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Message Publié : 18 Avr 2011 21:16 
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Jean Mabillon
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Dans le deuxième tome de son "Histoire de l'antisémitisme" (que j'ai rouvert à propos d'un autre fil), Léon Poliakov écrit:

"le culte de la race germanique, qui surgit en Allemagne au XIXème siècle, est un phénomène sans analogie dans les autres pays: parmi les nationalismes européens qui commencent à rivaliser en exaltation, aucun ne prend cette forme biologisée".
Etes-vous d'accord avec cette constatation? Et si oui, à quoi attribuez vous le fait que le nationalisme allemand ait pris une forme aussi biologisée à cette époque, avec une obsession de la pureté du sang et une croyance en l'existence d'une "race" allemande dont l'équivalent n'existe pas chez les autres nations à l'époque, du moins pas au même degré.
L'explication par la transposition biologique de concepts linguistiques (le concept de langues indo-européennes) ne me parait pas une explication entièrement convaincante.

Cet accent sur le biologique est d'autant plus surprenant que ce n'est pas prioritairement en Allemagne (à ma connaissance) qu'ont été effectuées les premières grandes découvertes en matière de sciences naturelles (sur la notion d'espèces animales par exemple) dont la transposition à l'humain est un des fondements de la pensée raciste.

Poliakov cite plusieurs penseurs allemands qui sont à l'origine de ce culte de la race, dont les principaux sont Ernst Moritz Arndt et Friedrich Jahn.
Arndt craignait à ce point le mélange des sangs, et l'abatardissement qui s'ensuivait selon lui, qu'il prescrivait des mesures strictes de séparation des "races" à côté desquelles les mesures nazies paraissent laxistes. A la différence des nazis, il n'était pas spécialement préoccuppé du mélange possible des Allemands avec des éléments de "race" juive, pour lui tous les mélanges étaient mauvais. Il faisait de fréquentes comparaisons entre les différentes "races" et les différentes espèces d'animaux et préconisait qu'on organise la reproduction humaine en Allemagne suivant les méthodes des éleveurs de chevaux anglais.
A ses yeux, le déluge évoqué par la Bible avait été un châtiment de Dieu pour punir les premiers abatardissements.
Jahn était un professeur de gymnastique dont le nom est à retenir parce qu'il est à l'origine d'une "caporalisation des mouvements de jeunesse" , notamment des mouvements étudiants (dixit Poliakov). Sa phobie de tout ce qui était non-germain allait jusqu'à vouloir expurger tous les mots allemands d'origine étrangère, de même que l'art et la littérature devaient être expurgés de tout apport étranger. Tous les actes importants de la vie des Allemands devaient être accomplis en costumes folkloriques allemands lol . Selon une vieille tradition germanique :?: :?: les femmes allemandes devaient s'habiller en costume traditionnel (Volkstrache): vert pour les fillettes, rouge pour les vierges, bleu pour les épouses, brun pour les matrones et orange pour les prostituées.
Ces excentricités diverses ne l'ont pas empêché de développer des mouvements de jeunesse où étaient pratiqués les sports, les activités de plein air et la vie naturelle et qui comptaient des milliers d'adhérents. Dans ce sens, on peut dire que lui et sa philosophie ont été une influence puissante sur les mouvements de jeunesse hitlériens. Il semble aussi avoir été un précurseur de l'écologie et des mouvements pro-animaux: comme Hitler, il était passionné par les animaux , et végétarien.
On peut comprendre ce désir d'épurer la germanité de tous les apports étrangers et ce très fort sentiment anti-français comme une réaction à la Révolution et aux invasions françaises, mais à première vue, je ne trouve pas d'explication satisfaisante à cette obsession germanique de la pureté raciale apparemment unique en Europe à cette époque.


