Déjà, il faut changer le titre. On ne peut dire la libération de LA femme. Les revendications féministes qui ont eu le plus de porté au XXe siècle étaient celles qui se battaient contre toute forme d'essentialisme. A savoir, LA femme, à proprement parler, n 'existe pas. Etre femme en société n 'est pas l'expression d'une nature pré-existant la culture. La condition des femmes est une pure fabrique sociale et politique et qui se décline de tant de façons différentes ( être femmes riches, blanches, hétéros ou femmes ouvrières, lesbiennes, noires ( black feminism) ) et par conséquent il n 'existe pas de féminité, de genre féminin avant toute condition sociale. Ce sont les conditions économiques, politiques qui façonnent le devenir féminin de façons multiples et dessinent des enjeux différents pour les femmes en fonction de leur situation.
Ensuite, oui, énormément de sociétés ont asservi la sexualité des femmes, mais il n'en résulte aucunement d'une nature. Les théoriciennes féministes des années soixante dix, dites féministes matérialistes, d'inspiration marxiste, se sont réapproprié Beauvoir pour comprendre qu'au final, l'hétérosexualité, la différence des sexes, étaient des régimes politiques. ( Monique Wittig ) qui fabriquent des personnes définies par leur sexe comme s'il s'agissait là d'un trait physique irréductible; alors que, d'une part, il y a d'autres traits physiques, d'autres différences que le système hétérosexuel ( " la pensée straight" ) ne souligne pas. Il n'y a donc aucune raison, pour ces féministes, de classer les gens en fonction de leur sexe, si ce n 'est pour servir l'économie hétérosexuelle ( contrainte à la reproduction, confiscation de cette reproduction considérée comme travail ) de laquelle il faut se défaire.
L'une des revendications de l'époque est donc d'abolir la catégorie de sexe. Vous voyez, Méabh, qu'il n 'est nullement question de ressembler à des hommes ou pas. En effet, pour des féministes comme Delphy, le but est d'abolir la domination sexuelle, si les hommes sont les dominants et qu'ils sont voués à ne plus l'être, alors personne ne leur ressemblera, puisqu'ils ne seront plus (politiquement parlant, cela va sans dire ).
Au sujet de la sexualité, vous avez des textes et des travaux très intéressants pour comprendre son mécanisme rédigés par des féministes américaines. La féministe juriste , Catharine MacKinnon voit dans la sexualité la façon par laquelle les hommes n'ont de cesse de rappeler aux femmes qu’elles sont subordonnées. En fait, par l'acte sexuel, on rappelle la soumission et la place que doit prendre une femme dans la société. Elle suggère donc aux féministes de se libérer DE la sexualité et d'en faire un véritable objet d'étude du féminisme. " la sexualité est au féminisme ce que le travail est au marxisme, la seule chose qui vous est propres et qui, pourtant, vous est le plus dépossédée. "
C'est donc qu'il y a un lien presque irréductible à penser le genre (système de bi catégorisation en fonction du sexe ) et la sexualité).
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