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Message Publié : 14 Sep 2010 19:41 
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Ce sujet a été effleuré sur un autre fil, ce qui m'amène à poser explicitement la question du rapport Nietzsche/idéologie nazie. On sait que Nietzsche a exprimé maintes fois son horreur de l'antisémitisme, et du nationalisme; néanmoins, on trouve assez souvent sous sa plume des phrases qu'on aurait pu entendre, sans doute dans un style plus pédestre, de la bouche d'Hitler.
Quelques citations:
sur le pouvoir sans limite que les forts ont légitimité à exercer sur les faibles:
"l'essentiel d'une véritable et saine aristocratie sera d'accepter d'un coeur léger le sacrifice d'une foule innombrable de gens qui devront, dans son propre intérêt, être opprimés, réduits à l'état d'êtres incomplets, d'esclaves, d'instruments".
Car "vivre c'est essentiellement dépouiller, blesser, subjuguer, l'étranger et le faible, l'opprimer, lui imposer durement nos propres formes, l'incorporer et au moins et au mieux l'exploiter." ("Par delà le bien et le mal")
Personnellement, j'aurais tendance à penser que l'apologie de la force sous sa forme la plus grossière et la plus brutale comme ci-dessus n'est qu'une élaboration de compensation en réponse au sentiment intime de sa propre faiblesse, voire exprime des dispositions masochistes, a fortiori quand on est soi même chétif et souffreteux comme l'était FN, mais passons.

Les campagnes d'euthanasie hitlériennes sont préfigurées dans de telles déclarations: "périssent les faibles et les ratés: premier principe de notre amour des hommes. Et qu'on les aide encore à disparaître!"
Il est heureux pour Nietzsche qu'il n'ait pas vécu sous le IIIe Reich, on peut supposer que les médecins nazis se seraient fait un devoir de l'aider à disparaître avant même de lui laisser le temps d'écrire de telles phrases.

Médecins euthanasieurs dont l'existence est en substance souhaitée par FN lorsqu'il évoque la possibilité de créer une nouvelle responsabilité, celle du "médecin, pour tous les cas où le plus haut intérêt de la vie, de la vie ascendante, exige que l'on écarte et que l'on refoule sans pitié la vie dégénérescente, par exemple en ce qui concerne le droit de procréer, le droit de naître, le droit de vivre". ("Le crépuscule des idoles")

J'ai de la peine à comprendre comment certains intellectuels de gauche ont pu considérer que FN était une penseur démocrate voire même humaniste, avec d'ailleurs la même inconséquence qui fait que d'autres (ou les mêmes) ont pu annexer Sade à leur cause.

C'est un petit jeu auquel on peut se livrer sur un forum d'histoire: poser la question : "qu'auriez-vous fait si vous aviez vécu en Allemagne en 1936?"
Dans le cas qui nous occupe, on peut se demander ce qu'aurait fait Nietzsche s'il avait vécu à cette époque--s'il n'avait pas été gazé sur la base de sa syphilis incurable bien sûr.
Son mépris du nationalisme et de l'antisémitisme l'aurait-il protégé contre une adhésion intellectuelle et matérielle au nazisme? Ou , comme une grande partie des élites allemandes traditionnelles, cet élitiste aurait-il passé sur la vulgarité essentielle des nazis au bénéfice du fait que, par ailleurs, ils étaient seuls capables de réaliser une bonne partie de ce qu'il préconisait et de dompter les masses?
En fait, très peu d'intellectuels "aryens" , y compris des penseurs bien plus humanistes que FN, se sont opposés au nazisme, du moins intialement . Très peu ont émigré, même Thomas Mann a trouvé des côtés positifs au régime au début, quitte à se raviser plus tard. Certains en ont grandement bénéficié, comme Heidegger. D'autres ont pu continuer à enseigner ou à écrire, à condition d'apporter un soutien de pure forme.
Donc c'est une question assez vaine >:)