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Message Publié : 18 Avr 2011 22:06 
Salut Tonnerre (ça faisait longtemps),

Très intéressante question. J'avoue ne pas avoir de réponse précise et touffue là-dessus.
Cela dit : 1-l'Allemagne a connu son premier Reich jusqu'en 1648. 2-elle connaît son 2° Reich à partir de 1871.
De 1648 à 1871 l'Allemagne n'a donc pas d'Etat, pas de frontière, pas d'administration.... Elle a disparu ! rayée des cartes... Il n'y a plus de nation allemande ; alors comment savoir qui est vraiment allemand ? On se fie alors au sang, à la famille, à la race, à la lignée.
Le recours à la race est donc un placebo pour pallier à un manque de repères dû à l'absence du Reich allemand éclipsé de 1648 à 1871.


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Message Publié : 19 Avr 2011 9:22 
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Jean Mabillon
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De 1648 à 1871 l'Allemagne n'a donc pas d'Etat, pas de frontière, pas d'administration.... Elle a disparu ! rayée des cartes... Il n'y a plus de nation allemande ; alors comment savoir qui est vraiment allemand ? On se fie alors au sang, à la famille, à la race, à la lignée.
Le recours à la race est donc un placebo pour pallier à un manque de repères dû à l'absence du Reich allemand éclipsé de 1648 à 1871.


Oui, c'est possible, mais est-ce qu'il n'y avait pas d'autres types de repères utilisables pour remédier à cette confusion que vous soulignez à juste titre? J'ai lu que vers la fin XVIIIe/début XIXe, l'Allemagne comptait plus de 300 entités politiques distinctes, principautés, duchés, villes indépendantes etc.
Le facteur d'unification de cette dispersion politique aurait pu après tout être d'ordre culturel, et non racial.
Cela dit, l'accent mis sur le particularisme en général dans le romantisme allemand et la germanomanie est une réaction à l'universalisme et à la définition culturelle de la citoyenneté de la Révolution française. Peut être que l'argument racial est retenu parce qu'il représente la forme la plus aigue de particularisme--je ne sais pas si je me fais bien comprendre. :P


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Message Publié : 19 Avr 2011 9:46 
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Jean-Pierre Vernant
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Hé bien je ne suis absolument pas spécialiste de la question et pourtant de ce que j'ai pu entrevoir du racisme et de l'eugénisme se répandant dans le monde occidental au XIXe siècle j'avoue trouver que ce qui c'est passé en Allemagne n'est finalement qu'une expression extrême de pensées latentes. Si vous lisez Lovecraft par exemple, en particulier sa nouvelle La Rue, vous verrez combien sa pensée raciale a une horreur absolue de l'étranger, de la "perversion" de la race américaine hérité du vieux continent par des nouveaux venus, forcément oisifs, dégénérés, mauvais, idiots... On en retrouve chez Renan par exemple qui définit des races aux tâches réparties en fonction de ce qu'il pense être leur spécialité... La spécificité allemande me semble surtout venir du fait que cette conception biologique est très restrictive et ne prend en compte que la "germanité" ce qui, dans un contexte de nationalisme exalté qui lui-même se comprend très bien à travers ce que peche a rappelé. La ferveur nationaliste entraine les plus extrêmes vers une définition restreinte de leur propre groupe germanique qui se développe, comme partout ailleurs, à l'exclusion des Autres, les étrangers, des gens suspects et dégénérés.

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Message Publié : 19 Avr 2011 10:01 
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J'imagine aussi que le Drang nach Osten, et donc la dissémination au fil des siècles de Volksdeutsche dans de nombreux pays d'Europe, imposait d'établir une identité qui soit supérieure aux Etats, ne s'y incarne ni ne s'y fonde pas. Vous dites que le facteur d'unification aurait pu être culturel, et non racial : il me semble qu'il a été à la fois l'un et l'autre, et que c'est précisément l'association de la culture et de la race qui a été recherchée !


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Message Publié : 19 Avr 2011 10:03 
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Complétement, d'autant que je viens de me rappeler que l'on est alors, partout en Occident assez touché par l'anthropométrie qui s'échine à définir des profils criminels, des indices se voulant scientifiques pour déterminer la supériorité des blancs sur les noirs.

