Pour relancer le débat, il m'a semblé intéressant de renvoyer à quelques textes, qui bien qu'on ne soit bien sûr pas obligé d'être d'accord me paraissent répondre à certaines objections (J'ai sélectionné des passages mais bien sûr si cela en intéressait quelques uns j'ai mis un lien vers le texte intégral).
"Examinons maintenant les principales objections qu’on oppose au communisme. La plupart proviennent évidemment d’un simple malentendu — ; mais quelques-unes soulèvent des questions importantes et méritent toute notre attention.
Nous n’avons point à nous occuper de repousser les objections que l’on fait au communisme autoritaire : nous-mêmes les constatons.Les nations civilisées ont trop souffert dans la lutte qui devait aboutir à l’affranchissement de l’individu pour pouvoir renier leur passé et tolérer un gouvernement qui viendrait s’imposer jusque dans les moindres détails de la vie du citoyen, alors même que ce gouvernement n’aurait d’autre but que le bien de la communauté. Si jamais une société communiste-autoritaire parvenait à se constituer, elle ne durerait pas, et serait bientôt forcée par le mécontentement général, ou de se dissoudre, ou de se réorganiser sur des principes de liberté.
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L’objection est connue. « Si l’existence de chacun est assurée, et si la nécessité de gagner un salaire n’oblige pas l’homme à travailler, personne ne travaillera. Chacun se déchargera sur les autres des travaux qu’il ne sera pas forcé de faire. »
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Ainsi on redoute que, sans contrainte, la masse ne veuille pas travailler.
Mais, n’avons-nous pas déjà entendu, de notre vivant, exprimer ces mêmes appréhensions à deux reprises, par les esclavagistes des États-Unis avant la libération des nègres, et par les seigneurs russes avant la libération des serfs ?
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Car, — chose remarquable, — lorsque des économistes, voulant célébrer les bienfaits de la propriété, nous montrent comment une terre inculte, un marais ou un sol pierreux se couvrent de riches moissons sous la sueur du paysan-propriétaire, ils ne prouvent nullement leur thèse en faveur de la propriété. En admettant que la seule garantie pour ne pas être spolié des fruits de son travail soit de posséder l’instrument de travail, — ce qui est vrai, — ils prouvent seulement que l’homme ne produit réellement que lorsqu’il travaille en toute liberté, qu’il a un certain choix dans ses occupations, qu’il n’a pas de surveillant pour le gêner et qu’enfin, il voit son travail lui profiter, ainsi qu’à d’autres qui font comme lui, et non pas à un fainéant quelconque. C’est tout ce que l’on peut déduire de leur argumentation, et c’est ce que nous affirmons aussi.
Quant à la forme de possession de l’instrument de travail, cela n’intervient qu’indirectement dans leur démonstration pour assurer au cultivateur que personne ne lui enlèvera le bénéfice de ses produits ni de ses améliorations. — Et pour appuyer leur thèse en faveur de la propriété contre toute autre forme de possession, les économistes ne devraient-ils pas nous démontrer que sous forme de possession communale, la terre ne produit jamais d’aussi riches moissons que lorsque la possession est personnelle ?"
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Voilà ce dont conviennent nos contradicteurs : « mais le danger, disent-ils, viendra de cette minorité de paresseux qui ne voudront pas travailler, malgré les excellentes conditions qui rendront le travail agréable, ou qui n’y apporteront pas de régularité et d’esprit de suite. Aujourd’hui, la perspective de la faim contraint les plus réfractaires à marcher avec les autres. Celui qui n’arrive pas à l’heure fixe est bientôt renvoyé. Mais il suffit d’une brebis galeuse pour contaminer le troupeau, et de trois ou quatre ouvriers nonchalants ou récalcitrants pour détourner tous les autres et amener dans l’atelier l’esprit de désordre et de révolte qui rend le travail impossible ; de sorte qu’en fin de compte il faudra en revenir à un système de contrainte qui force les meneurs à rentrer dans les rangs. Eh bien, le seul système qui permette d’exercer cette contrainte, sans froisser les sentiments du travailleur, n’est-il pas la rémunération selon le travail accompli ? Car tout autre moyen impliquerait l’intervention continuelle d’une autorité qui répugnerait bientôt à l’homme libre.
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Je suppose un groupe d’un certain nombre de volontaires, s’unissant dans une entreprise quelconque pour la réussite de laquelle tous rivalisent de zèle, sauf un des associés qui manque fréquemment à son poste ; devra-t-on à cause de lui dissoudre le groupe, nommer un président qui imposera des amendes, ou bien enfin, distribuer, comme l’Académie, des jetons de présence ? [b]Il est évident qu’on ne fera ni l’un ni l’autre, mais qu’un jour on dira au camarade qui menace de faire péricliter l’entreprise : — «Mon ami, nous aimerions bien travailler avec toi ; mais comme tu manques souvent à ton poste, ou que tu fais négligemment ta besogne, nous devons nous séparer. Va chercher d’autres camarades qui s’accommoderont de ta nonchalance ![/b]
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Une association, par exemple, qui stipulerait avec chacun de ses membres le contrat suivant : — « Nous sommes prêts à vous garantir la jouissance de nos maisons, magasins, rues, moyens de transport, écoles, musées, etc., à condition que de vingt à quarante-cinq ou à cinquante ans, vous consacriez quatre ou cinq heures par jour à l’un des travaux reconnus nécessaires pour vivre. Choisissez vous-même, quand il vous plaira, les groupes dont vous voudrez faire partie, ou constituez-en un nouveau, pourvu qu’il se charge de produire le nécessaire. Et, pour le reste de votre temps, groupez-vous avec qui vous voudrez en vue de n’importe quelle récréation, d’art ou de science, à votre goût.
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Douze ou quinze cents heures de travail par an dans un des groupes produisant la nourriture, le vêtement, et le logement, ou s’employant à la salubrité publique, aux transports, etc., — c’est tout ce que nous vous demandons pour vous garantir tout ce que ces groupes produisent ou ont produit. Mais si aucun des milliers de groupes de notre fédération ne veut vous recevoir, — quel qu’en soit le motif, — si vous êtes absolument incapable de produire quoi que ce soit d’utile, ou si vous vous refusez à le faire, eh bien, vivez comme un isolé ou comme les malades.
Si nous sommes assez riches pour ne pas vous refuser le nécessaire, nous serons enchantés de vous le donner.[...]
Et enfin, si cela ne vous plaît pas, allez chercher ailleurs, de par le monde, d’autres conditions. Ou bien, trouvez des adhérents, et constituez avec eux d’autres groupes qui s’organisent sur de nouveaux principes. Nous préférons les nôtres. »
Pierre Kropotkine, "Objections", La conquête du pain, 1892 http://fr.wikisource.org/wiki/La_Conqu% ... anarchiste