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Message Publié : 14 Sep 2010 20:53 
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Nietszche n'aurait pas supporté Hitler ni le nazisme, j'en suis vraiment convancu. Il aurait détesté le spectacle théatral du nazisme. Je puise ma proposition dans ce qu'il a dit de Wagner dans le cas Wagner:
"... la maladie wagnérienne: l'extreme sensiblité, l'instabilité du caractère et les sautes d'humeur et dans les oeuvres, les ruptures multiples, la recherche des narcotiques propres à la névrose moderne, le gout des effets brutaux et artificiels ... "
" Wagner ne compose pas de la belle musique mais de la musique à effets ... Ce qui domine chez lui ce n'est pas la pensée impérieuse qui met de l'ordre mais le chos et le gout de l'infini qui s'exprimeraient dans l'abandon de la mélodie bien définie. Nous avons à la place les folles passions, l'enflure solemnelle et pompeuse des grandes paroles et des grands symboles.
Voilà du sur mesure pour qualifier le nazisme.
Sur les juifs, Nietszche a écrit:
" les juifs sont sans aucun doute la race la plus forte, la plus résistante et la plus pure qui existe en europe; ils savent s'imposer meme dans les plus mauvaises conditions (mieux meme que dans les meilleures) grace à certaines vertus ...
" Ils pourraient dès maintenant exercer leur prépondérance et meme leur donmination sue l'europe; c'est un fait qu'ils n'y travaillent pas... ils aspirent à s'établir enfin quelque part où ils soient respectés et tolérés."
" Il serait peut être utile d'expulser du pays les braillards antisémites ".
Nietszche aurait demandé l'expulsion d' Hitler dès sa montée qui lui aurait été odieuse.
Par contre FN critique la Bible et la morale juive d'amour des faibles qui préfigure la morale chrétienne.

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Message Publié : 14 Sep 2010 21:19 
Qu'il y ait des ressemblances voire des influences pour le nazisme, rien d'exceptionnel. Il faudrait lire Timothy Ryback et son livre sur la bibliothèque privée d'Hitler. On sait, via Mein Kampf, qu'il a beaucoup lu à Vienne, Nietzsche aussi je crois. Pour le reste, et malgré qu'il se considérait comme un excellent lecteur ("Dès ma jeunesse, je me suis efforcé de bien lire et j'ai été heureusement servi par ma mémoire et mon intelligence", MK), la lecture doit toujours être éloignée de tout intérêt. Je veux dire par là que n'importe quel lecteur pourra, à travers les lignes, trouver son compte. De plus, un lecteur se fait, se façonne, au gré de centaines de lectures et d'auteurs. N'en retenir qu'un ne peut convenir. L'influence du pangermanisme sur Hitler a certainement dû être bien plus importante. Si Hitler n'a que cinq ans lorsque la Ligue pangermaniste est créée (1894), il voit le développement de ce mouvement qui imprègne même les plus hautes sphères politiques (Guillaume II). C'est une époque où l'Empire Allemand continue sa fulgurante ascension économique, brille culturellement (Nietzsche, Max Planck, Mommsen, Thomas Mann), se dote d'une flotte qui inquiète la Grande-Bretagne, assoit son impérialisme, etc.

Un livre de Arno Münster a au demeurant été consacré à ce sujet-là, qui rappelait que Nietzsche était critique envers l'Allemagne et sa culture, et qu'il n'était certes pas antisémite.

Tonr a écrit :
C'est un petit jeu auquel on peut se livrer sur un forum d'histoire: poser la question : "qu'auriez-vous fait si vous aviez vécu en Allemagne en 1936?"
Dans le cas qui nous occupe, on peut se demander ce qu'aurait fait Nietzsche s'il avait vécu à cette époque--s'il n'avait pas été gazé sur la base de sa syphilis incurable bien sûr.


Tous ceux qui y répondent sont des héros, tout le monde en 1940 en France aurait été résistant, et tout le monde, face à Hitler, l'aurait héroïquement abattu, évitant une deuxième guerre mondiale et un génocide.


