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 Sujet du message : Ernst Jünger
Message Publié : 04 Juil 2006 15:03 
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Plutarque
Plutarque

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En suite d'une discussion sur la bibliothèque idéale des nazis, je me permets de poster un vieil article concernant Ernst Jünger :

ELEMENTS POUR UNE BIOGRAPHIE POLITIQUE D’ERNST JÜNGER

« A mon grand-père, Franz KISTERS, qui disparut, en 1945, aux abords de Breslau, lors d’une guerre civile entre Européens. »

LA JEUNESSE AVENTUREUSE

Le futur écrivain et homme politique sujet à polémiques, Ernst JÜNGER, naquit le 29 mars 1895 à Heidelberg. Il était l’aîné d’une famille de sept enfants dont deux mourront en bas âge. A ce titre de « Stammhalter » (= fils aîné), il supporta l’autorité de son père qui, comme nous le verrons, infléchira, à plus d’une reprise, l’orientation que prenait son destin.
D’emblée, plusieurs traits marquent la jeunesse de JÜNGER. D’abord, la technique, il naît dans une famille qui, d’une certaine manière, incarne le progrès et le triomphe de la science. Son père, Ernst Georg JÜNGER fut d’abord chimiste avant de s’installer comme pharmacien. Parmi ses frères, nous trouvons Hans Otto (°1905/+1976) qui deviendra physicien et le cadet de la famille, Wolgang (°1908/+1975), qui se consacra à la géographie. Quant à son frère Friedrich Georg (°1898/+1977), avec lequel il partagea la plupart des grandes expériences de sa vie, il rédigea plus tard un essai intitulé « La perfection de la technique » (= Die Perfektion der Technik).
Outre la technique, un deuxième sceau imprima de son signe le caractère et l’esprit d’Ernst JÜNGER, à savoir un goût prononcé pour le voyage, un nomadisme tant spatial qu’intellectuel. Dès l’enfance, il suivit les pérégrinations de sa famille à travers l’Allemagne. Elève distrait et peu assidu, il changeait souvent d’école. Ses performances dans le domaine littéraire ne suffisaient pas à compenser sa nullité en mathématique. Durant sa quinzième année, il trouva l’évasion en lisant les romans d’aventures de Karl MAY, DUMAS, VERNE ou POE. Dès lors, quoi d’étonnant à ce que cet invétéré rêveur adhéra aux Wandervögel (= les oiseaux migrateurs), un mouvement de jeunesse, inspiré par le romantisme allemand, qui critiquait l’industrialisation, prônait un retour à la terre et soutenait une attitude à la fois nationale, populaire et pacifiste. Avec ses compagnons, parmi lesquels se trouvait son cadet de trois ans, Friedrich Georg, il parcourut, sac au dos, les plaines et forêts tudesques. Déjà, il publiait ses premiers articles et poèmes dans différents journaux du Hanovre. Il faut croire que les escapades agrestes ne suffisaient pas à assouvir son irrépressible besoin de dépaysement, puisque, à l’automne 1913, Ernst JÜNGER fuguait pour s’engager dans la Légion étrangère à Verdun, en trichant sur son âge. Il signa un contrat pour cinq ans et rejoignit Marseille, avant de s’embarquer pour Alger et de rejoindre le centre d’instruction de Siddi-bel-Abbes. Mais son père refusait que son rejeton disparût en Orient. Il obtint le rapatriement de son fils par la voie diplomatique, en arguant du fait qu’il était mineur. Le pater familias ne lui adressa aucun reproche. Il parvint à convaincre Ernst d’achever ses études, en lui promettant qu’il l’autoriserait à participer à une expédition dans le Kilimandjaro. Vingt ans plus tard, l’auteur nous contera ses mésaventures dans « Jeux africains » (1936). Durant la fin de ses études, il découvrit NIETZSCHE dont la philosophie sous-tendra l’oeuvre de JÜNGER.
Enfin, Mars marqua de son signe la jeunesse de JÜNGER. Dès le 1er août 1914, il s’engageait comme volontaire dans l’armée. Néanmoins, il acheva ses secondaires selon une procédure accélérée, avant de suivre sa formation militaire et d’être incorporé dans le 73e régiment de fusiliers, unité avec laquelle il combattit pendant toute la guerre. Il reçut son baptême du feu en Champagne, le 27 décembre 1914. Son premier récit de guerre, « Orages d’acier », s’ouvre d’ailleurs sur cet épisode. Blessé une première fois, il mit à profit sa convalescence pour s’inscrire à des cours universitaires, entre autres des conférences sur la zoologie. Son père le convainquit de suivre une formation d’officier. De retour au front, son courage suscita vite l’admiration de ses camarades. Toujours à la pointe du combat, il collectionna un nombre impressionnant de blessures dont il dressa l’étrange inventaire à la fin d’ « Orages d’acier » : quatorze impacts pour vingt cicatrices ( plusieurs projectiles l’avaient transpercé). Pendant la bataille de Langemarck, il sauva son frère Friedrich Georg qui était officier dans le même régiment (29 juillet 1917). Blessé pour la septième fois, il reçut l’« Ordre pour le Mérite », décoration créée par un géant de l’Histoire, Frédéric II de Prusse, et qu’HITLER, ce gnome, supprima. En temps normal, cette décoration n’était pas décernée à de simples lieutenants, mais plutôt à des officiers de rangs supérieurs. Un certain Erwin ROMMEL mérita également cet honneur insigne. Ernst JÜNGER sortait donc des forges de la première guerre industrielle, auréolé de gloire et muni du grade de capitaine.
Après la guerre, il s’engagea dans la Reichwehr avec le grade, inférieur, de chef de section, ce qui était le sort de la plupart des cadres, car l’ancienne armée wilhelmienne fournissait une surabondance d’officiers que ne pouvait absorber les 100.000 hommes de la République de Weimar. Ses premiers écrits d’après guerre consistèrent en un manuel d’instruction de l’infanterie et trois articles de tactique pour le « Militärwochenblatt », l’hebdomadaire de la Reichwehr. Dans ces derniers, il insiste sur la nécessité de tirer les leçons du passé, et donc de la Première guerre mondiale qui a vu l’avènement de la technique. Ce fait explique peut être en partie l’évolution du militaire vers le penseur : JÜNGER ressentait le besoin de réorganiser son expérience par l’écriture.
En 1920, il s’était installé dans la ville d’Hanovre, quand KAP et LÜTWITZ tentèrent un putsch d’extrême-droite. En tant qu’officier, il fut chargé d’opérations de police - empêcher les pillages, éviter les affrontements ou les lynchages -, mais il ne participa pas personnellement à l’écrasement de l’insurrection. En ces circonstances, JÜNGER montra son respect de la légalité et son scepticisme devant l’action des extrémistes.