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Message Publié : 19 Avr 2011 11:37 
En effet, l'un n'empêche pas l'autre, et à côté du culte de la race il me semble bien que la culture allemande ait été mise en avant, notamment à travers l'écriture gothique.


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Message Publié : 19 Avr 2011 12:06 
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Jean-Pierre Vernant
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Il y a tout un ensemble de facteurs sans doute ; je pense ici à la récupération des fameux passages de la germanie de Tacite :

[2] II. Quant à la population, je suis porté à la croire indigène et moins mélangée qu'ailleurs par l'établissement ou le passage de races étrangères.

[4] IV. Du reste je me range à l'avis de ceux qui pensent que le sang des Germains ne fut jamais altéré par des mariages étrangers, que c'est une race pure, sans mélange, et qui ne ressemble qu'à elle-même. De là cet air de famille qu'on remarque dans cette immense multitude d'hommes : des yeux bleus et farouches ; des cheveux roux ; des corps d'une haute stature et vigoureux pour un premier effort, mais peu capables de travail et de fatigues, et, par un double effet du sol et du climat, résistant aussi mal à la soif et à la chaleur qu'ils supportent facilement le froid et la faim.

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Message Publié : 19 Avr 2011 12:18 
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Jean Mabillon
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... La spécificité allemande me semble surtout venir du fait que cette conception biologique est très restrictive et ne prend en compte que la "germanité" ce qui, dans un contexte de nationalisme exalté qui lui-même se comprend très bien à travers ce que peche a rappelé.


Je précise que je connais assez bien le côté français de la question (ma spécialisation), beaucoup moins bien le côté allemand.
J'ai travaillé sur la pensée "raciale" de Renan (article) , et ma conclusion était que le mot de race chez Renan n'a pas de substrat authentiquement biologique comme dans la démarche allemande (je suis d'accord que cette dimension bio coexiste avec une dimension culturelle en Allemagne, ce que je dis, c'est qu'elle n'est pas présente, ou pas au même degré en France).
Le problème quand on discute de cette question est que le mot de race recouvre différentes acceptions selon les époques, les lieux, et même les personnes et qu'il faut examiner de près ce qu'il recouvre avant de poser que la pensée de tel ou tel est vraiment raciste au sens moderne du terme.

Chez Renan, donc, la définition de la race n'est pas biologique (le livre de Renan sur lequel je me base est "La Réforme intellectuelle et morale").
Dans ce livre, entre autres, il passe en revue les causes de la défaite de la France en 70.
Selon lui, et à titre de rappel, la principale cause de cette défaite, c'est l'égalitarisme démocratique qui a gangrené le pays suite à la Révolution. Renan propose donc comme remède le retour à une monarchie constitutionnelle, l'abolition du suffrage universel, l'élection censitaire d'une chambre de notables, le respect des hiérarchies.
Mais à ces explications purement politiques, il superpose une explication apparemment raciale: si l'égalitarisme démocratique s'est imposé, c'est en résultat d'une évolution ethnique de la population française: la dominante nordique germanique qui s'était établie suite aux invasions du premier millénaire et qui avait (selon lui) donné naissance à la noblesse et à la féodalité est en train de succomber à l'offensive démocratique des populations latines: "la France comme l'Angleterre est en train d'expulser son élément germanique, cette noblesse fière, obstinée, intraitable".
Voilà apparemment une pensée clairement raciale, sinon raciste, qui reprend d'ailleurs à peu de chose près les théories sur la noblesse = Francs, le peuple = Gaulois du marquis de Boulainvilliers (je résume schématiquement).
Or si l'on cherche à décrypter dans ce que dit Renan, ce qu'il entend par germanité, on constate que si la noblesse, c'est les Francs germains, la germanité... c'est la noblesse. C'est à dire que la germanité pour lui est prouvée simplement par le fait d'appartenir à une élite dominante guerrière.
Aucune référence à des critères biologiques rigoureux style certificat d'aryanité et extraits de naissance d'ancêtres sur 4 générations ou plus: dans l'approche de Renan, le seul fait d'appartenir à l'élite nobiliaire vous qualifie ipso facto comme de race germanique/supérieure. En plus du fait que c'est un bel exemple de logique circulaire/tautologique (on est de race supérieure si l'on est dominant, et les gens de race supérieure ne peuvent être que dominants), on voit que le contenu de cette supériorité raciale est en fait politique, non biologique, puisque la condition nécessaire et suffisante pour être considéré comme de race germanique, c'est de détenir le pouvoir.
Et donc, j'aurais tendance, jusqu'à preuve du contraire B) , à être de l'avis de Poliakov sur l'importance spécifique du critère biologique de la race dans la pensée allemande.