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Message Publié : 14 Sep 2010 22:12 
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Moi j'en suis moins sûr, ne serait-ce que parce que, ainsi que dit plus haut, pratiquement aucun intellectuel allemand, sauf et encore les intellectuels juifs, ne s'est opposé à Hitler au début.
Je pense que oui, FN aurait été choqué de l'enflure oratoire hitlérienne, du mauvais goût nazi, de la vulgarité des leaders etc.
Mais c'était exactement ce que reprochaient les élites allemandes à AH, et cela ne les a pas empêchées de le soutenir, même si en se bouchant le nez: il fallait bien passer sur certaines imperfections regrettables si Hitler était par ailleurs le seul à pouvoir réaliser leurs principaux desiderata et à garantir leurs intérêts de classe.
Je pense que ce mépris intime allant de pair avec un soutien par nécessité aurait été l'attitude de FN, quitte à se raviser plus tard, mais en gardant pour soi cet éloignement, pour des raisons d'autopréservation évidentes.
Sur le rejet de l'antisémitisme par FN, il n'y a aucun doute, mais il est arrivé à Nietzsche d'utiliser des expressions et des clichés antisémites dans ses écrits, je me souviens qu'il parle à certains endroits de "nez crochu", il faudrait que je retrouve où. Il est par contre assez nettement antijudaique, contre la réligion juive, contre son invention du monothéisme, de la dialectique "talmudique", etc.
A part le rejet de la morale des esclaves et de l'apologie du droit absolu des forts de disposer des faibles comme ils l'entendent, il y a d'autres aspects de la pensée nietzschéenne qui se prolongent dans l"idéologie nazie: sa misogynie et son renvoi de la femme à des fonctions peu différentes du KKK nazi, son antichristianisme, sa haine de la démocratie-il ne fait aucun doute qu'il aurait été contre la république de Weimar et l'aurait critiquée de façon virulente, contribuant à sa fin--, son anti-égalitarisme, son mépris du socialisme.
De nombreux penseurs se sont évertués à dissocier la philosophie de FN de toute responsabilité à avoir inspiré, par certains de ses aspects, l'idéologie nazie. Ils ont rejeté la responsabilité de ce malentendu sur des falsifications de ses textes par sa soeur Elizabeth Forster, qui aurait en particulier censuré des passages stigmatisant la bêtise des antisémites, dont elle faisait partie.
Le fait est que si sur certains points, les points de vue de FN s'opposent frontalement à l'idéologie nazie, sur d'autres points, dont le plus central est selon moi l'adhésion au darwinisme social et à théorie de la validité de la loi naturelle dans le corps social, la parenté est évidente.
FN étant un penseur contradictoire, il a suffi pour les nazis d'ignorer certaines parties de ses textes et de ne garder que ce qui allait dans leur sens.
C'est également ce qu'ils ont fait avec Gobineau par exemple, dont ils ont ignoré le philosémitisme et le rejet de toute pratique raciste pour ne garder que sa théorie de l'inégalité des races et de la supériorité de la race aryenne.
Dès le départ, il y avait des aspects de la philosophie de Nietzsche qui pouvaient clairement devenir dangereux si récupérés par certaines entités politiques. Qui sont exactement ces forts qui ont tous les droits, quelles sont les qualités qui vous font entrer dans cette élite? Ce n'est pas clair chez FN; n'importe qui , n'importe quel pouvoir triomphant par la violence ne peut-il se prévaloir d'appartenir à cette aristocratie qui a tous les droits du fait même de détenir le pouvoir?
Si l'on est antichrétien et si l'on n'admet pas l'existence de droits naturels possédés par tout individu, comme le font tous les penseurs anti-lumières, dès lors le seul axiome qui reste comme fondement de la marche des sociétés humaines, c'est celui selon lequel la force créée le droit, principe au fonctionnement circulaire qui peut servir à justifier tous les pouvoirs en place, même les plus abusifs.
Un homme qui laisse trainer des allumettes à portée d'un fou ne porte t'il aucune responsabilité si ce dernier allume un incendie?

Citer :
Tous ceux qui y répondent sont des héros, tout le monde en 1940 en France aurait été résistant, et tout le monde, face à Hitler, l'aurait héroïquement abattu, évitant une deuxième guerre mondiale et un génocide.

Un peu banalité de comptoir, Mécène (sans vouloir vous vexer) , de plus ce n'est pas la question que j'ai posée, et donc quel rapport avec le débat?


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Message Publié : 14 Sep 2010 22:25 
Simplement, cher Tonnerre, car je ne vois pas vraiment l'utilité d'un tel questionnement. A quoi bon chercher à savoir ce que l'on aurait fait dans telle ou telle situation. Du reste, le propos de comptoir est justement ce que je dénonce. :wink:
Il est en effet bien simple de se considérer a posteriori comme le sauveur de l'humanité ("moi j'aurais fait ci, moi j'aurais fait ça, moi je n'aurais jamais collaboré"). C'est pourquoi se demander ce que Nietzsche aurait fait ("Dans le cas qui nous occupe, on peut se demander ce qu'aurait fait Nietzsche s'il avait vécu à cette époque") ne m'apparaît pas intéressant. Nous sommes le cas échéant dans les conjectures. Mais peut-être ai-je tort.


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Message Publié : 15 Sep 2010 9:08 
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L'homme supérieur de Nietszsche ne peut pas être cet individu médiocre, inculte, ce raté, ancien caporal de l'armée, qualifié de fou dangereux par un haut général allemand, méprisé par l'élite militaire et parvenu par l'agitation politique et les circonstances, le chomage de masse, la déroute monétaire, le désarroi de l' Allemagne.
Nietszche est un homme de haute culture, exigeant sur le plan des idées. Les idées du nazisme sont sommaires.
Par ailleurs, il est en grande partie inexact que les intellectuels aient approuvé Hitler, comme ils l'ont fait avec Staline. On parle de silence des intellectuels, ce qui n'est pas pareil. Hitler exerçait une grande terreur sur les personnes et les familles. Un patriote allemand pouvait hésiter à arrêter Hitler dans son ascension, craignant qu'on se méprenne sur son opposition. S'opposer après le plébiscite du 19 aout 1934 est difficile: 38 M. de oui contre 4 M de non pour réunir les fonctions de président et de chancelier. L'élite se tait mais pas toute l'élite.
Certains écrivains n'ont pas hésité malgré cette terreur policière et la propagande énorme, à s'élever contre Hitler, obligés de quitter le pays, dont Heinrich et Thomas Mann, Döblin, Arnold Zweig, Franz Werfel, Ludwig Fulda, notamment.
L'opposition à Hitler a été bien plus importante qu'on ne le mentionne en général, tant il a été peu écrit sur ce point: Voir le sujet sur l'opposition à Hitler dans l'entre-deux guerres qui montre qu'une partie de l'église, la majorité des pasteurs, un grand nombre d'officiers supérieurs, d'hommes politiques, se sont opposés à Hitler.http://www.passion-histoire.net/viewtop ... 48&t=25537