LE SOLDAT ECRIVAIN

La même année, il éditait son premier livre. Comme beaucoup d’autres anciens combattants, Ernst JÜNGER avait tenu à jour des carnets de guerre. Nombre de récits relatant leur expérience personnelle furent publiés dans les Années ‘20, mais peu se distinguaient dans la grisaille de la littérature issue des tranchées - de la même manière que nous avons oublié la plupart des mémorialistes de l’époque napoléonienne -. Une fois de plus, c’est le père d’Ernst qui le persuada de publier, à compte d’auteur, ses souvenirs de guerre. JÜNGER avait trouvé le titre, aux connotations si modernes, « Orages d’acier » (= Stahlgewitter), dans les récits épiques de l’Edda; ainsi l’expression qui évoquait à l’origine le heurt d’objets métalliques s’appliqua au choc des puissances industrielles.
On connaît le célèbre roman de REMARQUE, « A l’Ouest, rien de nouveau », mais ce dernier a combattu dans les tranchées pendant une courte période et son oeuvre dénonce les méfaits de la guerre. En revanche, « Orages d’acier », qui rencontra un succès immédiat, se distinguait par le ton détaché, impassible et descriptif qu’adoptait son auteur. Comme un entomologiste étudiant une bataille entre termites et fourmis, JÜNGER observait, de façon précise et froide, l’horreur sans qu’elle l’atteigne. Au contraire, ce spectacle lui inspirait des réflexions poétiques. Au cours de son récit, il ne fait jamais référence aux causes et aux buts du conflit; il l’aborde comme une chose en soi, un événement qui engendre sa propre signification. Dans son esprit, il s’agissait d’un affrontement entre l’individu et l’Etre de la guerre, dont les survivants sortaient transformés, parce qu’ils avaient surmonté l’épreuve. Il n’y avait que deux manières de la vivre : en victime dominée par l’esprit de l’esclave, ou en homme libre qui accepte son destin, qui déclare l’Amor Fati. Comme l’écrivait NIETZSCHE « Tout ce qui ne me tue pas, me rend plus fort. ». Dans son esprit, la guerre n’était pas seulement une entité destructrice, puisqu’elle engendrait dans son grand oeuvre une nouvelle humanité, une génération d’hommes jeunes et combatifs qui n’éprouvaient que mépris pour les valeurs bourgeoises. Ces hommes nouveaux opposaient le sens de l’action pour l’action au calcul, l’inconfort à la quiétude du foyer, le goût du danger au sentiment de sécurité, le dédain des besoins matériels à l’esprit de lucre, la camaraderie aux groupes d’intérêts.
L’année suivante, il s’essaya sans grand succès à la poésie expressionniste et publia son premier essai, « La guerre comme expérience intérieure » (= Der Kampf als inneres Erlebnis) ainsi qu’une deuxième version d’« Orages d’acier » .
En 1923, il démissionna de l’armée, afin de reprendre ses études à l’Université de Leipzig, à la fois dans les domaines de la philosophie et de l’entomologie, science de patience et d’observation qu’il pratiqua de son enfance à sa mort. Parallèlement, il poursuivit la rédaction d’ouvrages, qui hésitent entre le récit et l’essai, sur la Grande Guerre et ses conséquences par « Le lieutenant Sturm » et « Le Boqueteau 125 ». Avec la parution de « Feuer und Blut » ( = feu et sang) en 1925, il acquit un statut d’écrivain reconnu. La même année, il rencontra Gretha von JENSEN, qu’il épousa.
A trente ans, Ernst JÜNGER avait derrière lui une vie déjà bien remplie. Au sortir de la guerre, il était un officier réputé; ensuite, il avait acquis une notoriété littéraire - dont il retirait des revenus suffisants pour subvenir à ses besoins -; malgré les instances de Félix KRÜGER, un des principaux chefs de file du néovitalisme, il avait refusé de s’engager dans une carrière universitaire; enfin, il s’était marié. Ce que beaucoup d’hommes ne parviennent pas à réaliser durant leur existence, JÜNGER l’avait accompli en trois décennies.

L’ECRIVAIN SOLDAT

Jusqu’à présent, il ne s’était guère engagé dans la politique active. En 1923, il avait bien fréquenté quelque temps le cercle des corps francs de ROSSBACH, un anti-communiste acharné qui avait tenté de l’attirer dans son orbe, afin qu’il représentât son organisation. Mais Ernst JÜNGER n’estimait aucunement les personnages peu recommandables et intéressés qui gravitaient dans la nébuleuse des corps francs; en conséquence, il quitta l’organisation. Pourtant, il avait conscience de vivre un période cruciale de l’histoire, ainsi que ses écrits l’attestent.
A la même époque, il écrivit un article intitulé « Revolution und Idee » pour le « Völkischer Beobachter », journal du parti nazi, dans lequel il prêchait pour un nationalisme-révolutionnaire et la nécessité de la dictature. A ce moment, le parti nazi n’était qu’un groupuscule parmi d’autres. Il l’abandonna vite pour se diriger vers la principale ligue d’anciens combattants, le Stahlhelm (= casque d’acier).
Le fait n’a rien d’étonnant dans une période où tous les mouvements politiques se croisaient, à la recherche d’une nouvelle stabilité. La République de Weimar était, selon l’expression de PALMIER, un « effroyable imbroglio idéologique ». Bien sûr, l’extrême-droite raciste et le communisme demeuraient inconciliables, mais entre ces deux pôles, il est difficile de trouver des points de repères. Les notions de gauche et droite n’ont plus guère de sens lorsqu’il s’agit de classer la multitude de mouvements qui agitaient la République. Dans le cercle littéraire qu’animait l’éditeur ROWOHLT, on rencontrait aussi bien Bertold BRECHT que GOEBBELS. Les tenants de tous les courants politiques se côtoyaient, discutaient et parfois épousaient les idées de leurs « adversaires ».
C’est en septembre 1925 qu’il franchit le premier pas. L’ancien chef de corps franc, Helmuth FRANKE créa la revue « Die Standarte » (= L’étendard), un supplément à l’hebdomadaire Der Stahlhelm (= Le casque d’acier), l’organe de la ligue d’anciens combattants du même nom, qui compta jusqu’à un million d’adhérents. La ligue avait été interdite en 1922-1923, puis avait adopté une attitude légaliste que n’acceptaient pas les jeunes radicaux. Pour les apaiser, la direction créa un supplément à sa revue, dans lequel ils pouvaient s’exprimer. JÜNGER fut associé à la direction avec Franz SCHAUWECKER, un autre écrivain issu du front. Ernst JÜNGER publia d’ailleurs la première version de « Feuer und Blut » aux éditions du Stalhelm. La revue se démarqua très vite du nationalisme soldatique classique, en refusant tout recours aux élections, en critiquant la thèse du « coup de poignard dans le dos » ou en soulignant que certains militants de gauche avaient bien combattu durant la Première Guerre mondiale. De tels propos n’eurent pas l’heur de plaire à la direction du Stalhelm, qui se débarrassa de l’encombrante équipe dont la revue cessa de paraître en mars 1926. JÜNGER, SCHAUWECKER, FRANKE et KLEINAU fondèrent un autre périodique intitulé « Standarte » (sans l’article) qui était toujours imprimé par la Frundsberg Verlag, la maison d’édition du Stalhelm, dirigée par SELDTE. Dans les colonnes de la nouvelle revue, JÜNGER appela les anciens combattants à s’unir pour fonder une « république nationaliste des travailleurs ». Dès le mois d’août, le gouvernement interdit la publication du périodique pour trois mois, parce qu’il avait publié un article favorable aux assassins d’ERZEBERG et RATHENAU. SELDTE profita de l’occasion pour donner son congé à FRANKE. Sur ces entrefaites, JÜNGER remit sa démission. En novembre 1926, JÜNGER et FRANKE s’associèrent à Wilhelm WEISS pour coéditer la revue « Arminius ».
A partir de 1925, ses récits de guerre prirent un tour plus politique. Le « Boqueteau 125 » et « Feuer und Blut » furent rédigés pour mettre l’expérience de la guerre au service d’un nationalisme révolutionnaire et technicien qui culminera dans « Le Travailleur ». Il retravailla la troisième version d’« Orages d’acier » dans le même sens. Dans les éditions ultérieures, il retirera les passages trop marqués par le pathos nationaliste.
En juillet 1927, Ernst JÜNGER aménagea à Berlin, où il rencontra de nombreux intellectuels, entre autres dans le cercle qu’animait l’éditeur ROWOHLT, tels que l’écrivain et ancien des corps francs Ernst VON SALOMON, le futur ministre de la propagande nazie Joseph GOEBBELS, le théoricien du droit et du politique Carl SCHMITT, l’auteur de théâtre Bertold BRECHT, ou encore l’historien Eduard MEYER. Le fait que des personnages aussi divers fréquentassent le même cercle, montre à quel point les courants d’idées se mêlaient sous la république de Weimar.
En compagnie de son frère Friedrich GEORG, il fréquenta de manière assidue la mouvance national-bolchevique groupée autour d’Ernst NIEKISCH et de sa revue « Widerstand » (= Résistance), à laquelle Ernst JÜNGER collabora régulièrement jusqu’en septembre 1933. Surtout, il se lia d’amitié avec Ernst NIEKISCH et l’illustrateur A. Paul WEBER.
D’autre part, il rencontra le jeune Werner LASS (°1902) qui avait fondé avec l’ancien chef des corps francs, ROSSBACH, la Schilljugend, un mouvement de jeunesse qui tentait à la fois de renouer avec l’esprit romantique et aventureux des Wandervögel et de se doter d’une organisation communautaire, hiérarchisée à l’instar d’une armée. En 1927, LASS rompit avec ROSSBACH et créa son propre mouvement de jeunesse, la Freischar Schill, dont JÜNGER devint bientôt le parrain. En outre, JÜNGER et LASS s’associèrent avec un autre ancien des corps francs, le capitaine EHRHARDT, pour coéditer la revue « Der Vormarsch » (= La marche en avant) d’octobre 1927 à mars 1928.
En avril 1928, son ami Friedrich HIELSCHER, écrivain nietzschéen antichrétien, lui succéda à la tête de la revue. Ce personnage, que JÜNGER décrivait comme un curieux mélange de rationalisme et de naïveté, avait combattu dans les corps francs et était membre de la Freischar Schill. Néopaïen, partisan d’une Europe des patries, il travailla pendant la Seconde Guerre mondiale pour l’Ahnenerbe. Accusé de « philosémitisme », la police l’arrêta en septembre 1944. En effet, il avait organisé un réseau de résistance souterraine à partir de 1933. Il ne dut la vie sauve qu’à l’intervention de son ami Wolfram SIEVERS. Reconnaissant et fidèle en amitié, Friedrich HIELSCHER témoigna en faveur de SIEVERS, lors du procès de Nüremberg.
Par la suite, JÜNGER et Werner LASS prirent la direction de la revue « Die Kommenden » (= ceux qui reviennent), un hebdomadaire créé en 1923, qui exerçait une influence grandissante sur la mouvance de la jeunesse bündisch attirée par le national-bolchevisme. Les deux camarades quittèrent la direction de « Die Kommenden » en juillet 1931. De son côté, LASS créa un organe pour son mouvement de jeunesse, la Freischar Schill, intitulé « Der Umsturz », qui se réclama ouvertement du national-bolchevisme, jusqu’à son interdiction en février 1933.
Durant toute cette période, Friedrich Georg JÜNGER écrira pratiquement dans les mêmes revues que son frère et il rédigea des articles pour « Widerstand », jusqu’à la censure de la revue par les nazis, en décembre 1934. Ernst JÜNGER recueillit et protégea la mère et le fils de NIEKISCH après son arrestation en mars 1937.