Anecdotiquement, le mot "antisémitisme" serait selon lui une invention allemande, d'un certain Wilhelm Marr, ex socialiste typiquement passé à droite, mot qui se serait ensuite répandu rapidement en Allemagne et en Europe.


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Message Publié : 19 Avr 2011 13:44 
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Jean-Pierre Vernant
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J'ai pris l'exemple de Renan surtout pour parler d'un contexte. Il n'était pas scientifique et son expression du racisme est donc représenté par son domaine de réflexion. mais il était un homme de son siècle d'une certaine manière et la traduction de sa pensée n'est pas une manifestation unique et déviante. Il y a il me semble un fond complexe d'une pensée qui conscientise l'homme blanc comme supérieur, cela en adéquation avec la réussite économique, politique et militaire de l'Europe, puis des Etats-Unis sur la scène internationnale, réussites servant d'exemple prouvant cette supériorité. Or, cela s'est déroulé dans un autre contexte frappant principalement le monde occidental ; les nationalismes. Il en découle une volonté de fortifier son identité propre qui procède de l'unité. Cela se matérialise avant tout par un rejet de l'Autre, un raidissement des positions frontalières... Je dirais donc qu'autour de ces éléments il se cristalise un catalyseur pour une expression du racisme. Néanmoins, ce catalyseur, ce contexte particulier n'explique pas tout comme vous l'indiquez et la question du racisme "biologique" restreint à un peuple dit supérieur ne s'exprime pas partout. Malgré tout, comme je le disais plus haut, la science qui est en pleine expansion alors est elle aussi convoquée de manière plus ou moins grossière pour représenter les différences entre l'homme blanc et l'homme noir, reléguant le second, après toute une suite de mesures anthropométrique à un stade inférieur de l'évolution, entre les singes et l'homme. cela s'est traduit par un grand nombre de gravures où l'on représentait des fasciès ; l'inclinaison de la face me semblait être un des arguments déterminant. Dans le même temps et dans la droite ligne de l'eugénisme de Galton on procédait à des études fondées sur la mesure précise du crâne et des proportion des hommes visant à faire émerger tant les criminels que les inférieurs. Tout ce "travail" dépasse la seule Allemagne et apporte à l'édifice de la réflexion raciale une justification scientifique de ses postulats.
Comme vous le dites par contre, effectivement il semble que ce ne soit qu'en Allemagne que se soit d'une manière aussi stricte exprimé la supériorité d'une race "nationale", forte, vigoureuse, pure. Mais à cette époque où le nationalisme convoque souvent l'Histoire je me demande si l'impact des textes antiques n'a pas justement apporté son poids pour faire naitre ce particularisme, notamment à travers tacite....? En tout cas les nazis ont, il me semble, axé une partie de leur propagande sur la recherche archéologique des ancètres primordiaux des Allemands.

