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Existait-il une nostalgie du passé pour les Grecs? Une angoisse de la décadence?
Parlaient-ils, eux aussi, d'une "Antiquité"? Se regardaient-ils le nombril comme nous le faisons "pour comprendre notre histoire"?
Les Anciens concevaient et parlaient d'une Antiquité oui. A titre d'exemples :
- (Grèce) le "père de l'histoire" Hérodote cherche à dater la guerre de Troie que rapporte Homère : il en arrive à la date de 1250 av. notre ère, soit sept siècles en amont de son époque ;
- (Grèce) Thucydide, qui relate des faits dont il est contemporain (la guerre du Péloponnèse), n'hésite pas à remonter jusqu'à la Crète du roi légendaire Minos, soit 2000 ans avant lui-même... ;
- (Rome) l'historien romain Denys d'Halicarnasse, au Ier siècle av. J.-C. intitule son histoire romaine
les Antiquités romaines (Ῥωμαϊκὴ Ἀρχαιολογία) ;
- (Rome toujours) l'historien juif romanisé Flavius Josèphe reprend ce titre en 94 apr. J.-C. pour son histoire des Juifs,
les Antiquités juives (Ἰουδαικὴ Ἀρχαιολογία) ;
Les Anciens concevaient un temps long qui les précédait. Et mieux, l'antiquité d'une coutume ou d'un peuple est un gage de respectabilité pour eux. Contrairement à notre temps, l'Antiquité se méfie de l'innovation, de la nouveauté, et cherche sans cesse à se raccrocher à un passé long. Ainsi, l'une des premières tâches que s'assigne le premier historien du christianisme Eusèbe de Césarée au IIIe siècle est de démontrer l'antiquité de la religion chrétienne, remontant à Abraham et Moïse comme prémisses des chrétiens, contre les accusations de nouveauté auxquelles font face les chrétiens.
Il est très important dans l'Antiquité de se raccrocher à un passé long, à une tradition ancestrale. Les Romains s'y réfèrent sans cesse, sous le nom de
mos maiorum : "la coutume des ancêtres" ; c'est l'ensemble des pratiques politiques et culturelles qui ont survécu au point des années et qui sont à respecter ; le
mos maiorum est intangible, (on doit agir en toute occasion comme l’ont fait les ancêtres). C'est une référence (et la particularité romaine est qu'en fait le monde romain n'a jamais cessé de le transformer, ce
mos maiorum, de l'adapter aux évolutions du temps, donc d'innover, mais en essayant sans cesse de se justifier par un raccrochement à la coutume des ancêtres).
Quant à savoir s'il y avait une nostalgie du passé... Chez les Romains oui, indéniablement ; certains auteurs romains sont les champions du "Tout se perd de nos jours !" et du "C'était mieux avant !" Les Romains vivaient dans l'angoisse permanente de la décadence, dans la peur perpétuelle de ne pas être à la hauteur de leurs ancêtres idéalisés, et ce à quasiment toutes les époques de leur histoire, d'après ce que l'on en voit. Chez les Grecs, je ne sais pas du tout. Je laisse à plus expert que moi le soin de se pencher sur la question.