L’ADIEU AUX ARMES

Au contraire de LASS, Ernst JÜNGER délaissa la politique active après 1929. En cinq ans, il avait écrit environ 150 articles polémiques, mais il lui semblait que ses appels étaient restés sans guère d’échos. Il avait conservé son indépendance d’esprit et il déclara plus tard que « les revues, c’est comme les autobus : on les utilise quand on en a besoin, puis on en descend ». Il en était venu à considérer que tous les mouvements nationalistes, qu’ils s’agissent des conservateurs, des nationaux-révolutionnaires ou des nationaux-socialistes, sont « bourgeois » et « libéraux », puisqu’ils sont tournés vers le passé. Dès lors, il se consacra principalement à la rédaction de nouveaux livres. Néanmoins, il continua à fournir des articles à la revue « Widerstand » jusqu’en septembre 1933. Du combat politique en communauté, il passait à une quête intérieure et solitaire. Ainsi qu’il nous le confie dans son « Coeur aventureux » : « Aujourd’hui, on ne peut pas travailler en société pour l’Allemagne, il faut le faire dans la solitude », en espérant toutefois que d’autres isolés oeuvrent dans le même sens.
Pour son nouveau départ en littérature, Ernst JÜNGER abandonna la veine des récits de guerre, qu’il semblait avoir épuisée. Au cours de l’année 1927, il rédigea le « Coeur aventureux » (= der Abenteuerliche Herz), un recueil de textes composite, parmi lesquels le lecteur trouve aussi bien des souvenirs d’enfance, que des récits oniriques ou de brèves histoires dont l’atmosphère, à la fois mythique et poétique, préfigure la fable des « Falaises de marbre ». Ces écrits hétéroclites portaient des noms de ville (Leipzig...). Le livre marque une césure dans l’oeuvre de JÜNGER, même si l’on retrouve encore dans ses pages les traces de son passé guerrier et de son engagement politique. Evidemment, son lectorat habituel, qui s’attendait à un nouveau récit épique ou à un approfondissement de ses réflexions sur la guerre, bouda sa première production littéraire lors de sa parution (1929), mais l’insuccès n’affecta nullement l’auteur.
En 1938, la seconde version du « Coeur aventureux » ne rencontra guère plus de succès que la première. JÜNGER avait entièrement réécrit son livre, si bien que l’on peut affirmer qu’il s’agit d’un autre texte relevant de la même inspiration. Cette fois, chaque fragment portait un titre comme « Note sur la couleur rouge » ou « Voler en rêve ».

LA MOBILISATION TOTALE (1931)

Avec la « Mobilisation totale » ( = die totale Mobilmachung), JÜNGER reprenait une série de thèmes qu’il avait abordés dans ses derniers articles. L’essai portait sur les mutations de l’Europe après la Première Guerre mondiale. L’idée d’un lien entre la technique et certaines formes contemporaines de nihilisme, qu’il approfondira dans « Le Travailleur », apparaît déjà dans ce texte.
JÜNGER discernait les conséquences du progrès technique qui avait engendré la guerre de matériel et permis la naissance des premiers Etats totalitaires. De la convergence de ces deux nouveaux phénomènes naîtrait la guerre civile mondiale.
Les Etats étaient passés de la guerre de cabinet à la guerre populaire. La première, typique des monarchies, ne mobilise qu’une partie des hommes et des moyens, en vue d’objectifs limités; autrement dit, c’est une forme de guerre limitée et raisonnée. Au contraire, les guerres de masses sont des luttes à mort, d’une violence sans frein, dont la fin est l’élimination de l’ennemi. Pour mobiliser leurs peuples, les gouvernements font appel aux affects, aux bas instincts, à la morale. Abstraction et cruauté croissent corrélativement.
A l’époque, JÜNGER admirait la planification soviétique, ce modèle de mobilisation totale des énergies d’un peuple vers un but déterminé. Il voyait dans le bolchevisme, un communisme ascétique, au contraire du marxisme qui est à son sens hédoniste, puisqu’il vise plus le bien-être matériel que la puissance.