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Message Publié : 19 Avr 2011 19:32 
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Jean Mabillon
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Je suis en train de lire un ouvrage sur Edouard Drumont, le plus célèbre antisémite français, et je trouve sous sa plume une corroboration de la thèse de Poliakov, à savoir que l'antisémitisme a pris en Allemagne un tour biologique qu'il n'a pas, ou guère, pris en France; la " judaité" étant clairement définie sur des critères essentiellement culturels dans ce pays.
Exemple: après l'affaire du duel entre le marquis de Morès, antisémite et aventurier haut en couleur, et Armand Mayer, à la suite duquel Mayer perdit la vie après s'être vaillamment battu, Drumont écrit dans son journal "La Libre parole" qu'il était dommage qu'un individu aussi valeureux n'ait pas versé son sang sur le champ de bataille.
Sur la victime juive de ce duel, un journal de province conservateur et assez antisémite écrit que "quiconque porte l'épée n'a pas l'âme juive".
Ce qui rejoint un peu ce que je citais de Renan ci-dessus , chez qui tout individu possédant des qualités guerrières reçoit ipso facto sa carte de membre de la "race supérieure".
A noter qu'en Allemagne, les règlements de divers corps constitués et associations interdisaient à un Allemand de se battre en duel avec un juif.
A noter aussi que le flamboyant marquis de Morès, qui avait de gros besoins d'argent, était régulièrement en affaires avec l'aventurier et affairiste juif Cornelius Herz.


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Message Publié : 19 Avr 2011 23:39 
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Jean Froissart
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J'ai l'impression à vous lire que vous oubliez les anglais ...

Autant il serait excessif dans le contexte de la fin du XIXème siècle d'envisager une porosité entre la vision raciste qui se développe en Allemagne et celle que la France va également connaître, autant il me semble intéressant de comparer sur ce point le début du délire en Allemagne et ce qui se dit et se pense alors au sein de l'empire britannique.

Les français connaissent mal la personnalité et les idées de Cecil Rhodes. Il était britannique, il a oeuvré en Afrique Australe, tout celà est bien loin.
C'est un tort ... Ses écrits sont très éclairants même si ils n'ont en rien engagé le gouvernement anglais pour ce qui était de l'aspect raciste de ses conceptions (et encore, faut voir ...)
Pour synthétiser, le haut de la pyramide humaine est anglo-saxonne, donc anglo-germanique. A eux revient le "fardeau de l'homme blanc".

Quatre étages en dessous, on trouve les latins. Il est à noter sur ce point le scandale énorme, en 1912, lorsque devant la commission du congrès, des officiers survivants du Titanic déclarèrent sous serment que tout le monde était resté calme à bord, sauf les italiens immigrants qui s'étaient livrés à de regrettables débordements de panique ... no comment, isn't it ? L'ambassadeur d'Italie dut déposé une déclaration officielle de protestation auprès du secrétariat d'Etat ...

Après les latins ... il y a le reste de la planète, et "pour eux, ce sera très dur ...." (dixit Coluche)

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"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

Yves Modéran


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Message Publié : 20 Avr 2011 7:44 
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Oui, mais dans le cas britannique on en revient au problème de départ : ce n'est pas sous-tendu par des critères biologiques rigoureux. On parle abondamment de "race britannique" aux époques victorienne et édouardienne, on glose beaucoup sur les ferments d'aspiration à la liberté et aux droits politiques que la population insulaire tiendrait des temps saxons, mais au bout du compte la supériorité britannique reste tout de même démontrée du point de vue culturel et historique : c'est l'esprit d'entreprise, le courage, le goût du voyage et des libertés... la Britishness, en somme. Les Anglais auraient peut-être eu ça "dans le sang", mais cela restait, pour ainsi dire, une façon de parler.

Le racisme politique britannique de cette époque est bien plutôt un hygiénisme : l'entreprise coloniale offre la perspective d'une régénération de la race, au sens biologique cette fois, en somme la possibilité de contrecarrer les conséquences débilitantes de l'ère industrielle par l'émigration.

La constante, c'est l'idée que la race blanche prime sur les autres, et au moins sur la race noire, y compris du point de vue biologique - ce qui fait craindre les conséquences d'un métissage. En revanche, je ne crois pas que les Britanniques aient développé un discours fort et audible postulant leur supériorité génétique sur leurs voisins européens, ou même plus simplement la nécessité de préserver le capital génétique de chaque "race" européenne en évitant qu'elles ne se mélangent.


