que s'il y a communauté. La guerre est un fait profondément social, donc n'existe pas à l'état de nature.


Absolument, et c'est pour cette raison que l'utilisation de l'expression "guerre de tous contre tous" ne serait pas valable si'il n'impliquait une guerre individuelle, à échelle individuelle, dont l'unique but est de vivre en conservant, mais dans la certitude, pourtant, est la mort.


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Message Publié : 28 Jan 2004 16:03 
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Mais n'est-ce pas également par utilité que l'animal s'assemble en meute ? N'a-t-il pas lui-même senti que sa survie dépendait de sa communauté, et non d'un individualisme naturel ?


Peut-être, mais dans ce cas là, c'est à dire si on applique le schéma hobbesien au monde animal, alors il faut le faire jusqu'au bout, c'est à dire que les animaux vivent en société, que l'homme est un animal comme les autres et que théoriquement, les animaux vivront bien lorsqu'ils instaureront des lois pour régir leur société.

On se heurte ici à une contradiction évidente: ne peuvent établir des lois que des animaux doués de raison, c'est à dire seulement les hommes. L'utilité ne peut-être perçue en tant que telle que par un logos. Donc un animal ne peut à mon avis pas la ressentir, il ressent simplement un instinct de survie. On est cependant là tombé dans un débat absolument aporétique: se demander si l'homme est social par nature ou s'il l'est devenu, c'est un peu se demander qui de la poule ou de l'oeuf est venu le premier.

Citer :
Mais l'état de nature ne devient social non pas par le commencement de la propriété, (car la propriété matérielle n'est-elle pas que le prolongement de la propriété intellectuelle; la propriété peut donc être propre à n'emporte quel état humain) mais par l'abandon individuel de la force pour la conserver à l'interieur de cet état social.


Ta réponse me permet de faire observer une autre contradiction de Hobbes: pourquoi les hommes auraient-ils besoin de conserver leur force au sein d'un état social puisqu'ils sont censés, guidés par l'utilité, tous vouloir se socialiser car tel est leur intérêt. Si on poursuit le raisonnement utilitariste, on conviendra que l'intérêt suprême pour les hommes, c'est de tous s'entendre cordialement au sein d'une société totale, l'humanité, régie par des lois propres et respectées par tous.
Or ce n'est pas du tout ce qui se passe: les sociétés prolifèrent et s'affrontent les unes les autres. On a donc affaire à un simple transfert de la guerre de tous contre tous: chacun donne sa forcé individuelle à l'Etat pour qu'il s'en prenne à un autre Etat. Or cette situation (que nous appellerons guerre de toutes les sociétés contre toutes les sociétés) n'a rien qui soit vraiment plus avantageux pour l'homme que l'état de guerre de tous contre tous. C'est la même chose en plus grand:en fait, on combat quand même. Le raisonnement sur l'homme s'assemblant par utilité trouve donc ses limites car au final, il n'y gagne pas tant que cela. C'est pourquoi je pense que si l'homme s'assemble, c'est parce qu'il n'a pas d'autre possibilité, parce que c'est sa nature.

Citer :
Absolument, et c'est pour cette raison que l'utilisation de l'expression "guerre de tous contre tous" ne serait pas valable si'il n'impliquait une guerre individuelle, à échelle individuelle, dont l'unique but est de vivre en conservant, mais dans la certitude, pourtant, est la mort.


Je ne comprends pas vraiment ton objection.

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