LE TRAVAILLEUR (1932)

JÜNGER constate que la technique envahit le monde, il est inutile de la refuser. Au contraire, il faut faciliter son processus de développement pour que, du chaos qu’elle engendre, surgisse un monde nouveau. Dans les temps contemporains, rien n’existe en dehors du travail, tout existe par la technique. JÜNGER considérait le machinisme comme un phénomène de la Vie, à l’inverse de la plupart des néoconservateurs qui voient en la technique une force létale.
La figure du Travailleur surgit dans un contexte nihiliste. Le Travailleur ignore la morale, mais il possède une éthique fondée sur le sacrifice de soi. En effet, la technique n’apporte pas le confort matériel, mais la puissance. Sa satisfaction réside dans le travail. Il ne prétend pas à la liberté mais bien au labeur. Son bonheur s’accomplit dans le sacrifice à la guerre ou au travail - et le travail devient lui-même une guerre contre la matière.
Le Travailleur a renoncé au bonheur. Il s’agit d’un Titan qui exploite la planète et soumet la matière à sa volonté. Maître de la technique, il entretient néanmoins un lien avec les forces élémentaires qui lui confèrent sa puissance. En lui, s’abolit la traditionnelle opposition nature/culture.
Le Travailleur façonne la nouvelle face du monde. Dans son creuset alchimique, des formes inconnues jusqu'alors sont en gestation. Dans le rougeoiement des forges, on aperçoit une civilisation à venir. Il réinvente les contours de l'univers. Les flammes de l'âtre se reflètent au fond de ses prunelles, comme si un feu intérieur le dévorait. Sous le poids de son marteau, le métal, amolli par la chaleur, se plie à sa volonté. Son outil s'abat selon un mouvement syncopé et ininterrompu, sur les barres de fer. Un titanesque tintamarre abolit le chant des oiseaux, les bruissements de la forêt, et même le brouhaha de la ville. Des profondeurs de son usine jaillissent les hurlements de l'acier torturé, le souffle brûlant engendré par la consummation du charbon, la transpiration des constructeurs d’univers. En été, aux abords de ses forges, l'air est si chaud qu'il se tord, comme si des fantômes passaient, qui, comme lui, déforment la réalité. Il n’a cure de ceux qui le juge sacrilège, lui qui veut remplacer les dieux. Parfois, il s'arrête, et l'on entend son rire énorme, sans retenue aucune, immense, profond et sincère. La nuit, il sort de son antre pour hurler son dédain aux dieux. Les cieux étoilés le jugent d'un air impassible, sans aucune condescendance. Puis, il reprend son inlassable labeur.
La vision de JÜNGER débouche sur un empire universel technocratique, sans classes mais inégalitaire. Dans cette société, seule est garantie le droit au travail, le reste est à conquérir. Le Travailleur n’a aucun rapport avec le prolétaire marxiste; sa révolution ne vise pas la propriété privée, mais bien la culture bourgeoise basée sur la raison, la morale et l’individualisme. En outre, la pensée de JÜNGER nie la notion de « progrès », qui est le moteur tant du libéralisme que du marxisme. Lorsque la technique fait son irruption dans le monde, elle ne subit aucun processus évolutif, elle atteint presque aussitôt son niveau de perfection.
Le premier tirage de 5000 exemplaires du « Travailleur » fut vite épuisé. Trois autres éditions suivirent. L’essai se trouvait encore en librairie au début de la guerre.
Peu après la parution du « Travailleur », Thilo von TROTHA l’attaqua violemment dans les colonnes du « Völkischer Beobachter », l’organe du NSDAP. Il dénonçait l’intellectualisme abstrait de JÜNGER, qui s’éloignait des faits essentiels, à savoir le sang et le sol. Il allait jusqu’à écrire qu’Ernst JÜNGER s’approchait « de la zone des balles dans la tête ».
Au contraire, Ernst NIEKISCH voyait dans « Le Travailleur » un livre national-bolchevique et il ne tarissait pas d’éloge.

LE NAZI ?

Après guerre, d’aucuns ont reproché à JÜNGER une soi-disant sympathie pour le nazisme ou du moins qu’il leur aurait fourni des éléments idéologiques. Des journalistes souligneront aussi qu’il avait dédicacé un exemplaire de « Feuer und Blut » à HITLER en 1926.
Selon la thèse de Louis DUPEUX, trois traits distinguent les nationaux-bolcheviques des nazis :
- une orientation protestante qui entraîne un civisme rigoureux;
- le dédain de l’idéologie de masse par esprit élitiste;
- la volonté de rompre avec l’esprit bourgeois.
Il faudrait aussi ajouter le refus du racisme et plus particulièrement de l’antisémitisme.
Bien que Louis DUPEUX ne le considère pas comme un national-bolchevique à part entière, nous retrouvons ces caractéristiques chez Ernst JÜNGER. Sans appartenir à la mouvance, il y participait par ses écrits, son travail de coéditeur et aussi... par la connivence intellectuelle qui le liait à Ernst NIEKISCH.
JÜNGER professait dans ses articles un nationalisme socialisant. Au début de son engagement, il souhaitait l’union des partis nationalistes. A ce moment, il n’excluait pas les nationaux-socialistes. Mais, dès 1926, il refusait qu’Adolf HITLER devînt le guide de l’Allemagne. Ne distinguant aucun grand homme qui pût diriger l’Allemagne, il proposait que l’on instaurât un comité provisoire, qui comprendrait au moins un chef d’Etat-major, pour surveiller la pureté et la rigueur du mouvement.
Son attitude personnelle envers le national-socialisme n’était pas équivoque. En réalité, HITLER lui paraissait aussi exécrable que dangereux et il abhorrait la brutalité des nazis de base. Il n’a d’ailleurs jamais rencontré le dictateur et parmi les dignitaires nazis, il ne connaissait que GOEBBELS. Un entretien avec HITLER avait bien été prévu, mais il avait été annulé à la dernière minute. En 1927, le NSDAP lui proposa une place éligible pour les élections au Reichtag, mais Ernst JÜNGER refusa de manière catégorique, en précisant qu’il préférait « écrire un seul vers plutôt que de représenter 60.000 crétins au Parlement ». Peu après leur accession au pouvoir, les nazis lui proposèrent de devenir membre de l’Académie allemande de poésie, une fois encore Ernst JÜNGER déclina l’offre. La Gestapo perquisitionna son domicile sous prétexte de trouver des lettres de son ami anarchiste MÜHSAM. En 1934, ayant appris que le « Völkischer Beobachter » avait publié, à son insu, un extrait du « Coeur aventureux », il écrivit au journal pour protester, parce qu’il ne voulait pas passer pour un de leurs collaborateurs. Quatre ans plus tard, GOEBBELS l’invita, encore une fois, à rejoindre le NSDAP, mais, à l’instar d’ULYSSE, il résista au chant des sirènes qui voulaient l’attirer vers les récifs. Ayant refusé toute collaboration, fût-elle littéraire, avec le nouveau régime, JÜNGER pouvait s’attendre à des représailles ou du moins à une hostilité de sa part.

LES FALAISES DE MARBRE (1939)