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Message Publié : 15 Sep 2010 10:55 
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Citer :
Il est en effet bien simple de se considérer a posteriori comme le sauveur de l'humanité ("moi j'aurais fait ci, moi j'aurais fait ça, moi je n'aurais jamais collaboré"). C'est pourquoi se demander ce que Nietzsche aurait fait ("Dans le cas qui nous occupe, on peut se demander ce qu'aurait fait Nietzsche s'il avait vécu à cette époque") ne m'apparaît pas intéressant. Nous sommes le cas échéant dans les conjectures. Mais peut-être ai-je tort.


Ce n'était qu'un jeu un peu facile et que j'ai clairement qualifié d'assez vain (mais de tels caveats et nuances clairement échappent à certains :mrgreen: ), quelque chose pour lancer la discussion, et ce n'est pas du tout ce qui est au centre du débat. Ce qui débattu sur ce fil (qu'alain a bien compris) est quels sont les éléments de la pensée de FN qui ont été repris tels quels dans l'idéologie nazie (sans déformation manifeste)?
Et quels sont les éléments de sa pensée qui s'y opposent clairement?

S'y opposent clairement les déjà mentionnés quasi-philosémitisme du philosophe (certains ont même voulu voir dans le juif moderne selon FN, décrit comme catalyseur intellectuel, agent de création d'idées, une sorte d'incarnation de l'übermensch), ainsi que son antigermanisme et antinationalisme. Sa francophilie aussi, FN a une grande estime pour la culture française, du moins une majorité de ses manifestations.
Son mépris pour les masses s'oppose aussi à la notion nazie que le volk, les traditions et façons de penser collectives d'un peuple, sont l'alpha et l'omega de la culture; pour FN, individualiste foncier, ni la culture, ni l'effort volontaire de sublimation vers une surhumanité dont elle est l'aboutissement ne sont des affaires collectives. il ne peut y avoir de race, de peuple de surhommes, le surhomme n'existe qu'à l'échelle individuelle. Pour la même raison, il ne peut y avoir de supériorité collective d'un groupe national ou racial sur un autre.
Autre point sur lequel FN s'oppose à l'idéologie nazie, du moins en partie: il ne considère pas que l'Etat ait par le fait même qu'il est l'Etat, tous les droits sur le groupe qu'il gouverne.
L'Etat n'est légitime à employer la contrainte et la force sur les peuples, à ses yeux, qui si c'est pour atteindre des buts d'un ordre plus élevé que le simple renforcement et conservation de son pouvoir, ces buts valables devant être d'un ordre spirituel et culturel.
Ces conditions liées à l'exercice de la force par l'Etat sont liées à la distinction qu'il établit entre Macht (dans sa sémantique, quelque chose comme pouvoir), Kraft (force au sens de force matérielle) et Gewalt (violence).


