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 Sujet du message : La formation des goûts
Message Publié : 04 Déc 2006 0:17 
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Plutarque
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Inscription : 16 Oct 2006 0:12
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Localisation : Paris et Toulouse
Comment se forment les goûts à travers les époques ? On présume qu'il y a une forte part de norme sociale dans la formation des goûts, mais comment parvient-on à expliquer que tel aliment fasse furie à une époque et flop dans une autre ? A-t-on des exemples de tels aliments ?

Des historiens de la gastronomie ont montré que l'engouement des cours médiévales pour la volaille venait de ce que les volatiles passaient pour être proche du divin ; au contraire, les animaux de la terre avaient une connotation trop paysanne pour être consommées par les élites sociales. Mais ceci ne relève-t-il pas plutôt de la pratique alimentaire plutôt que du goût ? Y'a-t-il un lien entre la pratique et le goût ? (ce qui expliquerait que nos enfants rechignent à aimer les brocolis parce qu'ils ne sont pas une "pratique alimentaire" à proprement parler)

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L'histoire, c'est cool - Churchill
L'histoire, c'est tantôt du sucre glace, tantôt de la farine de blé - Citation perso


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Message Publié : 05 Déc 2006 9:24 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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Le seul goût qui est inné chez l'Humain est le sucré... tout le reste n'est que de l'acquis... du culturel...

Je pense tout comme vous que certains aliments ou goûts peuvent avoir leurs modes... Un exemple, les légumes cultivés pendant la 2e G.M tels les topinambours que ceux qui ont vécus la guerre ont totalement délaissés tant ils ont pu en consommer dans les périodes difficiles. Ce n'est qu'un demi-siècle plus tard que le topinambour revient timidement.

Je sais qu'il y'a un autre légume de la 2e G.M qui a été "oublié" mais... j'en ai également oublié le nom... :lol:

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Skipp


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 Sujet du message : Re: La formation des goûts
Message Publié : 05 Déc 2006 11:46 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 29 Déc 2003 17:02
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Localisation : Hainaut (Belgique)
Verchinine a écrit :
Des historiens de la gastronomie ont montré que l'engouement des cours médiévales pour la volaille venait de ce que les volatiles passaient pour être proche du divin ; au contraire, les animaux de la terre avaient une connotation trop paysanne pour être consommées par les élites sociales.



Je me demandais quelles étaient vos sources à propos de ces choix alimentaires supposés du Moyen âge.

Pour ma part, je trouve que 65 à 95 % (selon les époques) des os collectés sur les chantiers de fouille médiévaux appartiennent aux mammifères domestiques. La volaille ne dépasse pas 25 %, et le gibier (à poils et à plumes) à peine 5 % des vestiges. L'essentiel de la production de viande repose donc sur les animaux du troupeau. Du XIIIe au XVe siècles, les restes de caprinés (moutons et chèvres) sont les plus abondants, suivis de ceux du porc et de ceux du boeuf. A partir du XVIe siècle, les choses changent : les restes de boeuf deviennent plus nombreux au détriment de ceux de porc.

De plus, une manifestation de différences sociales apparaît au travers de consommations carnées différentes : le boeuf et les salaisons caractérisent le milieu rural ; le porc, le veau et l'agneau sont l'apanage des habitations seigneuriales, tandis que la viande de caprinés domine dans les villes. Les abats reviennent sur les tables à partir du XVIe siècle, et la volaille assure plutôt un appoint pour les manques occasionnels. Le gibier quant à lui est réservé aux plus hautes classes de la société.

Enfin, la grande consommation de poisson reste le facteur le plus marquant de la gastronomie médiévale, avec une augmentation constante des poissons de mer au détriment des poissons d'eau douce, depuis le XIIe siècle jusqu'au XVe siècle..

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Il n'est pas sur notre sol une chose qui soit plus utile que ces sublimes monuments qui ne servent à rien (Emile Mâle).


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Message Publié : 05 Déc 2006 12:36 
Bonjour

Skipp a écrit :
Je sais qu'il y'a un autre légume de la 2e G.M qui a été "oublié" mais... j'en ai également oublié le nom...