Une phrase de « Auf den Marmorklippen » (= Sur les falaises de marbre) révèle son dédain pour les nazis : « Nous ne considérions point l’engeance des bois comme des adversaires » . En effet, JÜNGER distingua toujours ses adversaires (= Gegner), pour lesquels il éprouvait du respect, de ses ennemis (= Feind), qu’il méprisait.
Alors qu’il séjournait en Suisse, il fit un rêve d’incendie qui lui inspira son roman « Sur les falaises de marbre ». Il le rédigea de février à juillet 1939 et, mobilisé, il en corrigea les épreuves en septembre, dans un bunker de la ligne Siegfried. Quatorze mille exemplaires furent vendus en quelques semaines. Ce bref récit était une critique à peine déguisée du nazisme en particulier et de la tyrannie en général.
L’histoire se déroule dans un pays fabuleux, lieu de haute civilisation. Cette contrée mythique était divisée en deux parties, la Marina et la Campania, par les falaises de marbre. Sur les confins de la Campania, s’étendaient les marécages et les forêts, sur lesquels régnait un être mystérieux et barbare, le Grand Forestier (= Oberfoerster), dont l’aspect et les manières font penser à HITLER. Toutefois, le Grand Forestier ne s’identifie pas entièrement à lui, il possède aussi quelques traits de GOERING ou STALINE. En réalité, la figure du Grand forestier dépasse les personnages historiques, elle symbolise l’éternel tyran. Des recenseurs étrangers soulignèrent la ressemblance entre la figure jungérienne et le chancelier, sans trop se soucier des conséquences pour l’auteur. On critiqua également son esthétisation de la violence.
Dans le roman, nous retrouvons la plupart des proches d’Ernst JÜNGER. Ainsi, les deux frères ressemblent étrangement à Ernst et Friedrich Georg. Naguère, ils avaient combattu ensemble pendant la guerre d’Alta-Plana. A l’époque, ils faisaient encore l’apologie de la puissance et se montraient impitoyables envers les faibles. Maintenant, ils s’étaient retirés du monde et se consacraient entièrement à l’étude des plantes, constituant peu à peu un grand herbier, à la manière de LINNE. De même, le personnage de « Perpétua », symbole de l’éternité, correspond à sa compagne et l’enfant adopté par le duo, Erion, à son fils Ernstel.
JÜNGER décrit la lente, mais inexorable, montée de la menace, jusqu’à son apogée, quand les forces maléfiques détruisirent les falaises de marbre. Plusieurs épisodes de son roman, nous paraissent aujourd’hui prémonitoires. Lors d’une patrouille, les deux frères découvrent avec horreur l’atelier d’équarrissage de Köppels-Beeck. On trouve aussi dans le texte une expression devenue célèbre : « Les actes de banditisme que la Campagna connaissait déjà se renouvelaient alors, et les habitants étaient enlevés à la faveur de la nuit et du brouillard (= Nacht und Nebel). Nul n’en revenait » .
La censure nazie ne s’y trompa point; le Reichsleiter BÜHLER entama une procédure à l’encontre de l’auteur et son éditeur eu maille à partir avec la Gestapo. Ernst JÜNGER survécu sous le IIIe Reich, en partie grâce à son statut de héros national, en partie grâce au succès de ses écrits de guerre qu’HITLER admirait. En revanche, le dictateur n’a sans doute jamais lu les « Falaises de marbre ». Il avait demandé à ses services de ne point importuner l’écrivain. A vrai dire, si HITLER avait lu ce roman, il aurait vu son véritable visage et ce spectacle déplaisant aurait entraîné la mort prématurée d’Ernst JÜNGER. Après la guerre, l’auteur fit souvent allusion, de manière sibylline, à ses protecteurs, sans le(s) nommer. Pour notre part, nous inclinons à croire que GOEBBELS, ce « nazi de gauche », était l’un d’entre-eux.
Nombre d’anciens enrôlés dans la Wehrmacht se souviennent qu’il lisait, sur le front ou en permission, « Sur les falaises de marbre »; le texte constituait comme un fil impalpable qui reliait les opposants au régime. Savoir que d’autres partagent vos idées constitue déjà un réconfort.

LA GUERRE DE KNIEBOLO

Le capitaine JÜNGER participa, bien malgré lui, à la campagne de 40 en France. Dans son journal, il affirme qu’il s’agit de la guerre d’HITLER et non de la sienne. Par prudence, il désignait le dictateur par le surnom, à consonance satanique, de « Kniebolo », dans ses journaux.
En juin 1941, son régiment partit pour la Russie. Le général SPEIDEL, qui était un de ses admirateurs et un opposant au régime, affecta JÜNGER au contrôle du courrier militaire, à Paris, afin qu’il poursuivît son oeuvre littéraire.
« Sur les falaises de marbre », la seconde version du « Coeur aventureux » ainsi que « Jardins et routes » (son premier journal) furent publiés en traduction française dès 1942. Durant la même année, il entama la rédaction de « L’appel », texte qui s’intitulera plus tard « La paix ». Il fréquentait les milieux parisiens et rencontra la plupart des grands écrivains de l’époque, comme GUITRY, GIRAUDOUX, JOUHANDEAU et le moins connu Jean POULHAN dont il savait pertinemment bien qu’il était un résistant actif. Ainsi, il participait à la grande « République des lettres ». Il ne passait presque pas un jour sans qu’il discutât avec un homme de lettre. Soulignons qu’il sortait le plus souvent possible habillé en civil, tant il détestait ce que son uniforme représentait, alors qu’il l’avait porté si fièrement quelques années plus tôt.
Il rencontra également CELINE à l’institut allemand, mais ses diatribes antisémites lui inspirèrent de la répulsion. Il appréciait tellement peu ce personnage, que, des années plus tard, il refusait toujours d’en parler aux journalistes.
A la fin de 1942, Heinrich STÜLPNAGEL, un des futurs conjurés du 21 juillet 1944, l’envoya en mission dans le Caucase, afin qu’il estimât le moral des troupes et leur éventuelle volonté d’adhérer à un putsch contre HITLER. A son retour, il rédigea pour SPEIDEL un rapport circonstancié sur les luttes d’influence qui sourdaient entre l’armée et le parti.
Dans son « Garten und Strassen », JÜNGER commentait le Psaume 73. La censure nazie lui demanda de supprimer ce passage. L’auteur refusa. C’en était trop, les autorités nazies l’interdirent de publication.
Le maréchal ROMMEL fut le premier lecteur de son texte « La paix » qui l’aurait convaincu de participer au complot du 20 juillet. En circulant sous le manteau, « La paix » devint en quelque sorte le manifeste des conjurés. Ernst JÜNGER était au courant du complot, mais il n’y prit point part, son propre combat était solitaire. De plus, il n’approuvait pas les attentats politiques. Pourtant, il nota dans son journal qu’il admirait le courage de STAUFFENBERG et de ses camarades. Après l’échec du putsch, il détruisit de justesse des papiers compromettants. Néanmoins, il fut dans un premier temps mis en disponibilité, puis les autorités nazies lui demandèrent de démissionner de l’armée. Il rejoignit son domicile à Kichhorst. Le 1er décembre 1944, le juge FREISLER adressa une lettre à Martin BORMANN concernant la procédure ouverte contre JÜNGER pour « Sur les falaises de marbre ». La manoeuvre visait probablement à le traîner devant le Volksgerecht ( = le Tribunal populaire) pour crime de haute trahison. En effet, il relevait des tribunaux de l’armée tant qu’il demeurait militaire, même en congé.
Le 24 novembre, son fils aîné, Ernstel, alors âgé de 18 ans, était tué par des partisans italiens, non loin des « falaises de marbre » de Carrare. Ernstel avait été arrêté, puis versé dans un bataillon disciplinaire, parce qu’il avait proféré des critiques contre le régime nazi. Ernst JÜNGER se sentit coupable de sa fin. En 1950, Ernst JÜNGER aménagea dans la propriété de Wilflingen, qui avait appartenu à une branche de la famille STAUFFENBERG. Le jardin abritait la tombe d’Ernstel, qui était toujours fleurie.
Quelques mois plus tard, les Américains approchaient de Kirschorst. En tant que commandant du « Volksturm » de la ville, il fit en sorte que ses miliciens ne se sacrifiassent pas dans un vain combat en les convainquant de rendre les armes.

LE « PACIFISTE »