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Message Publié : 15 Sep 2010 13:52 
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Un tour sur Wiki me confirme ce que je pensais à savoir que les intellectuels allemands s'étaient bien opposés à Hitler mais que l'histoire était resté muette sur le sujet. J'ai en effet pris deux des plus grands écrivains allemands de l'entre deux guerres dont les ouvrages ont été des chocs considérables en Allemagne: Ernst von Salomon et Remarque, sans cesse réédités, y compris en France.
Or, pour Remarque, on lit: " Son livre À l'Ouest, rien de nouveau (Im Westen nichts Neues), roman pacifiste sur la Première Guerre mondiale, connut, dès sa parution en 1928, un succès mondial retentissant et reste l'un des ouvrages les plus remarquables sur le premier conflit mondial. Ce livre fut brûlé lors des autodafés nazis dès 1933. Remarque s'exila en Suisse, puis aux États-Unis et y obtint sa naturalisation en 1947.
Pour von Salomon: Wiki: " Ce hobereau prussien issu d'une famille d'origine huguenote et lorraine fut ennemi des démocrates autant que de la démagogie hitlérienne.
Profondément marqué par sa formation à l'École des Cadets de Karlsruhe où il entre à douze ans, il se rapproche des milieux nationalistes après la défaite de 1918, puis rejoint les Corps Francs ... Membre de l'Organisation Consul, il est condamné à cinq ans d'emprisonnement pour complicité dans l'assassinat du Ministre des Affaires étrangères libéral, Walter Rathenau en 1922.
A leur arrivée au pouvoir, les nazis lui offrent des honneurs qu'il refuse. Durant cette période, il écrit des scénarios pour la UFA, la grande société de production cinématographique allemande, en s'abstenant de tout engagement politique ".
L'histoire retient les intellectuels qui crient leur opposition, qui communiquent sur le sujet. Les intellectuels allemands se sont peu exprimés sous Hitler quand ils risquaient leur vie, en cas d'opposition. Ils se sont tus aussi après la guerre, en constatant que pour l'opinion allemande, s'opposer à Hitler n'était pas toujours compris.
je viens de prendre un 3é cas, celui de Ernst Junger, grand écrivain et plilosophe, homme de droite. Encore un refus de coopérer qui a du attrister hitler. Wiki: " Approché par le parti nazi du fait de son passé d'ancien combattant et de ses écrits patriotiques, il refuse toute participation et démissionne même de son club d'anciens du régiment en apprenant l'exclusion des membres juifs. Dès avril 1933, la Gestapo perquisitionne sa maison et il est surveillé en permanence par le régime. Il refuse le 18 novembre de la même année de siéger à l'Académie allemande de littérature où il a été élu le 9 juin[16]. Il quitte Berlin pour Goslar. En 1936, il se retire à la campagne, à Überlingen tout d'abord, puis à Kirchhorst. Il entreprend dans les années qui suivent des voyages plus ou moins lointains (Norvège, Brésil, France, Rhodes)."

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Message Publié : 15 Sep 2010 15:05 
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Vous plaisantez alain, de citer von Salomon comme exemple de résistance au nazisme?
Von Salomon était d'extrême droite, ex membre des Freikorps, ayant participé à des putschs de droite dans les années 20, fait de la prison pour sa participation dans l'assassinat de Rathenau comme vous le soulignez. Rathenau qui a été assassiné surtout pour son rôle politique mais aussi parce qu'il était juif.
IL n' a jamais été un enthousiaste fanatique du nazisme mais de son propre aveu l'a suivi avec des yeux intéressés voire relativement bienveillants jusqu'en 33, où il s'en est détaché.
Ce qui lui déplaisait dans le nazisme, comme à beaucoup de nobles prussiens, ce n''était pas tant son idéologie de nationalisme exacerbé, de violence et de bellicisme mais la vulgarité de ses leaders, le rôle qu'y jouaient les masses, les grands rituels collectifs qui répugnaient à cet individualiste aristocrate, etc.
Certes, il s'est tenu dans son coin, à distance, alors qu'il aurait pu obtenir des honneurs et des profits s'il s'était ouvertement rallié. Mais il est resté en Allemagne et a très correctement vécu de travaux littéraires en faisant le dos rond, ce qui évoque assez le comportement de certains français pendant l'occupation allemande et Vichy.
Vous appelez ça s'opposer au nazisme?
Salomon était dans ce type de rationalisation et d'évasion de responsabilité typique d'une grande partie des officiers allemands sous le IIIe Reich: que faire la guerre en France et en Russie, ce n'était pas servir le nazisme mais servir son pays. Et que seuls comptait l'héroisme et la valeur militaire en soi, peu importait que cela ait été mis au service de cette cause ; à la veille de sa mort, il célébrait les SS, qui selon lui n'avaient rien à voir avec le nazisme mais étaient simplement des "preux" .
Cette volonté de dépolitisation de réalités éminemment politiques, cette capacité à s'abuser soi-même et à disculper les membres d'une organisation dont le noyau même était l'idéologie nazie me semblent aux antipodes de toute idée de remise en cause sur le fond et sur l'essentiel du nazisme. Il y a tout au plus la différence entre deux formes de droite: la droite traditionnelle des élites allemandes et la droite moderne, révolutionnaire et populaire du nazisme.
vs a pu être en désaccord sur certains aspects relativement périphériques du nazisme, ou sur l'antisémitisme du fait que sa femme était juive, et sur le style plébéien de ce mouvement, mais ce désaccord n'était pas assez profond et radical pour qu'on puisse considérer qu'il a été vraiment en rupture avec lui après son arrivée au pouvoir;
je ne critique absolument pas cette attitude chez VS non plus que je ne me permettrai de jeter la pierre aux Français attentistes durant la DFM mais rester à distance, se taire et garder un profil bas n'équivalent pas à s'opposer: si l'on adopte votre définition, la quasi-totalité des Français, sauf les collaborateurs, se seraient opposés aux allemands pendant la DGM.
Quant à Thomas Mann, il a été encore plus bienveillant envers les nazis à ses débuts.
L'itinéraire typique de beaucoup d'intellectuels allemands a été: sympathie initiale puis méfiance, recul et profil bas. Et dans le cas de Mann, départ.
Je reviendrai sur le cas de Remarque et de Junger dans un autre post pour ne pas être trop long.
Je disais simplement--et ce n'est pas du tout l'essence de ce débat, j'insiste--qu'on peut supposer que FN aurait suivi le même chemin, d'autant plus que c'est un peu ce qui s'était passé avec Wagner, sous l'emprise de qui il s'était un moment laissé entrainer à un certain antisémitisme voire à une certaine admiration non dénuée de chauvinisme pour la culture et la mythologie allemande--c'est à cette période qu'on trouve, parait il, les quelques remarques a relents d'antisémitisme qu'il a faites. Pour ensuite prendre ses distances avec le musicien et rejeter ces positions.