Il doit s’agir du rutabaga, très supérieur à l’ignoble kohlrabi, réservé exclusivement à l’alimentation du bétail … et des prisonniers sous le Reich, troisième de ce nom.

Skipp a écrit :
Le seul goût qui est inné chez l'Humain est le sucré... tout le reste n'est que de l'acquis... du culturel...


Très juste, notre immortel C.N.R.S. avait publié une étude à la pointe du progrès scientifique montrant le faciès expressif de nourrissons à qui il était proposé du sucré, de l’amer, de l’acide et du salé. Ces photos inoubliables doivent traîner quelque part sur la Toile, en compagnie d’enregistrements que de hardis pionniers avaient fait – toujours aux frais de la princesse – des vagissements de nouveaux nés du monde entier.


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Message Publié : 05 Déc 2006 15:07 
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Salluste
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Inscription : 22 Juil 2006 18:03
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Localisation : Cahors
J'ai vu dernièrement un reportage qui montrait que les romains étaient friands du sucré/salé (20 siècles donc avant la mode actuelle 8O ). D'ailleurs, le mot " foie " viendrait de " figue " car le summum du bon goût été le foie aux figues.

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Message Publié : 05 Déc 2006 16:14 
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Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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Si le seul goût inné chez l'humain est le sucré, en fait ça va plus loin : le sucre est une nécessité vitale, non ? D'où l'intérêt du miel pendant les périodes anciennes, quand on n'avait pas de canne à sucre et a fortiori de betteraves sucrières.

Sinon, la formation des goûts alimentaires, ça marche un peu comme les autres goûts. Influence des élites sur la société, pratiques "populaires", effets de mode, en gros comme d'habitude en histoire culturelle. Attrait de l'exotisme, de la nouveauté, patronnage d'une personne ou d'une classe particulièrement influente, choix politique, religieux (choix de groupe donc), etc. Manger, c'est une pratique sociale, donc c'est un marqueur social. Entre en compte ce qu'on mange, mais aussi comment on le mange, et quand. Evidemment il faut en avoir les moyens : de tout temps les riches ont pu manger plus abondamment que les pauvres (mais ils ne l'ont pas forcément fait, cf. de nos jours), ou du moins mieux, en fonction du modèle social dominant (puisqu'ils peuvent se permettre d'avoir le choix).

Et aussi pour un point de vue pratique les aspects géographiques, évidemment, et aussi techniques, car on n'a pas tout le temps su faire pousser telle plante, domestiquer tel animal, ni en tirer telle ou telle substance (cf. la betterave sucrière, dont on a su tirer le sucre que dans la seconde moitié du 19e siècle).

Après, les brocolis j'arrive pas à expliquer (d'ailleurs je ne les aime pas non plus), mais tout d'un coup ça me perturbe ...


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Message Publié : 05 Déc 2006 16:20 
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Fustel de Coulanges
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Le sel aussi est vital! ;)

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Message Publié : 05 Déc 2006 16:30 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Zunkir, si l'exploitation industrielle du sucre de betterave ne prend réellement son essor que dans la 2e moitié du XIXe, on a présenté un pain de sucre de betterave au consul Bonaparte :wink: J'avais autrefois fait un travail sur cette culture, commençant par un historique. Je regarderai ce soir les dates précises.

Sinon, le sucre n'est pas un besoin vital en tant que tel; ce sont les glucides qui sont indispensables, "les sucres" au sens chimique, qui sont la source la plus facilement exploitable par l'organisme d'énergie. Mais de ce point de vue, point n'est besoin que les glucides que vous absorbez aient un goût sucré. L'amidon des céréales, par exemple, suffit à l'organisme.
Cela n'empêche pas l'attrait pour le goût sucré d'être une réalité, le fait que les sucres simples apportent de l'énergie facilement utilisable (sucres rapides)... mais on survit sans. De même qu'on survit sans sel, et que c'est en tant que "seul" moyen de conservation qu'il avait acquis une telle valeur autrefois...


