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Delacampagne p 202: "le système des plantations, considérées comme des entreprises produisant un profit, a atteint son apogée fin du WVIII, il est ensuite devenu progressivement évident à une majorité de gens que l'esclavage n'était pas économiquement la meilleure solution dans la mesure où d'une part leur prix n'arrêtait pas d'augmenter d'autre part leur nombre devenait une menace.
Ce qu'a posté Calade est exact: pour ce qui est de l'historiographie américaine sur l'esclavage, la thèse de la raison économique de l'abandon de l'esclavage date de l'après guerre, et elle est maintenant essentiellement abandonnée.
Il est intéressant de noter le décalage chronologique entre historiographie US et française sur ce sujet.
iL est exact que le prix des esclaves était en augmentation au XIXème siècle aux EU; mais ce n'était en aucune façon un problème pour les propriétaires d'esclaves: d'une part, ils n'avaient que rarement besoin d'en acheter, puisqu'ils avaient sur leurs plantations une foule de femmes esclaves qui assuraient naturellement la multiplication de leur "cheptel" humain sans qu'ils aient à payer quoi que ce soit, sauf leur entretien.
Rappelons que le nombre total d'esclaves importés d'Afrique aux EU est estimé à 650 000/700 000 environ; avant la guerre de Sécession, le nombre des esclaves présents sur le sol US était d'environ 4 millions, soit une population initiale multipliée par 6.
Le solde démographique de la population servile était donc largement positif aux EU, ce qui n'était pas le cas dans les autres pays esclavagistes du Nouveau monde.
Et de ce fait le prix elevé des esclaves, combiné avec l'accroissement naturel de leur nombre, n'était pas du tout un inconvénient pour les planteurs, mais un avantage: la multiplication de leur cheptel humain équivalait à une multiplication de leur capital.
Et le nombre des esclaves n'a jamais été tel qu'il représente un danger; sur un autre fil, la question des révoltes d'esclaves aux EU a été abordée: ce qui est étonnant, c'est que, sur une période de deux siècles et demi, durée totale du système esclavagiste dans ce pays, il n'y ait eu que 3 vraies révoltes d'esclaves (je ne parle pas des RUMEURS de révoltes, fréquentes car la peur des révoltes était la hantise, mais non la réalité, de l'existence des maîtres).
Il en allait différemment dans les plantations des Caraibes ou du Brésil, où la proportion des blancs par rapport aux noirs était de 1/10, le travail de la canne à sucre plus pénible qu'aux EU, les conditions matérielles plus dures, la mortalité forte, et les révoltes d'esclaves assez fréquentes.
Dans les zones des EU où les esclaves étaient les plus nombreux, comme en Caroline du Sud, les esclaves représentaient au plus les 2/3 de la population.
La principale critique économique qu'on pouvait faire au système esclavagiste n'a rien à voir avec tout ça: c'était le manque de productivité des esclaves.
Mais ce manque de productivité n'était guère perceptible aux planteurs, par manque de termes de comparaison: on s'est rendu compte que les esclaves ne travaillaient pas au top de leurs possibilités quand les maîtres, après l'émancipation, ont ré-embauché certains de leurs anciens esclaves comme salariés: la productivité a été multipliée par 2 ou même 3.
Qu'il y ait eu des économistes distingués qui, en GB ou ailleurs--(dans des pays où l'esclavage n'était pas au centre de la vie socio-économique)--aient mis en cause la rentabilité économique de la main d'oeuvre servile, c'est incontestable.
Mais les planteurs de Louisiane ou de Caroline du Sud ou ne connaissaient pas ces théories novatrices (la classe des planteurs était marquée par un fort retard culturel et éducatif), où les considéraient comme des billevesées d'intellectuels étrangers ou nordistes ne connaissant rien à leurs problèmes.
Les planteurs du Sud, en tant que classe, restaient très majoritairement persuadés de la légitimité morale et de la validité économique de "l'institution particulière" , et l'esclavage n'était pas une institution déclinante sur le plan économique avant la guerre.
J'ai lu plusieurs livres sur la classe des planteurs sudistes, et des journaux et lettres échangés entre membres de ces familles de planteurs.
Ils se plaignent rituellement de l'ivrognerie ou de la malhonneteté de leurs "overseers", des soucis et des ennuis sans fin que représente la gestion d'une nombreuse population d'esclaves, mais jamais personne n'y affirme que l'esclavage leur fait perdre de l'argent. Et pour cause, vu l'accroissement exponentiel de leur capital résultant de la reproduction biologique de leur "cheptel" humain--c'est exactement le contraire.
Le fait que les planteurs aient été convaincus de la légitimité morale et de la rentabilité économique du système esclavagiste étant, en dernière analyse, attesté par le fait qu'ils sont allés jusqu'à quitter l'union pour le défendre.