http://books.google.fr/books?id=jd-YQqA ... 22&f=false


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Message Publié : 15 Sep 2010 15:33 
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A leur arrivée au pouvoir, les nazis lui offrent des honneurs qu'il refuse. Durant cette période, il écrit des scénarios pour la UFA, la grande société de production cinématographique allemande,


Qui contrôlait la UFA à votre avis?
La UFA a été dès l'origine sous contrôle du gouvernement allemand, crée par lui pendant la PGM pour produire des films de propagande. Cela n'a fait que croître et embellir avec l'arrivée des nazis sur la scène politique: en 27, Alfred Hugenberg , sympathisant nazi, en prit la direction. De fait, après l'arrivée d'AH au pouvoir, c'était Goebbels qui dirigeait la UFA.
Travailler pour la UFA, c'était travailler pour les nazis, et tout ce qui y était créé, tous ceux qui y travaillaient devait être approuvé par eux.


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Message Publié : 15 Sep 2010 17:13 
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Vous avez très bien continué, Tonr, ce que je voulais dire et que j'ai dit d'ailleurs, c'est-à dire que beaucoup de grands intellectuels n' approuvaient pas le nazisme et qu'ils ne pouvaient ou ne voulaient pas l'exprimer. Certes, ils ne se sont pas opposés à Hitler, c'était quasiment impossible, mais ils ne l'approuvaient pas. La terminologie évolue en cours de discussion.
A remarquer que plusieurs ont des idées de droite, contestent le régime de Weimar, se sentent profondément allemands et parfois pensent comme Nietszche à plusieurs titres.
Ce qui permet de poser que plusieurs thèmes nitszchéens viennent de plus haut dans la philosophie allemande, s'inspirent des idées du temps concrétisées par Darwin sur l'importance de la force, de la violence et de la victoire pour renforcer l'espèce. Nietzsche étend le darwinisme à la philosophie et à la politique.
Dès lors, quand Hitler et ses nazis, si médiocres et si vulgaires intellectuellement, adoptent ces idées, ce n'est pas FN qui est appliqué mais tout un courant de pensée né au 19è siècle et qui s'oppose aussi bien aux idées socialistes de partage qu'aux idées chrétiennes d'égalité des hommes et de dignité qui ont abouti à la démocratie.
Bien sur qu' Hitler aime la force, le combat, déteste la démocratie, mais il pêche ses idées dans un large courant.
Meinecke explique bien que beaucoup de thèmes nazis remontent à l'évolution intellectuelle antérieure, cette "ivresse de puissance" est bismarckienne et remonte au militarisme prusso-allemand. Louis Chevalier spécialiste des idées politiques le voit ainsi et reprend que c'est le passage de l'homo sapiens à l'homo faber qui a tué l'ame du peuple allemand !!!
Je doute d'ailleurs que le caporal qui commence à manifester ses idées dans l'après guerre, ait compris quoi que ce soit à FN, l'avait-il seulement lu d'ailleurs en 1920 ? Par contre il a pu connaitre le jeune Ernst von Salomon, qui comme lui et bien d'autres dans ce temps de désespoir allemand, retrouvait des idées nietszchéennes assez partagées alors.
Il me revient maintenant que c'est ce type d'explication des idées nazies qui était enseigné à l' IEP de Paris. Le nom de Nietzsche n'était pas prononcé en cours d'histoire politique du 20è siècle.
L'explication était bien plus large. Réduire à FN le nazisme est un contresens. Je ne plaisante donc pas.