Au sortir de la guerre, Ernst JÜNGER refusa de se soumettre aux procédures de dénazification, puisqu’il avait toujours réprouvé le régime nazi. Soudain, il devenait un auteur décrié, voire dénigré, surtout par les intellectuels communistes et ceux qui voulaient se donner une bonne conscience. Le silence de ses amis parisiens le fit plus souffrir que les vociférations de ses ennemis. En revanche, il apprit que Bertold BRECHT avait demandé à ses camarades communistes de cesser leurs attaques contre lui. Certains de ses détracteurs espéraient se faire bien voir en le critiquant, d’autres lui reprochaient son essai « Le Travailleur » dans lequel les nazis auraient puisé des arguments pour leur propre propagande. La bassesse des premiers est évidente, l’irrationalité des seconds est consternante. En effet, il s’agit du même procédé qui consiste à accuser NIETZSCHE des méfaits du nazisme, en dépit de la chronologie . A l’instar du philosophe de Sils Maria, JÜNGER détestait les idéologies de masses comme le nazisme et il prônait plutôt une forme d’aristocratie, au sens étymologique. Surtout, il n’a jamais professé d’idées racistes.
Il fut interdit de publication jusque en 1949, aussi « La paix », qu’il dédiait à la jeunesse d’Europe et du monde, parut-elle clandestinement, à Amsterdam, en 1945. Cinquante ans plus tard, il déclara « A mes yeux, le fruit le plus précieux de ces deux guerres est mon essai intitulé « La paix »; j’y affirmais la nécessité d’une Europe unifiée, et aussi de l’Etat universel. ».
Le texte ne verse pas dans l’universalisme hébété qui est trop fréquent chez les pacifistes. Au contraire, JÜNGER emprunte un style poétique, aux accents guerriers, pour prêcher la paix. En allemand, le substantif « Friede » est du genre masculin.
Selon l’auteur, le dernier conflit ne fut pas un affrontement entre nations, mais une guerre civile mondiale (= Weltbürgerkrieg) qui forgea les peuples comme les coeurs. Ce fut la première oeuvre commune de l’Humanité, la paix doit être la seconde. Pour la réaliser, il faut résoudre trois problèmes fondamentaux : l’espace, parce que les Etats luttent pour conquérir des territoires; le droit, car la concorde ne peut s’établir qu’entre peuples libres; enfin, la question du Travailleur, seule figure capable de mettre la mobilisation totale, opérée pour la guerre, au service de la paix. Maintenant que les frontières sont ébranlées par le séisme, survient le moment propice pour que les peuples s’unissent en de vastes ensembles géopolitiques. L’Europe ne peut être dominée par ses deux avatars, les Etats-Unis et la Russie Les Empires (= Imperien) instaureront en leur sein une unité dans la diversité. A l’intérieur de l’Empire, chacun sera libre d’appartenir au peuple qu’il désire. Le nouvel Etat réconciliera les deux formes de la démocratie, la libérale et la totalitaire. Sous l’égide de l’Etat totalitaire, seront placés les aspects qui relèvent de la civilisation : la technique, l’industrie, l’économie, la défense. Tandis que les domaines culturels seront régis par le pouvoir libéral : la langue, l’histoire, les coutumes, les lois, les arts et la religion. L’ordre nouveau se fondera sur une théologie postnihiliste et l’Etat n’accordera sa confiance qu’aux individus qui croient en une raison supérieure à l’homme (que JÜNGER voyait dans le christianisme, il entamait alors son retour au religieux...)

L’EQUILIBRE DES FORCES : HELIOPOLIS (1949)

« Héliopolis » transpose en partie l’atmosphère qui régnait au Quartier général allemand à Paris et les luttes de pouvoir entre la Wehrmacht et les nazis, dans un univers où l’Etat universel s’est réalisé. Dans la cité d’Héliopolis, deux pouvoirs s’affrontent; d’une part le proconsul, que sert le héros, l’officier Lucius de Geer; d’autre part, le Bailli, un tyran démagogue qui assoit son pouvoir à la fois sur la force, la crainte et la technique. Le maître des basses oeuvres du bailli, l’inquiétant Messer Grande, est d’ailleurs passionné par le progrès sous toutes ses formes et particulièrement par les travaux du docteur Mertens, qui dirige l’Institut de Toxicologie, où, dit la rumeur, on empoisonne les opposants. Lucius s’énamoure de Boudour Péri, la nièce d’un commerçant Parsi, un peuple persécuté. Ceux-ci sont bientôt les victimes du Bailli. Au travers du martyr des Péri, JÜNGER dénonçait la persécution des Juifs. Lucius sauvera Boudour et son oncle Antonio au péril de sa vie, puis ils s’exileront dans les astres, le domaine d’une troisième force, le Régent, qui correspond soit à la sphère religieuse soit à une sagesse supérieure qui protège la liberté de l’individu.
A la fin des « Falaises de marbre », le mal triomphait; dans « Héliopolis », un précaire équilibre des forces s’instaure. A nouveau, la résistance est menée par un groupe aristocratique de militaires. A la fin du roman, le pilote du vaisseau spatial, Phares, déclare à Lucius : « Nous connaissons votre position - celle de l’esprit conservateur qui a voulu se servir des moyens révolutionnaires et a échoué ». JÜNGER constate l’échec de son engagement politique et se tourne vers la sphère magico-religieuse.

LES APORIES DU REBELLE (1951)

Dans « Le traité du Rebelle ou le recours aux forêts » (= Der Waldgänger ), Ernst JÜNGER dessine une nouvelle de ses figures. Le mot « Waldgänger » désigne le proscrit islandais du Haut Moyen Age scandinave qui se réfugiait dans les forêts. Exclu de la communauté, ce réprouvé pouvait être abattu par tout homme qui le croisait. Pour sa part, JÜNGER définit le Rebelle de la manière suivante : « Nous appelons ainsi celui qui, isolé et privé de sa patrie par la marche de l’univers, se voit enfin livré au néant. Tel pourrait être le destin d’un grand nombre d’hommes, et même de tous - il faut donc qu’un caractère s’y ajoute. C’est que le Rebelle est résolu à la résistance et forme le dessein d’engager la lutte, fût-elle sans espoir. Est Rebelle, par conséquent, quiconque est mis par la loi de sa nature en rapport avec la liberté, relation qui l’entraîne dans le temps à une révolte contre l’automatisme et à un refus d’en admettre la conséquence éthique, le fatalisme. A le prendre ainsi, nous serons aussitôt frappés par la place que tient le recours aux forêts, et dans la pensée, et dans la réalité de nos ans . »
Au début de son essai, l’auteur dénonce le système de plébiscite pratiqué sous les dictatures, mais nous sentons bien que les reproches adressés à ces caricatures d’élections ou de référendum s’appliquent également au scrutin dans les démocraties parlementaires. Le Rebelle rejette la société moderne, qu’il considère comme totalitaire, quelle que soit la forme de gouvernement. A l’inverse du Travailleur, il refuse la nécessité et combat la technique qui mène le monde à sa perte. Néanmoins, il ne renonce pas entièrement aux instruments modernes dont il a besoin pour préserver sa liberté. Son attitude paradoxale rappelle celle des deux frères de « Falaises de marbre ». En effet, comment combattre le Mal en utilisant les mêmes outils et méthodes que lui ? En revanche, le Rebelle peut se réfugier dans les forêts que tout homme porte en lui : l’art et la pensée. Les apories du Rebelle apparaissent, lorsqu’il doit traduire en actes sa révolte intérieure... Sur ce point, le Rebelle ressemble à Lucius de Geer qui connaît une apothéose spirituelle en se réfugiant dans les domaines du Régent, mais qui, au niveau politique, est un vaincu. JÜNGER a beau souligner que les régimes totalitaires sont fragiles, parce qu’ils doivent mobiliser l’essentiel de leur énergie dans la répression d’une minorité de résistants, cet accès d’optimisme ne convainc guère le lecteur. Ni Lucius, ni le Rebelle, ni l’auteur lui-même ne peuvent rester indifférents devant la douleur d’autrui, mais ils se privent des moyens nécessaires de combattre les bourreaux. Reste qu’avec « Héliopolis » et « Le traité du Rebelle », Ernst JÜNGER se départit de la philosophie contemplative et du retrait intérieur qu’il avait prôné dans « Falaises de Marbre », pour affirmer la nécessité de la résistance.