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Message Publié : 20 Avr 2011 8:54 
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Jean-Pierre Vernant
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En évoquant Galton je faisais mention implicite aux Britanniques et à la naissance sur leur sol d'une partie du racisme scientifique.

Mais une chose me vient à l'esprit ; l'Allemagne n'a pas eu un véritable empire colonial (et après 1918 elle n'en a plus du tout). Or le comportement raciste français et anglais est avant tout dirigé contre l'Autre, visuellement différent ; le noir. Un grande partie des théories et des "recherches" vont être menés pour faire du noir un inférieur diamétral de l'homme blanc (théories qui seront relayés avec les autres "races" rencontrés). Ce constat mis en parallèle avec une phrase d'Aimé Césaire me semble tout à fait troublant, je le cite en substance : "Ce que l'homme bourgeois du XXe siècle n'a pas supporté avec Hitler c'est qu'il a appliqué en Europe des principes coloniaux dont ne relevaient jusque là que les noirs ou les coolies de l'Inde".
Serait-ce donc l'absence de translation véritable au delà des mers qui aurait conditionné l'esprit raciste allemand autour des frontières restreintes de son Empire?

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Message Publié : 20 Avr 2011 11:44 
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Jean Mabillon
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'ai l'impression à vous lire que vous oubliez les anglais ..


Je n'en ai pas fait mention, mais je ne les oublie pas B) , étant donné que je connais l'histoire anglaise mieux que l'allemande.
Mais comme Vestitudo le rappelle, la question n'était pas l'existence ou non d'un racialisme ou racisme dans divers pays d'Europe au XIXème siècle, existence qui a des degrés divers est évidente mais de la forte base biologique donnée à ces idées, qui selon Poliakov, serait propre à l'Allemagne.
L'hypothèse de Pedro est intéressante et vaut d'être examinée; pour le moment il est également éclairant de signaler que beaucoup des travaux pseudo-scientifiques du type physiognomonie et phrénologie datant de la seconde moitié du XIXe siècle, étaient dûs à des savants allemands ou qui appartenaient à l'orbe civilisationnelle germanique.
Lavater, l "inventeur' de la physiognomonie, qui permettait soi-disant de déchiffrer la personnalité et les capacités d'un individu d'après sa morphologie faciale, était suisse allemand.
Le créateur de la phrénologie, Frantz Joseph Gall, était allemand. Par ailleurs anatomiste brillant, il mit au point cette théorie "locationniste" selon laquelle les différentes aptitudes intellectuelles et affectives humaines seraient localisées dans des zones spécifiques du cerveau, zones dont le développement plus ou moins marqué impacterait la forme du crâne. D'où l'existence de "bosses de l'amitié" ou "bosses des mathématiques", expressions passées dans le langage populaire.
Ces bosses crâniennes seraient en fait créées par les positions habituelles du bébé quand il dort.
Ces théories phrénologiques ont été diffusées par un disciple de Gall, Spurzheim, et ont servi de base théorique aux travaux du criminologue Lombroso sur les prédispositions innées à la criminalité (théorie du "criminel né");
pour ce qui nous intéresse, les travaux de Lavater et de Gall ont également servi de référence scientifique à des auteurs anglais et américains divers pour justifier l'infériorité naturelle des peuples colonisés ou réduits en esclavage par leur peuple.
Pourquoi ce rôle majeur des Allemands dans ce type de recherches au milieu et à la fin du XIXe?
Est-il simplement indicatif d'un intérêt plus marqué des scientifiques alllemands pour le domaine des sciences naturelles et de la biologie? Ou peut on suspecter au contraire que ces questions biologiques intéressaient particulièrement les intellectuels allemands en raison de la large acceptation préalable dans la société allemande du concept de "race germanique" --au sens moderne du mot race?


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