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Message Publié : 05 Déc 2006 16:42 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 15 Nov 2006 17:43
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
C'est Napoléon qui a donné l'impulsion à la betterave à sucre, pour avoir du sucre pendant le blocus, qui empéchait au sucre des Antilles d'arriver en France.

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Message Publié : 05 Déc 2006 19:10 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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Zunkir a écrit :
Si le seul goût inné chez l'humain est le sucré, en fait ça va plus loin : le sucre est une nécessité vitale, non ?

Il est capital que les nouveaux nés soient attirés par le sucré car le lait maternel est sucré... Imaginez un nouveau né à qui l'on présenterait un sein avec du lait poivré... :lol:

De plus, nous descendons de primates arboricoles fructivores desquels nous vient ce goût du sucré... et notre vision des couleurs (car pour distinguer le fruit mûr du fruit vert c'est bien pratique la vision des couleurs).

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Message Publié : 05 Déc 2006 22:13 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Alfred Teckel a écrit :
C'est Napoléon qui a donné l'impulsion à la betterave à sucre, pour avoir du sucre pendant le blocus, qui empéchait au sucre des Antilles d'arriver en France.


Oui et non car en fait, ses décrets sont restés largement lettre morte.
Voilà, j'ai retrouvé mon rapport et voici ce que j'avais relevé comme information sur l'historique de la Betterave à sucre :

Citer :
Les premiers essais de culture de betterave dans l’Aisne remontent aux années 1780.
A l’époque, on s’intéresse d’abord à la plante pour ses qualités fourragères. Mais dès 1800, on met au point des procédés permettant d’en extraire le sucre.

Vers 1810, Napoléon envisage donc de développer la production de « sucre indigène » qui devait dès 1813 remplacer le sucre de canne. Les décrets de 1811 et 1812 imposent donc à chacun des 130 départements de l’Empire d’ensemencer une certaine surface en betterave: 400 puis 1000 ha pour l’Aisne, « département de première classe » qui compte huit sucreries en 1813. Mais les résultats sont plus que décevants. A peine la moitié des ensemencements est réalisée et les rendements sont mauvais.

La chute de Napoléon ramène le sucre de canne sur le marché et les sucreries ferment les unes après les autres. Il ne faut donc pas exagérer le rôle de l’Empereur dans l’essor de cette culture... L’élan est cependant donné.

Entre 1830 et 1840, les surfaces cultivées en betteraves passent de 390 à 3400 ha. En 1836, l’Aisne compte 36 sucreries.

En 1837 cependant, une loi vient taxer lourdement le « sucre indigène ». Un violent débat oppose alors le sucre colonial et le sucre de betterave, sur fond d’abolition de l’esclavage. Celle-ci survient - enfin - en 1848 et s’accompagne d’une forte baisse de la production de sucre de canne. Le sucre de betterave a gagné et sa production se développe très rapidement dans un contexte de Révolution industrielle.

1855: Alexandre Périer, propriétaire de la sucrerie de Flavy-le-Martel (Aisne), présente à l’Exposition universelle du sucre blanc de betterave en pains et, pour la première fois, en poudre.
1864: Invention du procédé de la diffusion. L’Aisne compte 67 sucreries et produit 50 000 tonnes de sucre.
1865: Premiers contrats entre agriculteurs et industriels du sucre...


Viendra ensuite l'âge d'or de cette production avec l'apparition entre 1874 et 1914 de dizaines et de dizaines de râperies (voir la fréquence de ce toponyme sur les cartes topo de Picardie et les récits de la PGM), qui assurent un premier traitement avant l'envoi des jus d'une nébuleuse de râperies vers une sucrerie centrale. Un très grand nombre de ces râperies seront détruites pendant le conflit et le système ne s'en relèvera pas. Aujourd'hui, un petit nombre de sucreries suffit à traiter la production d'immenses surfaces de betteraves.

Voilà pour la parenthèse "Histoire de la betterave à sucre en France", on peut revenir au sujet stricto sensu :oops:


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