EUMESWIL

« Eumeswil » achève le cycle de métamorphoses des figures jungériennes. Maintenant vient l’Anarque, qui est une figure affinée du Rebelle. Le héros et narrateur du roman, Vénator, est un historien qui axe ses recherches autour d’une vision cyclique de l’Histoire, dont il traque les figures pérennes, les archétypes de personnages ou d’événements, au moyen d’un ordinateur gigantesque, le Luminar, qui contient tout le matériel historique accumulé par les hommes. L’auteur adopte d’ailleurs le style qu’il prête à l’historien, fait de phrases courtes et incisives. Le soir, Venator officie comme barman du cercle privé de Condor, le dictateur habile et esthète qui règne sur Eumeswil, une des cités-Etats nées de la désagrégation de l’Etat universel. Son bar est un poste privilégié pour observer les jeux du pouvoir. Au contraire de l’anarchiste, l’Anarque ne désire pas supprimer l’autorité, il s’en accommode et apprend à vivre en son sein, tout en préservant sa liberté d’esprit. Le Rebelle fuyait la société, l’Anarque s’insère en elle. « L’anarchiste vit dans la dépendance - d’abord de sa volonté confuse, et secondement du pouvoir. Il s’attache au puissant comme son ombre; le souverain, en sa présence, est toujours sur ses gardes (...) L’anarchiste est un partenaire du monarque qu’il rêve de détruire. En frappant la personne, il affermit l’ordre de la succession. Le suffixe « isme » a une acception restrictive : il accentue le vouloir aux dépens de la substance (...)
La contrepartie positive de l’anarchiste, c’est l’Anarque. Celui-ci n’est pas le partenaire du monarque, mais son antipode, l’homme que le puissant n’arrive pas à saisir, bien que lui aussi soit dangereux. Il n’est pas l’adversaire du monarque, mais son pendant.
Le monarque veut régner sur une foule de gens, et même sur tous; l’Anarque sur lui-même, et lui seul.. Ce qui lui procure une attitude objective, voire sceptique envers le pouvoir, dont il laisse défiler devant lui les figures - intangibles, assurément, mais non sans émotion intime, non sans passion historique. Anarque, tout historien de naissance l’est plus ou moins; s’il a de la grandeur, il accède impartialement, de ce fond de son être, à la dignité d’arbitre . »
Dans plusieurs oeuvres de JÜNGER, nous trouvons l’opposition entre deux forces contradictoires et le recours à une tierce puissance qui transcendent les deux premières. Les deux frères de « Falaises de marbre » affrontent le Grand Forestier, puis se réfugient chez leurs anciens adversaires d’Alta-Plana. Dans « Der Friede », l’Etat totalitaire et l’Etat libéral engendrent l’Empire. A Héliopolis, la lutte entre le Proconsul et le Bailli est dépassée par le recours au Régent. Avec « Eumeswil », le conflit semble neutralisé. Il existe bien une opposition au Condor, incarnée par les libéraux, mais ils ne sont que de vains bavards réfugiés dans les caves de la ville. Quant à l’Anarque, il ne ressent pas le besoin de lutter contre la souveraineté, puisqu’il y participe à sa manière.

LES HARCELEURS

JÜNGER nommait « Verfolger » (= traqueur, persécuteur), les professionnels de la presse à scandale. Ces individus le poursuivirent jusqu’à la fin de sa vie, mais il ne leur accordait guère d’importance.
En 1983, les autorités allemandes organisèrent une réception pour lui remettre le prix Goethe. Les Verts vinrent alors vitupérer dans la rue contre l’écrivain, parce qu’il l’assimilait à une relique d’un passé honni. Alors que, JÜNGER s’était intéressé dès le début des Années ‘60 aux problèmes de l’écologie et que nombre d’anciens nationaux-révolutionnaires dont A. Paul WEBER, militaient dans les rangs des « Grünen ».
Le 6 juin 1994, le « DER SPIEGEL » publiait une lettre censée « prouver » que le « Merline » des « Journaux de guerre » n’était autre que CELINE. En réalité, il s’agissait d’un secret de polichinelle, éventé depuis fort longtemps. En effet, le nom de CELINE apparaissait déjà en toutes lettres dans la traduction française du « Journal de Guerre ». Son biographe, BANINE avait en effet traduit le surnom à l’insu de l’auteur. Furieux, CELINE intenta un procès en diffamation à JÜNGER. Notons que JÜNGER supprima les passages qui concernaient CELINE dans les éditions ultérieures. Nous ne savons s’il voulait effacer de son oeuvre le personnage, éviter un nouveau procès ou rendre son journal moins touffu comme lui demandait son éditeur.
Dans l’édition du 18 novembre 1993 de « DIE WOCHE », le journaliste Victor FARIAS, fort connu en Allemagne pour ses diatribes contre HEIDEGGER, accusait Ernst JÜNGER d’avoir écrit un article antisémite, dans les Années ‘30. Le folliculaire affirmait que JÜNGER ne s’était jamais départi de ses sympathies nazies et avait même souhaité le génocide des Juifs ! En réalité, il s’agissait d’un article que Ernst JÜNGER avait publié dans les « Suddeutschen Monats Heften » en 1930, dans le cadre d’un dossier qui traitait du problème de la judaïté. La plupart des autres rédacteurs étaient d’ailleurs juifs. De façon insidieuse, FARIAS n’avait pas précisé dans quelle revue ni dans quelles circonstances l’article de JÜNGER avait été publié, ce qui laissait le lecteur supposer qu’il s’agissait d’un périodique nazi ou antisémite. Dans sa contribution, JÜNGER se prononçait pour l’assimilation des Juifs d’Allemagne et concluait qu’ils devaient « être juifs en Allemagne ou ne pas être », formule qui, même interprétée avec beaucoup de mauvaise foi, ne signifiait aucunement qu’il désirait l’extermination des Juifs !

CONSTANCE

Entre les deux guerres, JÜNGER s'était lancé à corps perdu dans la politique. A cent ans, lors d’un entretien en 1994, JÜNGER déclara, à propos d’HEIDEGGER, que l’écrivain devait prendre ses distances par rapport à la politique, afin de ne pas se laisser contaminer. Dégoût, lassitude ou prise de distance ?
Nombre de critiques distinguent deux JÜNGER, celui de l’engagement politique et celui de l’« émigration intérieure », comme si une brusque rupture avait scindé sa vie en deux morceaux. Nous voulons au contraire souligner la continuité de sa pensée. Certes, elle a connu une longue évolution qui le mène de l’engagement total du soldat et du politique, jusqu’au détachement presque absolu. Pourtant, nous discernons plusieurs caractéristiques constantes du personnage.
D’abord, le recours au rêve et au voyage. Un lien étroit unit le Wandervögel qui parcourait les champs au vieux sage qui se livrait aux chasses subtiles. Durant toute son existence, il s’évada dans le domaine des songes. Sa quête le conduit même aux paradis artificiels des drogues. Son oeuvre est emplie de notations oniriques et certains textes sont inspirés par des rêves. A plus de cent ans, son émerveillement devant le monde était intact, ainsi que l’atteste le doux sourire qu’il arbore en se penchant sur ses chers insectes.
Son éthique aristocratique a traversé le siècle. Malgré les épreuves et les blessures, dont la plus cruelle fut la perte de son fils Ernstel, il conserva sa rigueur morale et sa liberté d’esprit. Il resta toujours l’« anarchiste prussien » Malheureusement, l’aspiration à la pureté et l’esprit d’indépendance, poussés si loin, interdisent souvent l’action pratique et politique.
Ami fidèle, il n’abandonna pas NIEKISCH, ni HEIDEGGER, bien qu’il n’approuvât pas les choix politiques de ce dernier. Ayant horreur de la démocratie parlementaire, il énonça sa pensée en refusant la polémique verbale. Esprit libre, il refusa toute sujétion ou allégeance à un parti ou à un régime. Anti-bourgeois, il développa sa personnalité au détriment de l’individualisme.
La rencontre avec la technique, force ambivalente, à la fois créatrice et destructrice, marqua toute son oeuvre, d’« Orages d’acier » à « Eumeswil ». Le soldat l’affronta sur les champs de bataille, le Travailleur voulut la dompter, le Rebelle la méprisait, finalement l’Anarque l’utilise, au moyen du Luminar, pour boucler l’Eternel Retour.
Depuis sa jeunesse, il conserva l’attitude détachée qui fait de lui un figure hiératique. L’observateur impassible qui contemple les orages d’acier est le même qui observe le Condor. Pourtant, il participait aux événements, mais son retrait lui permettait peut être de se préserver de leur violence. Sa propre douleur devient sujet d’étude, lorsque, au soir de la mort d’Ernstel, il écrit « Je me demande ce qui pourrait encore m’atteindre ».
Que dire de plus, sinon que, sans de tels hommes, l’Humanité n’éprouverait plus aucun respect pour elle-même.