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Message Publié : 16 Sep 2010 10:47 
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Comme on le voit ci-dessous dans le deuxième lien cité, essentiellement, les intellectuels qui ont quitté l'Allemagne étaient d'abord ceux qui ne pouvaient pas rester, étant ou pensant devenir victimes des persécutions nazies suite à leurs opinions politiques de gauche, marxistes ou socialistes/libérales, et/ou de leurs origines juives.
C'est le cas de Remarque, antiguerre et de gauche, dont dès sa sortie le livre "A l'Ouest rien de nouveau" avait été accueilli par des émeutes nationalistes. La droite nationaliste, dès avant l'avénement de AH, le détestait et l'attaquait régulièrement dans ses journaux, il s'est donc exilé en 31, suite à l'interdiction du film tiré de son livre et de ses démêlés judiciaires consécutifs, et ses livres furent bannis dès l'arrivée des nazis au pouvoir.
C'est le cas de Brecht, communiste, et du musicien qui a fait la musique de ses pièces/opéras, Kurt Weill, juif. C'est le cas du philosophe et critique littéraire Walter Benjamin, juif, qui s'est exilé en 33, puis s'est suicidé en 40 devant l'avancée des troupes allemandes en France et n'arrivant pas à fuir en Espagne,
C'est le cas de Georg Bernhard, socialiste, de Lion Feuchtwanger, écrivain juif, et ce qu'on ignore, auteur du roman "Le juif Süss" qui était un roman dénonçant l'antisémitisme au départ qui a été détourné en un film antisémite lorsqu'il fut adapté au cinéma par Veit Harlan. Feuchtwanger a fui en 33 suite au pillage de sa maison de Berlin par les SA et au fait qu'il ait été déchu de sa nationalité et de son titre de docteur.
C 'est celui de Helmut von Gerlach, journaliste très influent de la République de Weimar, pacifiste et antinationaliste, de l'écrivain Stefan Heym, juif , de Heinrich Mann, frère de Thomas, écrivain démocrate progressiste et antimilitariste, auteur du roman "Professor Unrat" dont a été tiré le film "L'ange bleu", exilé en 33, de Golo Mann fils de T. Mann, et de Klaus Mann, autre fils de T. Mann, un écrivain très intéressant dont j'ai lu plusieurs livres et que je recommande vivement.
C'est aussi le cas du dramaturge Ernst Toller, emprisonné de longues années pour sa participation à la République de Münich, auteur de la pièce connue "Hoppla wir Leben" (Hoppla nous sommes vivants") mise en scène par Erwin Piscator, de gauche aussi , créateur de la Volksbühne" (théâtre prolétarien), et également exilé. Toller s'est exilé très tôt parce qu'il avait conclu prophétiquement que les forces démocratiques ne seraient pas de force à arrêter la montée du nazisme. Citons encore le metteur en scène de cinéma Fritz Lang, juif, le dessinateur et caricaturiste de gauche George Grosz, Alfred Döblin, juif, écrivain auteur du roman connu 'Berlin Alexanderplatz", exilé en 33.
Et celui que Göbbels appelait "le prince rouge", le prince Hubert von Löwenstein, appartenant à la maison de Wittelsbach, et qui fonda une Académie pour les intellectuels allemands en exil. Et beaucoup d'autres.
Comme l'expose l'ouvrage cité en deuxième lien, peu d'intellectuels qui n'étaient pas forcés de partir pour leur sécurité, à fortiori peu d'intellectuels de droite sont entrés en rebellion ouverte. Certainement pas Ernst von Salomon, qui est mentionné dans cet ouvrage donné en lien sur google, ("Anti-nazi writers in exile", de Egbert Kryspin) comme étant justement un de ceux qui n'ont pas émigré et ne se sont pas vraiment opposés au nazisme. Par contre on peut dire que Ernst Junger, intellectuel nationaliste dont le stock d'idées n'était pas loin du nazisme, et qui fut à un moment pas très loin de la "gauche nazie" et proche de Otto Strasser, a fait plus (comme le souligne justement alain) que de prendre ses distances discrètement comme Salomon , il a eu des gestes exprimant (mais plus tard) une vraie protestation. Il a aussi, comme presque tous les officiers de droite qui désapprouvaient secrètement le nazisme, participé à la guerre et tenu un journal de la période de l'occupation en France, qu'il a faite comme tel.
D'autres rares exemples d'intellectuels ayant des valeurs de droite mais ayant néanmoins émigré et exprimé leur refus du nazisme sont le poète Stefan George, un peu un d'Annunzio allemand pour les thèmes d'inspiration , qui a quitté l'Allemagne très tôt et a même donné des instructions dans son testament pour qu'on ne ramène pas sa dépouille en Allemagne avant plusieurs décennies. Thomas Mann, typiquement, a été attiré intellectuellement par le nazisme pendant longtemps--rappelons qu'il écrivait en 39 un article sur Hitler, publié dans le magazine anglais Esquire , intitulé "The Man is my Brother", (Cet homme est mon frère) , titre assez éloquent. Ce sont ses enfants, plus à gauche que lui, qui l'ont poussé à l'exil, et pendant des années il a songé à revenir dans son pays malgré la domination nazie.

