Zunkir a écrit :
Ce qui s'apparente le plus à des textes sacrés chinois (les "classiques") sont des textes rituels ou annalistiques qui ont par la suite pu recevoir des interprétations éthiques.
Il me semble qu'il y a déjà là une différence essentielle: ces textes, attribués je crois à Confucius, ne sont pas la vérité révélée par un dieu transcendant.
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Je ne pense pas qu'on puisse dissocier rituel, loi et éthique, puisque le rituel peut prendre une fonction symbolique très large, visant à être en accord avec le cosmos, l'ordre du monde que tout doit respecter. Ainsi, Le Rituel de la Musique chinois a été interprété comme ayant une fonction éthique forte, moralisatrice, permettant de mettre les choses en accord avec l'ordre du monde.
Je ne connais pas le cas chinois. Mais prenons les Grecs. Ni les rituels ni la mythologie grecques ne dictent une morale. Les dieux incarnent des comportements, des valeurs, mais ils ne dictent pas une conduite à l'homme, ils illustrent plutôt différentes valeurs et situations. Par exemple l'aversion pour l'hubris est quelque chose qui ne vient pas des dieux, mais qui s'impose à eux comme aux hommes.
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Le fait est que, à la différence de la tradition des "religions du livre", le courant dominant de la pensée chinoise n'a jamais vu le groupe des "classiques" comme figé, et a pu le faire évoluer. Mais au fond le fait qu'un corpus de textes soit figé n'empêche pas qu'il reçoive des interprétations variables au cours du temps, et qu'en plus il ne suffise pas : c'est pourquoi à chaque fois le Livre sacré monothéiste a été complété (par les Talmud, hadiths, canons et autres textes interprétatifs)
. Même si la Tradition ajoute des textes, la Torah, le Nouveau Testament et le Coran ont un statut plus élevé, et ont d'ailleurs été figés pour l'éternité.
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Mais partout un discours religieux peut avoir des interprétations multiples, et être vu sous plusieurs aspects, que ce soit cosmologique, éthique, rituel ou normatif, souvent tout cela est imbriqué dès qu'un texte se voit concéder une fonction sacré et passe au statut de référence incontournable. La question est ensuite de savoir ce qu'on en fait, mais l'écrit fige toujours ce qui peut être interprété comme une vérité.
Les exégèses passent, la lettre des textes sacrés reste.
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Au final, on en revient à des constats habituels : les religions monothéistes exclusivistes ont effectivement des particularités mais elles partagent des traits communs avec les autres religions.C'est comme voir le verre à moitié vide ou à moitié plein.
Non, précisément, les religions monothéistes abrahamiques sont radicalement différentes des autres religions. Jan Assmann, dans Le prix du monothéisme, a une très belle expression pour dire cela: le monothéisme a inventé, avec sa vérité révélée une nouvelle "catégorie de vérité". Il appelle ces religions ces "contre-religions", précisément parec qu'elles déclarent comme fausses, idolâtres, et donc à éradiquer, toutes les autres.
PS: ceci nous fait dériver par rapport à la question, mais explicite le contexte de ma question, et ramène d'ailleurs au fil "Pas de conflit religieux hors du monothéisme?" que Clio a fermé, prématurément à mon goût! Cette notion de "nouvelle catégorie de vérité" , cette spécificité du monothéisme, est insuffisamment reconnue à mon avis. Mais c'est elle qu'on retrouve lorsque, avec Hans Küng et d'autres que j'ai déjà cités, on s'aperçoit que l'éthique de la Torah n'est guère différente de celle des peuples environnants, mais que c'est son origine réputée divine, d'un dieu transcendant, qui en fait toute l'originalité. Cf. l'introduction du fil "Pas de conflit religieux hors du monothéisme?" que j'aurais aujourd'hui tendance à reformuler en "Pas de guerre de religion hors du monothéisme?", au sens guerre civile pour laquelle les combattants ont pour motivation des questions de théologie et de doctrine ,motivation qui s'analyse plus comme une peur de la contagion par l"hérésie que comme un mobile identitaire , ethnique ou autre