Frédéric KISTERS

TRAVAUX CONSULTES

BANINE (Umm El), Ernst JÜNGER aux faces multiples, Lausanne, 1989, 213 p.
BRUDER (Lou), Une entrée en matière, dans Magazine littéraire, n° 324, 1994, p. 48-50
DE BENOIST (Alain), Ernst JÜNGER : la figure du travailleur entre les dieux et les titans, dans Nouvelle Ecole, 40, 1983, p.11-61
DE BENOIST (Alain), Ernst JÜNGER. Une bio-bibliographie, Paris, 1997, 186 p.
DUPEUX (LOUIS), National-bolchevisme dans l’Allemagne de Weimar (1919-1933), Paris, 1979, VII-743 p. en 2 tomes
HERVIER (Julien), Ernst JÜNGER et la question de la modernité, dans La Révolution conservatrice dans l’Allemagne de Weimar, dir Louis DUPEUX, Paris, 1992, p. 61-73
HERVIER (Julien), Nazisme et littérature : les figures du mal dans l’oeuvre romanesque de Ernst JÜNGER, dans La révolution conservatrice dans l’Allemagne de Weimar, dir Louis DUPEUX, Paris, 1992, p. 353-359
HERVIER (Julien), Deux individus contre l’Histoire. DRIEU LA ROCHELLE. Ernst JÜNGER, s.l., 1978, 485 p.
HERVIER (Julien), Le grand tournant, dans Magazine littéraire, 324, 1994, p. 37-40
JÜNGER (Ernst), Leipzig, dans Magazine littéraire, 324, 1994, p. 52-58
KALTENBRUNNER (Gerd Claus), Ernst JÜNGER : une existence mythique, dans Nouvelle Ecole, 48, 1996, p. 20-25
MÖHLER (Armin), La révolution conservatrice en Allemagne (1918-1932), Puiseaux, 1993
MÖHLER (Armin), Le cas Ernst JÜNGER (1961), dans Nouvelle Ecole, 48, 1996, p. 43-47
PALMIER (Jean-Michel), Weimar en exil. Le destin de l’émigration intellectuelle allemande antinazie en Europe et aux Etats-Unis, Paris, 1988, 2 tomes
PALMIER (Jean-Michel), Le chasseur de cicindèles, dans Magazine littéraire, 324, 1994, p. 40-45
PLARD (Henri), Une oeuvre retrouvée d’Ernst JÜNGER : Sturm, dans Etudes germaniques, 23e a., 1968, n° 4, p. 600-615
PONCET (François), L’archipel jüngérien, dans Nouvelle Ecole, 48, 1996, p. 26-30
RIHOIT (Xavier), Un réquisitoire contre l’esprit bourgeois, dans Eléments, 70, 1991, p. 39-41
ROZET (Isabelle), Un destin allemand dans Enquêtes sur l’histoire, 20, 1997, p. 16-18
SAATDJAN (Dominique), Heidegger : une lecture du Travailleur, dans Magazine littéraire, 324, 1994, p. 45-47
SAGNES (Nora) et TOWARNICKI (Frédéric), Chronologie (de Ernst JÜNGER), dans Magazine littéraire, 324, 1994, p. 28-33
SAN CHEZ PASCUAL (Andrés), Entretien avec Ernst JÜNGER (1995), dans Nouvelle Ecole, 48, 1996, p. 14-19
SCHWARZ (Theodor), Irrationalisme et humanisme. Critique d’une idéologie impérialiste, Lausanne, 1993, 131 p. (traduction de Irrationalismus und Humanismus. Kritik einer imperialischen Ideologie, Zurich-New York, 1944)
TOWARNICKI (Frédéric), « J’ai l’habitude d’être suspect », dans Magazine littéraire, 324, 1994, p. 22-27
VENNER (Dominique), La figure même de l’Européen, dans Eléments, 83, p. 38-41
WALTER (Georges), Visite à Wilflingen (1976), dans Magazine littéraire, 324, 1994, p. 34-37
WANGHEN (Pierre), JÜNGER et la France, dans Nouvelle Ecole, 48, 1996, p. 31-42


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Message Publié : 06 Juil 2006 13:48 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 14 Juin 2004 14:26
Message(s) : 134
Localisation : montgeron
On lit de tout ici j'ai même lu que Mircea Eliade grand ami de cet homme était un nazi confirmé. Hillarant.

_________________
La vie n'est qu'un rêve terrifiant. Gladiator
La religion c'est l'expérience du sacré. Elliade
Nous déformons le réel. Weber
Aimez-vous les uns les autres. Jésus


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Message Publié : 06 Juil 2006 14:57 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 01 Juil 2003 14:45
Message(s) : 130
Localisation : N Belgique / Bruxelles / Bruxelles-Capitale
Mircéa Eliade nazi ? Là, c'est vraiment n'importe quoi :lol: !

De fait, une partie du NSDAP a tenté un retour au paganisme, le pape a dénoncé ce courant dans une encyclique en 1933 ou 1934. La Nouvelle droite française, dirigée par Alain de Benoist, a en partie récupéré les travaux de Dumézil et Eliade, mais cela ne fait aucunement d'eux des nazis ! Il ne faut pas inverser les choses... :fou:

Frédéric


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Message Publié : 20 Oct 2006 15:24 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 20 Oct 2006 15:08
Message(s) : 1
Attention. Personne ne dit qu'Eliade a appartenu au nsdap ou a eu un quelconque rôle dans le parti mais il semble parfaitement averé qu'il a fait partie de la garde de fer roumaine et qu'il a écrit des artcles antisémites, dans sa jeunesse (et que lui même ne le reniait pas).

Le lien de plusieurs articles sur le livre de Dubuisson :
impostures et pseudo-science. L'œuvre de Mircea Eliade

http://assr.revues.org/document3128.html

http://thomas.lepeltier.free.fr/br/dubuisson.pdf




Pour ma part, je ne sais qu'en penser. Je ne me rapelle pas avoir lu quoi que ce soit sur ce sujet dans ses mémoires ...
Qu'il fut un jour nazi ou non m'importe peu, bien qu'il soit quelque peu... étrange, de mon point de vue, d'être antisémite quand on se destine à l'histoire des religions.


Quand à qualifier son oeuvre d'imposture, alors là ....


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Message Publié : 20 Oct 2006 21:26 
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Jean Froissart
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Inscription : 16 Avr 2005 0:09
Message(s) : 1311
Localisation : Outre nulle-part
Le problème, avec ces textes bien trop longs, c'est, pour ma part, que je n'aie pas l'envie de les lire (sur un forum, je tiens à préciser).
J'ai par ailleurs l'impression de déceler un "copier-coller", sans la moindre allusion au véritable auteur de ce morceau de prose.
De qui est-il ?
Vlad

_________________
"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu à toutes les femmes...."
Extrait de "La Chanson de Craonne"


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Message Publié : 21 Oct 2006 11:02 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 17 Juin 2003 9:31
Message(s) : 472
Localisation : Versant lorrain des Vosges
Frédéric Kisters indique qu'il s'agit d'un article rédigé par lui, mais pas spécialement pour ce forum.

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Ad augusta per angusta
"Nul n'est plus esclave que celui qui se croit libre sans l'être..." Goethe


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Message Publié : 23 Oct 2006 14:41 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 01 Juil 2003 14:45
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Localisation : N Belgique / Bruxelles / Bruxelles-Capitale
De fait, l'article a été publié dans un fanzine belge.


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Message Publié : 23 Oct 2006 17:44 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 16 Avr 2005 0:09
Message(s) : 1311
Localisation : Outre nulle-part
Merci. Cela m'a également appris à connaître la signification du terme "fanzine" (que j'ignorais).
Vlad

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"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu à toutes les femmes...."
Extrait de "La Chanson de Craonne"


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