http://resistanceallemande.online.fr/exil/exil3.htm
http://books.google.fr/books?id=gfyka3O ... J7wg&hl=fr


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Message Publié : 16 Sep 2010 11:34 
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Toller s'est exilé très tôt parce qu'il avait conclu prophétiquement que les forces démocratiques ne seraient pas de force à arrêter la montée du nazisme


Désolé, une ligne a sauté dans ce post, ce n'est pas Toller qui s'est exilé très tôt, et a vu venir de loin le triomphe du nazisme, c'est le journaliste Kurt Tucholsky, satiriste, pacifiste de gauche, fondateur du Weltbühne.


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Message Publié : 16 Sep 2010 14:17 
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Pour revenir à l'influence de Nietzsche sur l'idéologie nazie et pour alimenter le débat, quelques citations de Zeev Sternhell, extraites de son ouvrage "Les antilumières, une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide" (disponible en Folio histoire); sans être toujours d'accord avec l'auteur, il est toujours stimulant à lire:

"Le long combat de l’auteur de "Par-delà le bien et le mal" contre les Lumières, l’humanisme, l’égalité, la démocratie, en jouant un rôle de premier plan dans l´éducation de toute une génération d’Allemands, n’a-t-il pas contribué à ouvrir une brèche qui a permis cette usurpation inacceptable en soi ? Pourquoi une telle mésaventure n’a-t-elle pu arriver à l’œuvre de Tocqueville ou à celle de Benjamin Constant ?..
Quand une oeuvre est accaparée et pillée sans vergogne comme celle de Nietzsche par les nazis, ne convient-il pas quand même de se demander si elle n'y prêtait pas le flanc?"

"Certes, le plus grand ennemi que la pensée des Lumières ait jamais connu est incontestablement Nietzsche. Sa figure formidable domine le tournant du XXème siècle. Pourtant, par son antinationalisme violent, par son anti-antisémitisme intense, par son cosmopolitisme sans faille, par son individualisme aristocratique, par sa francophilie, Nietzsche occupe une place à part. Il contribue à nourrir la révolte contre les droits de l’homme, le libéralisme et la démocratie, il donne le cachet du génie à l’antirationalisme et l’anti-universalisme et nul n’a fait plus que lui pour tourner en dérision la prétention à l’égalité. Il est, contrairement à ce que l’on prétend souvent, un penseur politique très conscient de la signification de son œuvre (j’imagine que la référence à une telle conscience pourrait venir rétroactivement justifier l’emploi de « fondateur »). Cependant, cet aristocrate de la pensée ne descend pas dans la rue. La campagne politique sur le terrain sera menée par les hommes qui prendront sur eux la tâche de traduire en termes de politique des masses aussi bien le travail de Nietzsche que celui de la génération précédente. Ils se feront sciemment publicistes, simplificateurs et vulgarisateurs."

Il y a au moins un point de ce paragraphe avec lequel il est difficile d'être d'accord: qualifier l'antisémitisme de FN d' "intense". Comme dit plus haut, FN a utilisé des expressions et des clichés antisémites, mais c'était surtout durant la période où il était influencé par Wagner. Et surtout, l'antisémitisme chez lui ne joue aucun rôle sur le plan théorique, il ne constitue en aucun cas un des axes séminaux de sa pensée.
Dans ses textes proprement réflexifs, FN au contraire se montre élogieux envers les juifs , au point que certains commentateurs ont pu dire que le philosémitisme dont il fait preuve serait une sorte de racisme à rebours, un racisme de valorisation, un racisme positif en quelque sorte, qui confirmerait néanmoins le rôle spécial des juifs dans l'humanité, rôle de catalyseur intellectuel, rôle même d'agent d'internationalisation des cultures, de destruction des nationalismes;
ce qui est identique à ce que leur reproche le nazisme, sauf que c'est jugé favorablement chez Nietzsche. Ce qui va donc aussi dans le sens d'une confirmation du cliché antisémite du pouvoir redoutable des juifs...


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Message Publié : 16 Sep 2010 16:20 
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Inscription : 08 Juil 2010 19:35
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Décidément, c'est la journée des erreurs: je viens de réaliser que Sternhell parle d'anti-antisémisme et non d'antisémitisme. Autant pour moi :oops: , une telle bourde me surprenait de la part de Sternhell.


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