Votre post m'évoque un petit métier associé à l'église, Plantin-Moretus: autrefois, il y avait dans celles-ci des vieilles femmes, les chaisières, qui y louaient des chaises. Selon le calendrier religieux, elles arrondissaient leurs revenus en vendant des bricoles, des branches de buis pour les Rameaux par exemple. Et elles vendaient aussi des cierges. Il y avait des mendiants attittrés à la sortie de l'église à l'heure de la messe du dimanche, toujours les mêmes, et ma mère leur donnait la pièce tous les dimanches, ponctuellement. A la campagne, il y avait ces salles de bal ambulantes, nommées "parquets" dans ma région. Des employés les montaient et les démontaient en un tour de main, ils étaient faits de paneaux en bois assemblables, avec des verres de couleurs criardes en guise de fenêtres pour laisser entrer un peu de lumière, et le toit était une toile de tente (je crois). Leur arrivée était annoncée par des affiches placardées partout et coincidait souvent avec le passage d'une fête foraine mais pas toujours, et les jeunes gens y allaient pour danser et faire des rencontres (la plus jeune des bonnes n'aurait manqué ça pour rien au monde). Pour qu'ils puissent entrer et sortir à leur grè après avoir payé leur entrée, on les marquait sur l'intérieur du poignet avec un tampon à l'encre violette. La musique qu'on y jouait était horriblement ringarde, genre tangos, paso dobles, valses, et il y avait parfois de petits orchestres locaux avec accordéoniste qui s'y produisaient avec des chanteurs à la voix sirupeuse. Les fêtes foraines étaient très excitantes pour les enfants: il y avait des masses de stands différents, pas seulement des tirs, mais aussi des loteries avec une grande roue que l'on faisait tourner pour sortir les numéros gagnants et où on pouvait gagner, entre autres, des volailles vivantes--j'ai un jour gagné un canard--, des stands où il fallait accrocher avec l'hameçon d'une canne à pêche des montres de pacotille ou des bibelots horribles enfouis dans de la sciure, des stands de billard japonais où on gagnait des poupées ou des ours en peluche si on accumulait assez de points. Le fabricant de sucre d'orges aplatissait puis étirait interminablement la pâte chaude et de couleur rose tendre ou vert pomme, la suspendait à un crochet, jonglait avec, puis finalement la coupait en morceaux qu'il vendait enveloppés de papier huilé pour que le sucre ne colle pas; je passais des heures à le regarder. Il y avait aussi les autos tamponneuses ou un jeune garçon avec une sacoche en bandoulière sautait en marche d'une voiture à une autre pour ramasser les tickets. Il y avait aussi des attractions bizarres--je me souviens d'avoir vu une femme à barbe, avec une poitrine plantureuse sur laquelle tombait une barbe idem. On vendait tout un tas de sucreries poisseuses dans les fêtes foraines des années 60: beignets genre doughnuts, ou longs et façonnés en forme de vrille, cacahouettes enrobées de sucre, nougat bon marché, barbe à papa, pommes enrobées de sucre piquées sur un petit bâton. Dans les cinémas, il y avait encore des ouvreuses munies d'une lampe de poche et je crois, juste rémunérées au pourboire. A l'entracte--le film était généralement précédée d'actualités et d'un documentaire très ennuyeux--, elles passaient avec leur grand panier d'osier vendre des chocolats glacés. Dans les salles de cinéma du midi de la France, le film était commenté à voix haute et avec l'accent par les spectateurs, dans le genre: "attention, il va te tuer!" ou "escagouille-le, ce fan de p...e! ou encore "vai, ne le crois pas, c'est un menteur!" J'adorais aller dans des petits cinémas à Marseille ou à Cassis voir n'importe quel film, très idiot c'était le mieux, juste pour entendre les commentaires des spectateurs. Dans les théâtres, on vendait les programmes du spectacle au cri de "DEEEEmandez le programme!"
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